Les entreprises marocaines du secteur de la fintech se sont réunies, il y a quelques jours, pour lancer la constitution de leur première association. Le collectif, qui est constitué d’experts et de grands noms parmi les serial entrepreneurs que compte le Maroc, veut devenir le visage de la Fintech à même de représenter ses membres auprès des régulateurs, des investisseurs, des institutions financières, des partenaires et de toute autre partie. Objectif final: rattraper le retard du Maroc dans les industries de la fintech.
Au Maroc, nous avons des champions dans les phosphates, l’agro-alimentaire, les banques, les assurances, la grande distribution, etc. Une maturité que nous envie le reste de l’Afrique et certains partenaires européens. Néanmoins, nous accusons encore un énorme retard dans un domaine aussi crucial que les industries des Fintech.
Les pays comme le Nigéria, le Kenya, l’Afrique du Sud et récemment le Sénégal, avec notamment la déferlante Wave-considérée comme la première licorne d’Afrique francophone-, sont en train de faire des ravages dans le domaine des technologies numériques innovantes dédiées à l’optimisation des services financiers. Si les pays de l’Afrique de l’Est ont plus ou moins révolutionné l’accès à l’électricité aux populations les plus défavorisées, grâce à d’ingénieux systèmes de paiement de produits, à Dakar, il est possible de se payer son petit café le matin depuis son smartphone avec seulement quelques clics.
Au Nigéria, les statistiques sur les utilisateurs de portefeuilles électroniques parmi les ruraux et les urbains, titulaires ou non d’un compte bancaire, ont de quoi faire pâlir de jalousie les économies qui abritent les sièges mondiaux des Gafam. Si l’écosystème local connaît une forte accélération avec un financement de 33 millions de dollars en 2021, les initiatives dans ce sens sont encore timides comparé à ce qui se passe chez les voisins du continent.
Le Maroc demeure en effet en retrait avec un nombre de fintechs et d’investissements limités. Partant de ce constat, les entreprises marocaines du secteur de la fintech se sont regroupées pour lancer la première association ayant pour but de les fédérer et de les représenter. Le collectif qui est constitué de grands noms parmi les serials entrepreneurs que compte le Maroc, ainsi que d’experts du domaine, s’est réuni jeudi 30 juin, dans un hôtel de la place.
Les statuts et la composition de l’association feront l’objet de nouvelles consultations auprès de la communauté, suite aux retours. Étaient présents pour cette prise de contact, Hsabati, Chari, Guichet.ma, CIH Bank, Talata, Kifal auto, Finkey, Kenz’up, Al filahi cash, M2T, AfricInvest, Tower financial, 212 founders, UM6P ventures, Oaklins, Media Digital Invest, Azur Partners, First circle, OutlierZ … et de nombreuses autres personnalités issues du monde de la recherche et de l’entrepreneuriat.
S’inspirer du Rwanda et au delà
Un bon petit monde résolument décidé à faire bouger les lignes. Ils ambitionnent de représenter les Fintechs auprès des acteurs de la place notamment les instances de régulation, le Centre monétique interbancaire (CMI), les banques, etc. Ils veulent s’inspirer d’autres plateformes déjà existantes qui ont déjà fait leur preuve. C’est le cas notamment de la Rwanda Fintech association qui ambitionne de devenir le visage de la Fintech au Rwanda et représenter les valeurs partagées de ses membres auprès des régulateurs, des investisseurs, des institutions financières, des associations étrangères, des partenaires et de toute autre partie.
La France Tech, qui promeut l’excellence du secteur en France et à l’étranger, au travers d’interviews, de conférences, d’actions de formation, de newsletters, de panoramas, d’infographies, d’annuaires, de livres blancs, et l’European Fintech Association, qui défend et représente les intérêts de ses membres au niveau de la politique générale, notamment auprès des institutions de l’UE et des autres organismes de réglementation européens, font également partie des belles réussites qui pourraient inspirer la communauté marocaine.
En se proposant d’harmoniser l’action des fintechs en tant qu’interlocuteur privilégié des instances bancaires, notamment, Bank-Al-Maghrib, le collectif se fixe aussi pour mission de vulgariser l’action des Fintechs auprès du grand public tout en accompagnant les plateformes spécialisées dans l’optimisation des services financiers.
«Aujourd’hui nous savons que les Fintech se développent de manière exponentielle en Afrique, puisque les services financiers digitaux sont la première brique d’une inclusion plus large de nos populations en matière économique, administrative et sociétale», explique Andrea Bises. L’expert en business model et règlementation fintech d’ajouter que «notre collectif souhaite regrouper la pluralité des acteurs de la place pour faire émerger des Fintech à la hauteur de la puissance économique du Maroc.
Ainsi, nous souhaitons créer une plateforme d’échanges et de partenariats». En gros, il est question d’inclure, d’innover, de tester, d’apporter des réponses sur ces enjeux «à notre communauté et à notre industrie, pour lancer ensemble de nouveaux services».
Des attentes et des chantiers
Dans cet esprit, poursuit le spécialiste, «nous tendons la main aux institutions et associations existantes, pour co-construire sans faire doublon, et capitaliser sur les réalisations à date. Il est attendu des banques une augmentation des passifs bancaires et donc de la capacité à octroyer des crédits et ainsi créer du PNB.
Quant aux autorités et citoyens, ils sont appelés à participer à l’effort d’inclusion financière en ciblant des populations non bancarisées, et aux entreprises à œuvrer à la prolifération d’offres adaptées aux besoins de l’ensemble des acteurs économiques. Plus globalement, pour accélérer l’éclosion d’un écosystème et l’émergence de licornes marocaines, trois leviers ont été déjà identifiés par les acteurs dont l’engagement de disrupter le marché encore naissant ne fait aucun doute. Il est question avant tout d’avoir un cadre légal souple et adapté.
Si des avancées remarquables ont vu le jour ces dernières années, allant des circulaires favorisant de 2016 légiférant sur le statut d’établissement de paiement, de la loi sur le crowdfunding, à l’exemption de taxes de 5 ans sur le revenu encaissé sur du mobile par les commerçants, les besoins de statuts adaptés aux réalités des Fintech, afin de favoriser l’agilité et l’innovation sont aujourd’hui très nombreux.
Toujours dans le cadre du chapitre des chantiers réglementaires à initier, les acteurs plaident pour les homologations de parcours clients 100% digitalisés ainsi que la mise en place d’un guichet Fintech avec point de contact pour les startups. S’agissant des partenariats technologiques, une réflexion autour d’un modèle possible de Bank-as-a-Service comme Treezor ou MangoPay est aujourd’hui nécessaire.
Enfin, pour ce qui est du financement des startups, il y a un besoin urgent de la mise en place d’un mécanisme d’accompagnement financier à un niveau “early stage” impliquant notamment la CCG.
Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO