Soufisme : Fès lance dix jours de concerts et de dialogues pour “Vivre poétiquement”

Les échos du flamenco mystique et de la poésie soufie résonnent de nouveau à Fès. La 17e édition du festival de la Culture soufie a été lancée pour dix jours, invitant le public à un voyage sensoriel et intellectuel. Sous le thème «Vivre poétiquement», la ville devient le carrefour des sagesses du monde.
Durant dix jours, la cité idrisside redevient l’épicentre d’un dialogue mondial entre art et spiritualité. Le coup d’envoi de la 17e édition du Festival de Fès de la Culture soufie et des Sagesses du Monde a été donné samedi dernier, invitant le public à une réflexion collective sur l’art de «Vivre poétiquement».
Placée sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, cette manifestation se donne pour ambition de sonder les profondeurs du patrimoine soufi tout en le faisant résonner avec les grandes traditions du monde, à travers un programme dense de concerts et de rencontres intellectuelles.
Selon son président, Faouzi Skali, la manifestation cherche à faire émerger depuis Fès une dimension poétique et spirituelle présente dans de nombreuses cultures. La rencontre est présentée comme une exploration face à ce qui est perçu comme une crise de sens dans le monde contemporain.
L’ambition est de faire de la ville, durant une dizaine de jours, un espace expérimental où une immersion poétique devient possible. Le festival mettra également en avant le patrimoine spirituel marocain à travers ses confréries, ou «turuq», dont les chants, les danses et les poésies constituent une expression vivante de la culture spirituelle.
Dix jours de dialogue pour un forum des consciences
Le volet intellectuel de l’événement se présente comme un véritable forum. Les conférences programmées ouvriront un dialogue sur la manière de vivre poétiquement dans un monde en mutation. Ces échanges auront lieu dans des sites emblématiques de Fès, offrant un cadre propice à la réflexion.
Le cycle de conférences a été inauguré par l’écrivain américain Michael Barry avec une rencontre intitulée «Trois mystiques dans le miroir de l’âme». Son intervention a exploré les figures d’Abû-Hamid Al Ghazali, Nizami et Rumi, célébrant le lien entre pensée, poésie et quête spirituelle.
Le conférencier a abordé le concept soufi et universel du «miroir de l’âme», une représentation symbolique du cœur et de la capacité de l’être humain à réfléchir. Il a souligné l’importance de ces rencontres comme un lieu de dialogue entre les religions dans une approche humaniste. Ces débats ont invité à une interaction entre les héritages spirituels et les défis contemporains, notamment l’écologie, la paix intérieure et la coexistence.
Plus de dix concerts et rituels pour explorer les traditions du monde
La programmation artistique a débuté avec une performance musicale associant l’artiste albanais Enris Qinami et la Sénégalaise Senny Camara. La soirée d’ouverture officielle à Bab Makina a ensuite présenté le concert «Présence – Hadra». Cette création a uni le flamenco mystique de l’ensemble espagnol Curro Piñana, la musique arabo-andalouse du chanteur Noureddine Tahiri et la voix de la jeune artiste marocaine Nouaila El Kalai, autour des vers du maître soufi Ibn Arabi.
Le festival propose une série de concerts et de rituels mettant en valeur la diversité des traditions soufies. Au cours du festival, le public découvrira le Qawwali indien avec Anwar Sabri, ainsi que des soirées dédiées aux Tariqa Qadiriya, Charaqawiya et Sqaliya. Un hommage aux maîtres andalous sera rendu par Mohammed Briouel, Marouane Hajji et Noureddine Tahiri.
Le Parc Jnan Sbil accueillera le concert «Cappella de Ministreres» avec Françoise Atlan et Carles Magraner, ainsi qu’un concert dédié à Niccolò Paganini, en partenariat avec la Fondation Ducci. La soirée de clôture sera consacrée à une création originale intitulée «La passion d’El Harraq».
Trois créations originales et une ambition d’humanisme spirituel
Au-delà des concerts, l’édition se distingue par des initiatives spécifiques. La comédie musicale «Boudour Wa Joussour: La huppe et les douze oiseaux» sera présentée au public. Inspirée du Cantique des Oiseaux d’Attâr, cette œuvre illustre la vocation éducative de l’événement, cherchant à transmettre des valeurs de respect et de diversité par le langage artistique.
Un colloque sera également dédié à Sami Ali, fondateur de la psychosomatique relationnelle, pour explorer les liens entre science, symbolique et spiritualité. Des expositions, comme «Interreligiosités marocaines» de Manoël Pénicaud, témoigneront du pluralisme spirituel du Maroc. Des ateliers autour de la danse, du parfum et de la poésie mettront en avant l’art comme voie d’initiation au vivre-ensemble.
Selon les organisateurs, l’objectif global de cette dix-septième édition est de faire découvrir au public la richesse du soufisme et d’offrir une plateforme pour un humanisme spirituel adapté aux enjeux actuels, où la culture devient une source de cohésion et de construction collective.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO