Financement de l’enseignement. Le défi de la gouvernance

Le Maroc ne parvient toujours pas à relever le défi de la réforme de l’enseignement, bien qu’environ 20% du budget de l’État soit alloué à ce secteur. Faut-il augmenter les financements dédiés à l’enseignement ou plutôt améliorer sa gouvernance et miser sur la reddition des comptes ?
Le secteur de l’enseignement accapare environ le quart des dépenses de l’État. Le contraste entre le niveau des crédits alloués à l’éducation et les résultats obtenus, surtout sur le plan qualitatif, est saisissant. Faut-il augmenter le budget consacré à l’éducation pour enfin concrétiser la réforme tant attendue? Une part de plus de 5% du PIB est consacrée à l’enseignement, à la formation professionnelle et à la recherche scientifique. Pour le ministère de tutelle, plus de 80% de ce budget sont alloués à la masse salariale et aux dépenses du personnel. Aussi, moins de 20% du financement dédié au secteur est-il destiné au fonctionnement des établissements, à l’appui social et aux investissements. Le ministre de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a souligné, en juin dernier dans une rencontre sur les finances publiques, qu’il faut définitivement en finir avec ce préjugé qui prétend que la quote-part annuelle du budget du ministère de l’Éducation nationale par rapport à celui du budget général de l’État reste élevée, cet argent n’en assurant que le fonctionnement de base. La réforme de l’éducation, à la lumière de la loi-cadre de la vision stratégique pour la période 2019/2030, nécessitera un budget annuel supplémentaire, estimé par le responsable gouvernemental, à au moins 10 MMDH. Le gap est visiblement très difficile à combler. En 2018, rappelons-le, le budget du secteur de l’enseignement a été augmenté de 5 MMDH. Pour 2019, on s’attend à une augmentation supplémentaire dans la loi de Finances en cours de préparation, ne serait-ce que pour financer la stratégie du préscolaire qui vient d’être lancée et dont la mise en œuvre nécessite des moyens financiers conséquents, d’autant plus que le budget alloué à cet enseignement a été, jusque-là, quasiment insignifiant. Au cours des dernières années, plusieurs voix, notamment au Parlement, se sont élevées pour appeler à déployer des efforts financiers supplémentaires afin de donner un coup de fouet à l’enseignement au Maroc.
Optimiser les ressources
Mais de l’avis de nombre d’experts et d’institutions internationales, le royaume doit plutôt miser sur l’amélioration de la gouvernance du système de financement de l’enseignement. Le dernier rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques sur le cadre d’évaluation de l’éducation est très clair en la matière. Il pointe en effet du doigt le fait que le niveau relativement élevé de financement de l’éducation ne s’est pas accompagné d’une amélioration de la performance du système éducatif. Le constat de l’OCDE doit interpeller le gouvernement: malgré l’investissement important dans le secteur éducatif, le retour sur investissement du système en termes d’accès à l’éducation et de qualité des apprentissages demeure faible. En moyenne, les pays arabes et les pays à revenu moyen atteignent des taux de scolarisation plus élevés et un niveau d’apprentissage plus important que le Maroc, malgré un investissement plus faible. Cette situation est expliquée, entre autres, par «des problèmes d’efficience et d’efficacité de gestion des ressources humaines et financières et l’absence de mesures ciblées pour diminuer les écarts de performance entre les régions et les milieux ruraux et urbains». Ainsi, la révision du mode de gouvernance s’impose. Le FMI avait souligné -rappelons-le- que pour le même niveau de dépense publique par élève, les tests internationaux d’évaluation pourraient s’améliorer de l’ordre de 50 points si les incitations des enseignants étaient renforcées par une meilleure formation et prise en charge, si la qualité des institutions et de la gouvernance connaissait une amélioration palpable, et si la qualité de gestion budgétaire s’améliorait grâce à une meilleure allocation des dépenses publiques et à un moindre détournement des fonds publics. Il faut miser sur la reddition des comptes. À cela s’ajoute la nécessité de choisir les priorités et de cibler le renforcement de la structure de l’école publique pour pouvoir atteindre la qualité d’enseignement escomptée. À ce titre, il y a lieu de souligner que ce changement a été lancé via le projet d’établissement qu’il faut généraliser aux quatre coins du Maroc pour assurer «un management de proximité», comme l’a déjà souligné Said Amzazi. Il s’agit de garantir aux établissements un minimum d’autonomie dans la gestion de leurs fonds, mais aussi la sélection de leurs priorités car les besoins diffèrent d’une école à une autre.
Recommandations
Pour Paulo Santiago, chef de la division Conseil et mise en œuvre des politiques éducatives à l’OCDE, il faut plutôt lancer la réflexion sur la manière d’affecter les ressources et s’assurer de cibler les jeunes les plus défavorisés, à l’instar de ce que font d’autres pays. Et c’est dans ce cadre que l’impératif d’accorder plus d’attention à la manière dont les ressources sont allouées aux écoles trouve tout son sens. Le défi consiste à ce que les écoles situées dans des zones défavorisées sur le plan socio-économique puissent avoir des ambitions aussi élevées pour elles-mêmes et leurs élèves que celles des zones plus favorisées. Par ailleurs, à l’heure de la mise en œuvre de la régionalisation avancée, la territorialisation du budget de l’éducation avec la contribution des collectivités territoriales s’avère être une nécessité. L’implication des collectivités territoriales dans le financement de l’éducation demeure très limitée: elle est de moins de 1% alors que, dans nombre de pays, ce taux dépasse 60%. On s’attend à ce que leur contribution à l’effort de la réforme de l’éducation connaisse une augmentation significative à travers d’étroites collaborations avec les académies régionales de l’éducation et de la formation.