Maroc

Assurance maladie : un big-bang pour 2026

Dès 2026, les entreprises disposant de mutuelles privées vont devoir obligatoirement adhérer au régime AMO géré par la Caisse nationale de sécurité sociale. Celui-ci deviendra ainsi la couverture maladie universelle. La mutuelle privée relèvera d’une assurance complémentaire pour les employeurs qui la conserveront.

C’est un big-bang qui va redessiner l’assurance maladie au Maroc et bousculer des habitudes bien installées chez les acteurs de la chaîne des soins. À très court terme, dès l’année prochaine, les personnes relevant de l’«article 114» du Code de l’assurance maladie, soit des milliers de salariés du secteur privé couverts par les «mutuelles» des compagnies d’assurance, vont basculer vers le régime AMO géré par Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS).

Le texte de loi est au niveau de la Chambre des Représentants, et il devrait être adopté et publié avant la fin de cette année, confie une source proche de l’ACAPS. Le schéma qui se dessine est de faire de l’AMO une couverture universelle comme prévu dans la loi. Ainsi, les entreprises couvertes par les «mutuelles» des assurances devront souscrire à l’AMO et garder, si elles le souhaitent, leur mutuelle actuelle au titre d’une assurance complémentaire.

Pour celles qui garderaient leur mutuelle, ce sera un coût supplémentaire car il va falloir payer des cotisations au régime universel (AMO). Ce qui est certain, c’est que l’harmonisation des bases de renforcement aux assurés ne se fera pas par un alignement sur la grille pratiquée par les mutuelles privées. Il y aura donc forcément quelques perdants.

Dans ce nouveau schéma, les assureurs seront appelés à renforcer leur positionnement en développant des offres innovantes, souligne la Fédération marocaine de l’assurance. La digitalisation des échanges d’informations avec la CNSS ouvrira la voie à un «guichet unique» qui fluidifiera le parcours des assurés, poursuit-elle. Opérant majoritairement dans les secteurs du commerce, des services et de l’industrie, les sociétés dites «Affiliés 114», selon la nomenclature de la CNSS, représentent un peu les passagers «Business class» au sein de la population des entreprises.

Il s’agit souvent de grandes firmes qui emploient en moyenne plus de 257 collaborateurs (l’effectif moyen est de 12 salariés pour les autres affiliés à la CNSS, selon les données de 2023), et surtout, les plus solvables dans le système, car disposant d’une large assiette de cotisations. Le salaire moyen qu’elles déclarent s’élève à 9.039 dirhams, soit plus du double de la moyenne des entreprises affiliées au régime AMO (qui est de 4.235 dirhams). Ces entreprises représentent en effet 1% des affiliés à la Sécurité sociale, mais pèsent 31% de la masse salariale déclarée.

L’enjeu de l’intégration de ces «affiliés 114» dans le régime général de l’assurance maladie est donc crucial pour l’équilibre financier de l’AMO. Ces entreprises sont dites «114», en allusion à l’article de la loi formant Code de l’assurance maladie obligatoire qui leur concédait une période transitoire de 5 ans, renouvelable une fois, avant de pouvoir intégrer le régime AMO. Mais ce qui ne devait être qu’une dérogation limitée dans le temps a fini par se transformer en un mini-régime d’assurance maladie bis. Même si elles s’en défendent, les assureurs étaient des fervents défenseurs du statu quo car la branche maladie, jadis déficitaire, s’est progressivement redressée grâce à la lutte menée contre la fraude.

Chez les assureurs, la «mutuelle», plébiscitée par les salariés, joue en effet le rôle de produit d’appel car elle leur permet de placer d’autres produits auprès des entreprises, entre autres, l’AT (accident de travail), la couverture risque incendie, l’Épargne-retraite ou encore la perte d’exploitation. Côté employeurs, on a souvent plaidé pour le maintien de ces mutuelles qui «marchent globalement bien».

C’est d’ailleurs un point de convergence avec les organisations syndicales qui n’ont jamais, non plus, remis en cause la couverture des employés par des mutuelles gérées par les assureurs car cela supprimerait l’avantage lié au ticket modérateur pratiqué par la plupart des «mutuelles», en moyenne 20% des dépenses de soins engagées par l’assuré.

Le taux de remboursement des frais engagés pour se faire soigner se situe autour de 80% des tarifs réels, et jusqu’à 100% chez certaines entreprises qui disposent de leurs propres mutuelles internes ou sectorielles, comme les banques. Ne garder que l’AMO pour des milliers de salariés, cela reviendrait de facto à élaguer leurs acquis sociaux.

L’atout de l’AMO ? La prise en charge des pathologies lourdes
La couverture «assurance maladie» dans le secteur privé est d’ailleurs un argument d’attractivité pour les DRH pour attirer des talents sur le marché de l’emploi. Ni le plafond de dépenses de soins appliqué pour des pathologies lourdes par les mutuelles privées (que peu de gens connaissent) voire, l’exclusion de fait, des affections à longue durée du panier des soins, ne semblent entamer l’attachement à ce régime privé.

Malgré un ticket modérateur moins attractif – car déconnecté des tarifs pratiqués dans les cabinets médicaux et les cliniques privées -, l’AMO présente l’avantage de prendre en charge, plutôt confortablement, le traitement des maladies chroniques, avec un taux de remboursement des frais de 79% sur la base d’une grille tarifaire décalée de la réalité. C’est, sans aucun doute, le principal avantage concurrentiel de l’AMO par rapport aux mutuelles privées qui couvrent les assurés «114».

Les ménages concernés y sont très attachés. La forte concentration sur l’AMO des assurés atteints d’affections de longue durée (ALD) n’est pas sans risque pour l’équilibre financier du régime. L’apport financier des entreprises relevant de l’article 114 du Code de l’assurance maladie devrait atténuer en partie ces difficultés financières.

Au moins la moitié des dépenses de l’assurance maladie couvrent les soins de personnes atteintes des maladies chroniques. En 2023, le coût moyen d’un patient atteint de maladie chronique était de 15.604 dirhams.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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