Exportations agricoles vers l’Europe : vers la fin des hostilités ?

Les agriculteurs marocains font face à une levée de boucliers de la part de leurs homologues européens. Ces derniers dénoncent une concurrence déloyale et un non-respect des quotas d’exportation. Pour apaiser les tensions, les deux parties se sont engagées sur la voie du compromis. Mais pour l’heure, très peu d’avancées ont été réalisées.
Les tensions autour des exportations de tomates marocaines vers l’Europe ont animé le débat, ces derniers mois, entre les deux rives de la Méditerranée. Accusés de fragiliser les producteurs locaux, les produits marocains ont fait l’objet de critiques croissantes, notamment en France et en Espagne. L’ire des producteurs européens est telle qu’une action en justice a été intentée, mais sans suite.
En quête de compromis
Aujourd’hui, pour tenter d’apaiser les tensions, les producteurs marocains et français ont décidé de s’assoir à la table des négociations. Selon certaines informations, un accord pourrait être signé dans les prochains jours. Il permettra d’encadrer plus strictement la saisonnalité des exportations et d’éviter un chevauchement avec la production locale.
Ce compromis devrait aussi préserver les intérêts des deux parties tout en consolidant les relations économiques bilatérales. En effet, les producteurs français ont toujours dénoncé une concurrence déloyale des producteurs marocains qui, de leur côté, affirment honorer leurs engagements vis-à-vis de leurs clients étrangers.
Ce que les français veulent éviter, c’est que les tomates marocaines, dont les prix sont plus attractifs, se retrouvent sur les étals durant la période de production locale. Pendant des années, les tomates marocaines ont complété l’offre française en période de contre-saison.
Toutefois, avec l’essor des serres au sud du Maroc et l’augmentation des exportations de tomates cerises, la donne a changé. Cet afflux a suscité des tensions croissantes parmi les producteurs français et espagnols, qui dénoncent un non-respect des quotas d’importation et ont lancé une série de mobilisations et de plaintes. La Coordination des organisations d’agriculteurs et d’éleveurs d’Espagne (COAG), en particulier, accuse le Maroc d’inonder le marché européen et d’affecter les prix locaux.
Le fait est que l’accord de libre-échange, conjugué à des différences réglementaires en matière de production, a permis au Royaume de renforcer sa présence sur le marché européen. Face à la pression des producteurs européens, Rabat a réaffirmé le respect des accords commerciaux et insisté sur le caractère strictement réglementé de ses exportations.
Pour rappel, la COAG tente de trouver un appui auprès de ses homologues français de la Confédération paysanne.
Selon la COAG, le Maroc aurait dépassé le quota d’exportation en franchise de droits de quelque 230.000 tonnes par an depuis 2019, ce qui aurait entraîné un manque à gagner fiscal estimé à 71,7 millions d’euros pour l’Espagne sur les cinq dernières années.
De son côté, le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a rappelé que «les accords commerciaux entre le Maroc et l’Union européenne sont fondés sur des normes strictes et visent à assurer un équilibre entre les intérêts de toutes les parties». Il a également souligné que l’UE bénéficie d’un excédent commercial global avec le Maroc d’environ 10 milliards d’euros, dont 600 millions d’euros pour les produits agricoles.
Jeu de dupes ?
Les négociations auraient été initiées par le comité mixte franco-marocain des fruits et légumes, réactivé en octobre dernier lors de la visite à Rabat du président français, Emmanuel Macron, qui joue un rôle clé dans les négociations. Mais à en croire un important producteur de la tomate sous serre dans la région d’Agadir, aucune discussion n’aurait été engagée. Pour lui, le souhait des producteurs européens est d’évincer le Maroc du marché.
De plus, si accord il y a, il pourrait s’appliquer au détriment des acquis que le Royaume s’est appliqué à construire ces dernières années, chose à laquelle les producteurs marocains se refusent. Quoi qu’il en soit, si la signature d’un accord est confirmée à la mi-mars, il marquera un tournant dans la gestion des échanges agricoles entre le Maroc et l’Union européenne, en offrant un cadre plus clair et mieux négocié aux producteurs des deux rives de la Méditerranée. Il pourrait également servir de modèle pour d’autres filières agricoles concernées par des différends similaires.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO