Un nouveau système de formation de base des enseignants sera lancé à la prochaine rentrée universitaire. Objectif: former des enseignants performants et motivés pour hisser la performance du système éducatif. Aujourd’hui, les compétences du corps enseignant sont vertement critiquées pour plusieurs raisons, dont la faiblesse de la formation initiale.
La performance d’un système éducatif ne peut surpasser celle de ses enseignants, comme l’avait si bien souligné la Banque mondiale dans son mémorandum économique sur le Maroc, qui a pointé du doigt la qualité des compétences du corps enseignant national. Le renforcement du système de formation des enseignants, qui souffre actuellement de nombre de dysfonctionnements, s’impose. Plusieurs lacunes ont été listées par le ministère de tutelle lui-même: insuffisance de la durée de la formation initiale des enseignants qui ne dépasse pas un an, faible maîtrise, par les lauréats, des connaissances et compétences pédagogiques liées à leur spécialité, mais aussi des aptitudes professionnelles nécessaires à l’exercice du métier, insuffisance de l’interconnexion entre la formation dispensée dans les cycles universitaires et les besoins pédagogiques pour la mise en pratique du programme scolaire dans le primaire et le secondaire (collège et lycée). C’est pour corriger ces insuffisances qui impactent fortement la qualité de l’enseignement au Maroc que le ministère de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a élaboré un nouveau programme de formation. Il s’agit d’une révision de fond en comble du système actuel. La formation des futurs enseignants devra durer cinq ans au lieu d’une année, voire moins pour les contractuels. Les étudiants seront sélectionnés parmi les meilleurs bacheliers pour suivre une formation de trois ans à l’université, sanctionnée par une licence pédagogique, avant de passer un concours pour être recrutés par les académies régionales de l’éducation et de poursuivre la formation pendant deux ans dans les centres régionaux des métiers de l’éducation et de la formation. Des stages dans les établissements scolaires en alternance avec la formation dans les CRMEF sont prévus durant la cinquième année. Le nouveau ministre de l’Éducation nationale compte changer l’orientation actuelle qui consiste à choisir le métier d’enseignant par défaut et rarement par vocation. L’objectif est d’inciter les jeunes à en faire un projet personnel basé sur une ferme conviction, plutôt qu’un dernier recours pour échapper aux affres du chômage. Le nouveau système, dont les retombées ne seront effectives que dans cinq ans, attirera-t-il les étudiants les plus brillants? Optimiste, Amzazi veut attirer les meilleurs bacheliers à l’instar de ce que font les pays qui ont les systèmes éducatifs les plus performants, qui recrutent leurs enseignants parmi les étudiants les plus brillants. Mais il s’avère nécessaire de revoir le volet matériel des enseignants, qui peut dissuader les jeunes d’opter pour la licence pédagogique.
200.000 enseignants formés et recrutés à l’horizon 2030
À l’horizon 2030, le système d’enseignement connaîtra le départ à la retraite de quelque 92.258 enseignants. À ce chiffre s’ajoutent quelque 30.810 enseignants qui bénéficieront de la retraite anticipée. On s’attend à la formation de quelque 200.000 enseignants entre 2015 et 2030, soit un taux de renouvellement de 80% du total du corps enseignant. En 2018/2019, les besoins en enseignants se chiffrent à 21.520. Ce chiffre passera à plus de 200.000 en 2030. Il s’avère ainsi nécessaire de combler les besoins qui se manifestent. La formation au sein des universités est une initiative louable. La première promotion ne devrait compter que 4.500 lauréats. Deux options seront proposées: l’enseignement primaire et celui secondaire. Le seconde comprend plusieurs spécialités: la langue arabe, la langue française, la langue anglaise, l’histoire-géographie, l’éducation islamique, la philosophie, l’éducation physique, la physique-chimie, les sciences de la vie et de la terre, les mathématiques, l’informatique, les sciences industrielles, les sciences économiques et la gestion.
Said Amzazi
Ministre de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique
Les Inspirations ÉCO : Avez-vous pris en considération les besoins de l’enseignement privé dans la nouvelle vision de la formation des enseignants ?
Said Amzazi : Les besoins du secteur privé sont aussi prévus dans la nouvelle vision de la formation. Aujourd’hui, le besoin se fait principalement sentir dans le public, dans la mesure où il dépasse déjà les 21.000 postes pour l’année prochaine. Dans un premier temps, le secteur privé en réclame 2.000 par an. C’est un chiffre qui n’est pas encore arrêté. Nous sommes en train de lancer la dynamique de la formation. Les premières filières des universités permettent d’occuper 5.000 places. Il est à préciser que nous avons adopté un système de filières-types nationales. C’est ainsi que chaque université et faculté peut s’approprier ces filières-types et les ouvrir aux étudiants, une fois qu’elles auront été accréditées. On va dépasser -et de loin- les 5.000 étudiants. Forcément, on tiendra compte des besoins du privé. Il n’existe plus de dichotomie entre le public et le privé. La mission de l’enseignement incombe à l’État. Le privé s’inscrit dans le prolongement du public et est appelé à assurer cette mission, assorti des mêmes normes de qualité.
Quid de la formation continue des enseignants qui exercent déjà le métier, dont les contractuels ?
Nous avons déjà un grand contingent de 245.000 enseignants dans le système. La difficulté réside dans l’existence de plusieurs profils car le recrutement a été fait de différentes manières. Parallèlement à la formation (spécialisée) initiale, nous prévoyons de mettre en place la formation continue que nous sommes en train de réformer. Il n’est plus question de sortir le professeur de sa classe pour le former cinq jours à l’extérieur, mais il faut plutôt l’accompagner dans ses pratiques pédagogiques au sein de sa classe. Un effort est à déployer en matière de mise en place de plateformes de formation tout au long du cursus académique. Les contractuels sont forcément intégrés, et on va commencer avec eux. Leur formation en cours dans le CRMEF sera poursuivie. À partir de septembre, ils vont regagner leurs classes et on va assurer une formation par alternance pendant toutes les vacances de la première année. Par la suite, les efforts seront poursuivis via tout un programme de formation continue.
Vous misez sur la sélection des nouveaux étudiants parmi les meilleurs bacheliers. Ne pensez-vous pas que la motivation de ces jeunes doit passer par le volet des rémunérations ?
Ce qui est motivant, c’est le recrutement après trois ans de formation à l’université. Le but est de les qualifier pour qu’ils puissent être recrutés sur la base de leurs résultats. Nous tablons sur le recrutement de 100% de cette population sélectionnée en amont parmi les meilleurs bacheliers. Systématiquement, ils n’ont pas une bourse classique après leur recrutement par les académies, mais percevront mensuellement 1.400 DH pendant la 4e année et 5.000 DH pendant la 5e année. C’est une motivation extraordinaire. Aujourd’hui, aucun étudiant qui entre en licence n’est sûr d’être recruté, trois ans après sa formation.