Maroc

État social : les bases se consolident

En 2024, le Maroc a renforcé son ambition de bâtir un État social à travers des avancées majeures. De la généralisation de la protection sociale à la réforme de la santé et de l’éducation, en passant par les programmes d’appui à l’emploi et à l’entrepreneuriat, le Royaume trace une voie prometteuse vers une société plus inclusive et équitable.

Pour consolider les fondements d’un État social, le Maroc a capitalisé sur des axes stratégiques. Des réformes ambitieuses ont été engagées pour en asseoir les jalons. Et l’année qui s’achève s’est inscrite dans la continuité de cette logique avec, à la clé, des progrès importants dans différents secteurs à travers, notamment, l’élargissement du cercle des bénéficiaires de la couverture sanitaire, la subvention des produits de base les plus consommés et l’opérationnalisation des mécanismes de dialogue social. Autant d’avancées qui contribuent à réduire les inégalités sociales et à promouvoir une inclusion qui comprend également la réforme structurelle de la révision des droits des femmes et de la famille.

Dialogue social, un grand pas en avant
Il aura fallu attendre des décennies avant de définir les modalités d’exercice du droit de grève, un droit garanti par la Constitution, mais resté jusque-là sans cadre légal précis. C’est ainsi que l’année 2024 a été marquée par la reprise des discussions. Bien que le processus ait été des plus houleux avec les représentants syndicaux, le texte adopté à la Chambre des représentants apporte des nouveautés telles que l’instauration d’un préavis obligatoire avant toute grève, la définition des secteurs où les grèves seraient limitées pour des raisons de sécurité ou de service public, ou encore la mise en place de mécanismes de médiation pour prévenir les conflits.

La nouvelle version intègre également des travailleurs issus de différents secteurs, dont les professions libérales, qui étaient exclus auparavant. Les révisions couvrent également le volet coercitif à travers la mise en place de sanctions pécuniaires. Des mesures coercitives sont également prises en compte en cas d’entrave à la grève.

Dans le même sillage, l’entreprise n’a pas le droit d’engager des travailleurs en remplacement des grévistes. Toujours en matière de dialogue social, un accord tripartite entre gouvernement, patronat et centrales syndicales a été conclu, lors de la session 2024, faisant suite à celui de 2022.

Cet accord porte essentiellement sur l’amélioration du niveau des salaires minimums SMIG et SMAG, sur l’augmentation générale nette mensuelle de 1.000 dirhams des salaires des travailleurs du secteur public, qui n’ont pas encore bénéficié de l’augmentation, ainsi que sur la baisse de l’impôt sur le revenu.

Chose promise, chose due. Un projet de décret a été approuvé, portant sur une augmentation du salaire minimum légal de 5% dans les activités non agricoles et agricoles, fixé à 17,1 dirhams le salaire minimum par heure dans les activités non agricoles, et ce, à partir du 1er janvier 2025. À compter du 1er avril 2025, le salaire minimum légal payé pour une journée de travail dans les activités agricoles sera fixé à 93 DH.

S’agissant de la réforme de l’IR, de nouvelles dispositions entreront en vigueur dès le 1er janvier. En effet, les salariés percevant un salaire mensuel inférieur à 6.000 dirhams seront désormais exonérés d’impôt. Il en est de même pour les pensions de retraite relevant du régime de base. Les fonctionnaires, quant à eux, verront leur salaire revalorisé de 1.000 DH en deux tranches dont la première a été versée en juillet 2024, et la seconde le sera à partir de juillet 2025.

Chômage, la lutte se poursuit
Le taux de chômage et l’employabilité des jeunes continuent de prendre des proportions préoccupantes. En effet, avec un taux de chômage qui dépasse les 21% en 2024, la situation nécessitait une intervention musclée. Dans ce sens, le ministère de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences vient de dévoiler l’élaboration d’un nouveau plan dans le domaine de l’emploi pour lutter contre le chômage.

Ce programme, qui nécessite une enveloppe budgétaire de 14 milliards de dirhams, vise à réduire le taux de chômage parmi les jeunes, notamment ceux n’ayant aucun diplôme ou formation à même de les aider à s’insérer sur le marché du travail. Il est ainsi prévu dès le début d’année de déployer – via l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC) – un programme d’accompagnement des entreprises afin d’embaucher les travailleurs sans diplôme.

Dans le même sillage, l’accent est mis sur le programme de formation par alternance, visant à assurer l’insertion professionnelle des jeunes chômeurs dans les petites et moyennes entreprises et les coopératives en milieu rural. Celui-ci prévoit d’augmenter le nombre de bénéficiaires de 20.000 actuellement à 100.000 en 2025 à l’échelle nationale. En outre, le ministère compte mettre le cap sur le programme de stabilisation de l’emploi en milieu rural.

L’objectif, pour le gouvernement, est de soutenir les agriculteurs tout en les incitant à conserver les emplois. À noter, par ailleurs, qu’au cours du troisième trimestre 2024, les efforts consentis dans le domaine ont permis la création de 300.000 emplois dans des secteurs structurants tels que l’industrie, le commerce, le tourisme, le bâtiment et travaux publics (BTP) et l’artisanat. Pour rappel, des programmes d’aide à l’entrepreneuriat, tels que Awrach ou encore Forsa, susceptibles de stimuler le marché de l’emploi, ont également été initiés.

Couverture maladie, la généralisation en marche
Un nouveau cap a été franchi cette année en termes de généralisation de la couverture médicale. Il s’agit d’une étape importante, celle de l’élargissement du cercle des bénéficiaires de la couverture sanitaire. L’intégration des travailleurs indépendants et des non-salariés dans le régime de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) a ainsi été finalisée.

Une initiative qui marque un tournant historique dans la quête de l’universalité de la couverture médicale. Désormais, plus de 90% de la population bénéficie d’une assurance santé, ce qui constitue un progrès significatif par rapport aux années précédentes. Ainsi, le nombre de personnes inscrites au régime de base «AMO-Tadamon» a dépassé 11,4 millions de bénéficiaires en situation de vulnérabilité à fin octobre 2024.

Le nombre de travailleurs non-salariés bénéficiant de l’AMO a, par ailleurs, atteint 3,8 millions d’assurés durant la même période, dont 1,7 millions d’assurés principaux et 1,2 millions d’ayants droit. Sur la même lancée, de nouveaux paliers ont été franchis au cours de cette année dans la mise en œuvre progressive de la feuille de route de la protection sociale (2021-2026). Celle-ci représente un chantier majeur adossé à un système de ciblage social (généralisation du Registre national de la population fin 2022 et du Registre social unifié au niveau national fin 2023). Ce dispositif permettra l’octroi d’allocations familiales sur la base de critères d’éligibilité bien définis.

Concernant la mise en place du système de ciblage en question, le nombre de bénéficiaires du programme d’aide sociale directe a dépassé 4 millions de familles à fin octobre 2024, dont 5,4 millions d’enfants et 1,2 million de personnes âgées de plus de 60 ans. L’infrastructure n’est pas en reste. Après l’achèvement des travaux de la première tranche relative à la réhabilitation de 42 centres de santé prioritaires, il a été procédé au lancement de la deuxième tranche, et ce, pour la réhabilitation et la reconstruction de 153 centres de santé. Le coût global de ces deux tranches s’élève à 532 MDH.

Accès au logement, le déficit s’allège
Depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2024, le programme d’aide directe au logement a connu un franc succès auprès de la population, au vu du nombre de demandes qui ont afflué. Pour rappel, c’est la première fois qu’une subvention est accordée directement aux bénéficiaires. Le bilan du programme fait état de 30.848 bénéficiaires dont 26% de Marocains résidant à l’étranger, 46% de femmes et 35% de jeunes de moins de 35 ans. Et des perspectives prometteuses sont attendues pour 2025, le gouvernement ayant programmé les crédits nécessaires pour accompagner la montée en charge du dispositif suite à l’augmentation des mises en chantier en 2024. Ces projets devraient produire des unités prêtes à la commercialisation dès 2025 pour répondre à la demande.

D’ailleurs, l’impact économique sur le secteur de l’immobilier est palpable. De début 2024 à fin novembre, les ventes de ciment ont enregistré une hausse de 8,88% et 57.000 emplois ont été créés. Pour ce qui est du budget prévu pour l’année prochaine, il est estimé à 4,6 MMDH, dont 78% seront alloués aux aides au logement.

Toujours dans le même registre, le programme de villes sans bidonvilles a bien avancé. Le bilan du programme d’aide à l’accès au logement pour les habitants concernés indique que 353.234 dossiers ont été traités à fin septembre, alors que le reliquat s’élève à 117.296 ménages. Quant au programme de réhabilitation et de reconstruction des logements sinistrés d’Al Haouz, quelque 1.700 domiciles, sis dans des zones à accès difficile, ont profité de mesures adéquates, et ce, en sus des opérations de déblaiement des maisons endommagées.

Dans ce cadre, ce sont 57.703 familles qui ont bénéficié d’un soutien financier de 20.000 dirhams, à titre de premier versement pour reconstruire et réhabiliter leurs logements totalement ou partiellement endommagés par le séisme. Pour le deuxième versement, 26.110 familles ont en bénéficié, 12.839 familles ont obtenu le 3e versement, et 1.868 ont reçu la dernière tranche de l’aide, pour un montant global de plus 2 MMDH.

Sur un autre plan, les travaux de réhabilitation ont progressé sur quatre axes routiers avec un budget total estimé à 665 MDH, notamment à travers la création de quatre équipes régionales d’équipement dotées de 37 engins. Celles-ci seront renforcées par neuf engins supplémentaires, pour un budget global de 160 MDH. Globalement, le nombre d’unités achevées s’élève à 6.669 unités.

Moudawana, une réforme nécessaire
Depuis sa promulgation, il y a 20 ans, la Moudawana a permis d’importants progrès en matière de droits des femmes et de protection familiale. Toutefois, avec une société en mutation, les attentes sociales à ce sujet se devaient d’être redéfinies. Après que le Souverain a chargé une commission de procéder à la révision du Code de la famille, en mars dernier, un rapport comportant plus de 100 propositions lui a été soumis dernièrement pour approbation.

À noter que le Conseil supérieur des oulémas a donné son aval à plusieurs propositions, dont la reconnaissance du travail de l’épouse au sein du foyer, en tant que contribution essentielle aux biens acquis durant le mariage. Une avancée qui rééquilibre les droits conjugaux en valorisant un rôle souvent invisible mais fondamental.

L’autre avancée majeure consiste en l’octroi de la tutelle légale des enfants à la mère, chargée de leur garde. D’autres mesures, cependant, marquent un tournant historique. C’est ainsi que l’exclusion du foyer conjugal de l’héritage, pensée pour protéger les enfants et les familles, apporte une réponse nouvelle à des situations souvent complexes. De même, l’obligation de la Nafaqa, dès la signature de l’acte de mariage, vient clarifier et renforcer les responsabilités financières dès le début de l’union, un signal fort en faveur des épouses.

Enfin, une avancée emblématique consiste en la possibilité pour une mère divorcée de conserver la garde de ses enfants même après un remariage. Les Marocains du monde ne sont pas exclus. Désormais, il est possible de conclure un acte de mariage sans la présence de deux témoins musulmans, si cette condition s’avère impossible à satisfaire.

Néanmoins, cette révision fait polémique. Certains estiment que certains aspects sont à revoir, mais la phase législative de cette réforme n’en est qu’à son début, sachant toutefois que les principes d’égalité, de justice et de solidarité – en cohérence avec les valeurs de l’islam et les engagements internationaux du Maroc – doivent prédominer.

Éducation, un nouveau virage
L’éducation a toujours été le parent pauvre des réformes engagées. Sauf que la rentrée 2024 a revêtu un aspect hors norme avec une kyrielle de mesures ambitieuses. Le cap est ainsi mis sur l’amélioration de la qualité de l’enseignement, des effectifs et des infrastructures. Avec un nombre d’élèves en progression, 189 nouveaux établissements scolaires ont vu le jour, dont près de 68% dans le milieu rural, accompagnés de 15 internats. De nouvelles classes ont également été ouvertes.

Lutter contre l’abandon scolaire est également un des piliers de cette réforme. Et comme les principales causes sont essentiellement d’ordre financier, un système d’aide a été mis en place, dont la subvention de 25% des prix des manuels scolaires. Des allocations ont aussi été accordées aux familles les plus défavorisées. Quant à la qualité de l’enseignement, un programme de formation continue a été lancé, touchant 60.000 enseignants, sans parler de l’effectif qui a été étoffé.

L’accent est mis sur les compétences pédagogiques ainsi que sur l’utilisation des technologies modernes. À signaler qu’à l’image du modèle de l’école pionnière, cette rentrée a connu le lancement du collège pionnier. Un modèle dont les résultats se sont révélés probants, à telle enseigne que le dispositif a été élargi pour toucher bon nombre d’écoles. Il devrait concerner, à terme, l’ensemble des établissements scolaires. En effet, les choix éducatifs pionniers adoptés par le Royaume se classent parmi les meilleures pratiques mondiales, faisant partie du top 1% des systèmes comparables.

Enseignement, une dynamique avérée
2024 aura été une année charnière pour l’enseignement supérieur au Maroc, marquée par des réalisations significatives et une dynamique de réforme continue. Dans le cadre du nouveau pacte ESRI, cette année a vu la création de cinq nouveaux campus universitaires, augmentant ainsi la capacité d’accueil globale.

De même, plus de 20 accords de partenariat ont été signés avec des universités internationales en 2024, renforçant ainsi la mobilité des étudiants et des enseignants. Quant au volet relatif à la recherche scientifique, le budget additionnel qui lui a été accordé a permis le lancement de 150 projets de recherche dans des domaines prioritaires comme l’énergie verte, la santé et l’intelligence artificielle.

Par ailleurs, la dynamique se poursuit en 2025. Parmi les principaux chantiers, figure la poursuite de la création de nouveaux parcours d’excellence à partir du Bac+2, dans les établissements universitaires à accès ouvert, avec la création de 83 centres. Ceux-ci affichent une forte attractivité avec l’inscription de 25.000 étudiants dans 183 parcours d’excellence.

Il est également prévu de généraliser les centres du «Code 212» au sein des universités avec l’ouverture prévue de six centres dans les universités Hassan II de Casablanca, Mohammed Premier de Oujda, Cadi Ayyad de Marrakech, Hassan I de Settat, Moulay Ismail de Meknès et Sultan Moulay Slimane de Béni Mellal. Les capacités linguistiques, qui ont toujours constitué un obstacle, sont amenées à être renforcées à travers l’accroissement des effectifs des bénéficiaires de ce programme. Ces derniers passeront, en effet, de 500.000 bénéficiaires au titre de l’année universitaire 2023-2024 à 700.000 en 2024-2025.

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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