Fès : quelles solutions durables face à la crise des ordures ?
Alors que les contrats du délégataire actuel arrivent à expiration, une véritable crise des déchets secoue la ville de Fès. Des montagnes d’immondices s’amoncellent dans les rues, provoquant l’indignation des habitants. Face à cette situation, les autorités locales ont désigné provisoirement «Mecomar» pour la zone Fès 1, en attendant la sélection de nouveaux délégataires, en septembre prochain.
À Fès, la question de la gestion des déchets ménagers inquiète de plus en plus. En effet, le contrat de l’actuel délégataire, la société Ozone, dans les zones Fès 1 (arrondissements : Fès-Médina et Jnane El Ouerd) et Fès 2
(Agdal, Merinides, Sais et Zouagha) arrive bientôt à expiration. Les décors insalubres sont désormais la norme dans plusieurs quartiers. Sur les grands axes comme les boulevards des FAR, Mohammed V, Allal Benabdallah, Hassan II et la route d’Imouzzer, les poubelles débordent et les ordures s’amoncellent sur les trottoirs de manière continue. La situation est encore plus préoccupante dans les zones sous-équipées. Les photos, prises en pleine journée, illustrent l’ampleur du problème, avec d’immenses montagnes d’ordures qui s’accumulent dans les rues, alors qu’elles devraient être évacuées en cette période de faible affluence.
L’opposition dénonce le manque d’anticipation
Des voix discordantes s’élèvent au sein du Conseil communal. Des élus de l’opposition dénoncent la gestion hasardeuse de ce dossier par les membres du bureau. Selon eux, l’appel d’offres pour désigner le nouveau délégataire aurait dû être lancé bien avant l’expiration du contrat actuel.
«Cette précipitation de dernière minute témoigne d’un manque de planification et de prévoyance inadmissible pour un service aussi vital que la gestion des déchets», estiment-ils, ajoutant que le nouveau contrat de gestion déléguée aurait dû être attribué avant même le terme de la délégation en cours, permettant ainsi une transition en douceur vers le nouveau prestataire, surtout que la ville dispose de deux contrats distincts, ce qui devrait permettre une gestion plus fluide.
La population exige des comptes
Face à cette crise, les habitants et commerçants de Fès ne cachent plus leur colère et leur exaspération. À travers le tissu associatif et les réseaux sociaux, ils lancent un cri d’alarme aux autorités locales, les sollicitant de trouver dans les plus brefs délais des solutions pérennes. Voir les rues jonchées de détritus, au cœur de la ville, n’est plus tolérable, dénoncent-ils, indignés par une telle dégradation de leur cadre de vie. Leur incompréhension est d’autant plus vive que le service de ramassage des ordures, censé assurer la propreté urbaine, engloutit chaque année la somme astronomique de 168 millions de dirhams de deniers publics. Une inefficacité flagrante qui fait l’objet de vives critiques, les citoyens ne constatant aucun rapport entre les fonds investis et la dégradation patente des conditions d’hygiène. Les demandes se multiplient donc pour réclamer des comptes et une refonte complète de ce service, afin qu’il soit enfin à la hauteur des attentes légitimes des Fassis.
L’espoir renaît avec la désignation provisoire de Mecomar à Fès 1
Face à l’urgence de la situation, les autorités ont décidé d’agir en désignant la société «Mecomar» pour assurer la relève dans la gestion du ramassage des déchets ménagers à Fès 1 (Jnan el-Ouerd et Fès-Médina). Cette décision intervient après l’adoption d’un nouveau cahier des charges visant à mieux répondre aux besoins et à protéger les droits des citoyens.
Cependant, cette mesure reste transitoire en attendant la fin du contrat de gestion déléguée à Fès 2, prévue le 10 septembre prochain. À cette date, de nouveaux délégataires prendront la relève pour l’ensemble de la ville. D’après les élus de l’arrondissement Jnan El-Ouerd, Mecomar a commencé à opérer dès mercredi soir, en remplacement de l’opérateur sortant Ozone, et ce, pour une période transitoire de trois à quatre mois. Les responsables locaux fondent de grands espoirs sur ce changement pour résoudre le problème de l’accumulation des déchets dans les ruelles des deux arrondissements et améliorer substantiellement les services de propreté.
Si cette première initiative ne représente qu’une solution d’urgence à caractère temporaire, avant l’arrivée des nouveaux délégataires en septembre, elle témoigne de la détermination des autorités à prendre le problème à bras-le-corps.
Quand la crise des déchets met à nu les manquements des entreprises.
Le cas de la crise des déchets à Fès met en lumière les défis de gestion auxquels sont confrontées de nombreuses entreprises marocaines. Qu’il s’agisse de PME familiales ou de grands groupes, la pérennité des structures économiques au Maroc reste souvent dépendante de la situation personnelle de leurs dirigeants. Cette forte personnalisation de la gouvernance reflète une culture entrepreneuriale où les modes de gestion restent largement centralisés et peu professionnalisés.
Cette tendance trouve son origine, notamment, dans un paysage économique longtemps dominé par un tissu de petites entreprises, façonnées par une logique patrimoniale et familiale. Mais même parmi les acteurs de plus grande envergure, comme le Groupe Ozone environnement & services, qui a réussi à exporter son expertise et à planter son étendard dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, les processus décisionnels peinent encore à s’émanciper d’un modèle centralisé autour du patron-fondateur. En effet, les poursuites judiciaires envers le directeur général de cette même société, placé en détention, illustrent cet enjeu.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO