Enseignement à distance: le système révèle ses failles
La mission du département de tutelle ne sera pas aisée. Saaid Amzazi en est conscient, comme en témoignent ses sorties médiatiques pour expliquer le dispositif d’urgence mis en place afin de permettre aux élèves de suivre les cours à distance.
Le ministère est sur le pied de guerre pour produire les ressources numériques nécessaires. Cela fait quelques jours que les équipes pédagogiques sont mobilisées à cette fin, comme l’assure une source au ministère d’Amzazi qui tient à souligner qu’on ne part pas de zéro.
Un ensemble de ressources numériques et audiovisuelles et des kits didactiques sont disponibles depuis des années pour assurer principalement le soutien scolaire. Une partie a été préparée lors de l’épidémie de grippe H1N1, mais certains cours doivent être actualisés.
Les élèves peuvent suivre les cours sur la quatrième chaîne «Attaqafia» ou sur le site «https://soutiensco.men.gov.ma». Néanmoins, force est d’admettre que la machine n’est pas encore bien huilée. La priorité sera accordée aux niveaux certificatifs: première et deuxième années du baccalauréat, troisième année de l’enseignement collégial et sixième année de primaire. Les cours seront mis en ligne au fur et à mesure du calendrier de l’enseignement présentiel. Il ne s’agit pas de diffuser, d’un coup, l’ensemble des cours de ce semestre, comme le croient certains parents.
Un véritable outil d’apprentissage
Ce sera une véritable épreuve pour le gouvernement qui est très attendu sur la digitalisation scolaire et l’enseignement à distance qui tarde à être mis en place. Rappelons à cet égard que la Charte de l’éducation et de la formation stipulait l’utilisation des TIC «en tant que voies d’avenir et un appui sur l’enseignement à distance au niveau collégial et secondaire pour des régions éloignées», pour parer ainsi «l’inégale répartition des ressources documentaires».
En 2006, une stratégie a été définie dans le cadre du projet «GENIE» dont l’objectif consiste à généraliser l’introduction des TIC au sein des établissements scolaires publics. Selon le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, l’ambition est d’aller au-delà d’une simple mise à disposition du matériel informatique et multimédia pour en faire, de manière progressive, un véritable outil d’apprentissage.
Quatorze ans après sa mise en place, le programme GENIE nécessite d’être développé tant sur le plan qualitatif que quantitatif. L’Exécutif entend améliorer sa gouvernance pour développer des compétences numériques dans les écoles.
Efforts insuffisants
Une véritable digitalisation scolaire et universitaire s’impose. Les efforts déployés depuis quelques années restent insuffisants tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Même au niveau des universités, le retard est énorme alors que l’enseignement supérieur à distance se développe sans cesse sous d’autres cieux. Et chez nous, l’e-learning aurait pu constituer une solution à la problématique de l’encombrement des facultés.
La réforme en vue, dans le cadre de la loi-cadre de l’enseignement, tend à développer l’utilisation des nouvelles technologies dans les établissements scolaires et universitaires. L’article 33 de ce texte stipule la nécessité de développer l’enseignement à distance, considéré comme complémentaire à l’enseignement présentiel, et envisage l’intégration de «l’enseignement électronique» dans le système dans la perspective de sa généralisation de manière progressive. L’État est tenu, en vertu de l’article 49 de la loi-cadre, de développer des programmes de partenariat dans le cadre de la coopération internationale pour promouvoir, entre autres, l’enseignement à distance.
Il faut dire que la promotion de la digitalisation dans le secteur de l’enseignement s’impose pour améliorer la qualité des apprentissages et préparer les jeunes à leur adaptation aux besoins du marché du travail. Le processus d’intégration de la digitalisation comme l’une des composantes importantes de l’enseignement devra être accéléré. D’aucuns soulignent qu’il faut mettre les bouchées doubles pour atteindre les objectifs escomptés et lutter contre les inégalités spatiales dans ce domaine. Aucune région ni zone -même très éloignée- ne doit en effet être laissée pour compte.
Les besoins sont énormes
Même en milieu urbain, les établissements scolaires publics demeurent sous-équipés en matériels informatiques. Une enveloppe budgétaire conséquente devra être débloquée pour que les équipements soient à la hauteur des aspirations. Des efforts considérables doivent être déployés en milieu rural pour équiper les écoles -du moins celles qui sont raccordées au réseau électrique- en matériel informatique et doter les élèves, à titre gracieux, du matériel et des ressources pédagogiques numériques nécessaires.
Le Maroc est appelé à s’inspirer des expériences réussies pour relever le défi de la digitalisation du secteur éducatif. Certaines solutions même très simples pourraient se révéler très efficaces dans l’amélioration de la qualité de l’éducation. Dans sa revue du gouvernement numérique du Maroc, l’OCDE cite l’exemple du projet SMS Story mis en œuvre en Papouasie-Nouvelle-Guinée qui montre le potentiel des nouvelles technologies pour établir des communications plus directes avec les enseignants exerçant en milieu rural.
Ce projet a envoyé des conseils pédagogiques aux enseignants pour les aider à améliorer les performances de lecture de leurs élèves et les encourager à stimuler et à enseigner la lecture au quotidien. Une telle intervention a réduit de moitié le nombre d’enfants qui ne savaient pas lire du tout. Pour l’OCDE, bien que ce projet ne permette pas de résoudre tous les défis éducatifs dans ces domaines, SMS Story représente un modèle permettant de tirer parti de nouvelles alternatives pour s’attaquer aux défis omniprésents auxquels font face les éducateurs dans les écoles rurales.
Un important manque à gagner !
L’expérience démontre que l’usage des TIC dans le domaine de l’éducation peut fortement soutenir la transformation de l’école et contribuer à atteindre plusieurs objectifs, comme le souligne la Banque mondiale dans son mémorandum sur le Maroc. La digitalisation de l’enseignement permet en effet d’améliorer la gestion des établissements scolaires. Mieux encore, elle permet aux enfants non scolarisés d’accéder à une forme d’éducation et offre aux enseignants un accès additionnel à des programmes de formation aux meilleures pratiques de l’enseignement. Les TIC favorisent une autre forme d’apprentissage des élèves via des programmes interactifs spécialisés et adaptés au niveau de chacun. Un autre élément important est souligné par la Banque mondiale: les TIC contribuent à augmenter la fréquence des évaluations des élèves pour mieux identifier les lacunes. L’expérience indique aussi que l’usage contrôlé des outils multimédias (radio, DVD, CD et autres médias) renforce la motivation des élèves.