Fiscalité locale : la réorganisation du recouvrement pour réduire la spéculation foncière

La nouvelle loi n° 14-25 sur la fiscalité locale active un double levier. Elle révise d’abord en profondeur les tarifs de la taxe sur les terrains non bâtis pour décourager la rétention foncière. Elle rationalise, en parallèle, les circuits de recouvrement afin d’assurer une collecte plus efficace des recettes territoriales.
Le Maroc a initié une réforme substantielle de sa fiscalité locale avec la promulgation de la loi n° 14-25, publiée dernièrement au Bulletin officiel (3 juillet 2025). Cette législation introduit une double évolution. Elle redéfinit les modalités d’imposition des terrains urbains non bâtis, pour décourager la rétention foncière, et rationalise les circuits de perception pour en assurer l’efficacité.
En modifiant la loi n° 47-06, le nouveau texte met en place des outils administratifs et fiscaux conçus pour transformer la gestion des ressources territoriales et accompagner le développement économique local.
Une nouvelle grille tarifaire pour cibler la rétention foncière
La réforme instaure un changement fondamental dans le calcul de la taxe sur les terrains urbains non bâtis (TNB). Le nouveau dispositif abandonne l’ancienne logique pour un critère basé sur le niveau d’équipement des zones. Désormais, les terrains situés dans des périmètres bien desservis par les services publics seront taxés entre 15 et 30 dirhams le mètre carré. Les zones à équipement intermédiaire verront leur taxe fixée entre 5 et 15 dirhams.
Enfin, les parcelles dans des zones faiblement équipées seront soumises à une taxe allant de 0,5 à 2 dirhams. Cette nouvelle approche se substitue à la classification antérieure. Auparavant, l’article 45 de la loi 47-06 fondait sa différenciation sur l’usage futur du terrain, avec des tarifs de 4 à 20 dirhams pour les «zones immeubles» et de 2 à 12 dirhams pour les «zones villas».
En liant la taxe aux infrastructures existantes plutôt qu’au projet de construction, la loi rend la détention de terrains non exploités dans des zones aménagées économiquement moins soutenable, exerçant ainsi une pression directe sur la spéculation. Le seuil minimal de perception de la taxe demeure pour sa part inchangé à 200 dirhams.
La réorganisation du recouvrement, un levier d’efficacité
Pour garantir l’application effective de ces nouveaux tarifs, la loi n° 14-25 clarifie de manière précise les compétences en matière de perception. Elle établit une distinction nette des responsabilités. La Direction générale des impôts (DGI) est désormais l’unique interlocutrice pour le recouvrement de la taxe professionnelle, de la taxe d’habitation et de la taxe de services communaux.
En parallèle, des percepteurs communaux, nommés par arrêté conjoint des ministères de l’Intérieur et des Finances, se voient confier la collecte de toutes les autres taxes locales, incluant la taxe sur les terrains urbains non bâtis. Ces agents sont habilités à engager des procédures de recouvrement forcé, veillant ainsi à ce que les nouvelles obligations fiscales soient respectées. Cette spécialisation vise à renforcer l’efficacité administrative et à améliorer significativement les taux de recouvrement.
Une transition structurée pour une mise en œuvre opérationnelle
L’entrée en vigueur immédiate de la loi s’accompagne de dispositions transitoires pour assurer une bascule administrative fluide. Un délai de deux mois est accordé pour le transfert de l’ensemble des dossiers fiscaux par la Trésorerie générale du Royaume aux nouvelles entités compétentes. Ce transfert inclut tous les documents, données informatiques et informations nécessaires à la liquidation, l’émission et le recouvrement des taxes concernées. Il couvre également la gestion des contentieux et des réclamations en cours.
Cette démarche structurée est essentielle pour garantir la continuité du service public, éviter toute rupture dans la chaîne de perception et rendre le nouveau système pleinement opérationnel sans délai. Cette réforme s’inscrit dans le cadre d’un objectif plus large de renforcement de l’autonomie financière des collectivités territoriales.
En optimisant les recettes fiscales, et notamment celles issues du foncier, elle entend doter les communes et les régions de ressources plus stables et prévisibles. Ces moyens financiers sont nécessaires pour financer les projets d’infrastructures et de services publics qui relèvent de leurs compétences, dans le cadre de la régionalisation avancée.
L’articulation entre une fiscalité plus incitative et un mécanisme de collecte plus performant constitue ainsi un levier à même de permettre une gestion plus efficiente des finances locales et un soutien aux dynamiques de développement territorial du pays.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO