Diplomatie : Rabat et Paris misent sur les femmes pour rapprocher les deux rives

Venue pour trois jours, la ministre française de l’Égalité entre les femmes et les hommes entame une tournée à Rabat, Casablanca et Marrakech. Au cœur de sa visite, l’emploi des femmes, la lutte contre les violences sexistes et la consolidation des liens bilatéraux.

Le réchauffement de l’axe Paris-Rabat se poursuit avec une tonalité résolument sociale. En déplacement officiel du 23 au 25 juin, Aurore Bergé, ministre française déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes et à la Lutte contre les discriminations, a ouvert sa tournée par une journée riche d’échanges à Rabat.

Ce séjour s’inscrit dans le prolongement du «partenariat d’exception renforcé» entre la France et le Maroc voulu par le Roi Mohammed VI et Emmanuel Macron. L’occasion pour les deux pays de poser les jalons d’une diplomatie féministe partagée.

Un dialogue engagé sur l’inclusion économique des femmes
Dès son premier jour au Maroc, la ministre française a rencontré Nadia Fettah, ministre de l’Économie et des Finances. Ensemble, elles ont mis l’accent sur l’un des défis les plus structurants pour les sociétés des deux rives : l’emploi des femmes. Un chantier à la fois économique, social et politique.

Pour Nadia Fettah, il est urgent d’agir dans un contexte où les femmes restent sous-représentées sur le marché du travail et particulièrement vulnérables face aux crises. Elle a ainsi plaidé pour le développement de l’économie sociale et solidaire, avec une attention particulière portée aux coopératives féminines, notamment dans les territoires défavorisés.

« L’emploi féminin est une priorité stratégique », a-t-elle souligné, insistant aussi sur l’intérêt de la budgétisation sensible au genre, domaine dans lequel le Maroc est considéré comme pionnier dans la région.

De son côté, Aurore Bergé a rappelé que l’égalité économique ne pourra se faire sans s’attaquer aux inégalités systémiques qui freinent les trajectoires des femmes. Elle a pointé les stéréotypes de genre qui influencent l’orientation professionnelle, la répartition des rôles parentaux et l’organisation du travail. «L’égalité doit devenir une dynamique transversale, qui irrigue l’entreprise, les politiques publiques, et plus largement la société», a-t-elle affirmé.

La diplomatie féministe comme levier de coopération
Au-delà des échanges bilatéraux, la visite de la ministre française s’inscrit dans une perspective plus large. Elle marque une étape préparatoire à la conférence internationale sur la diplomatie féministe prévue à Paris en octobre 2025. Le Maroc, qui s’apprête à rejoindre le cercle restreint des pays adoptant une telle approche dans leur politique étrangère, voit ainsi son rôle diplomatique renforcé.

La journée de lundi a également été ponctuée par la présentation du projet régional Ajyal Égalité, porté par l’Agence française de développement. Ce programme vise la prise en charge globale des femmes victimes de violences.

À Rabat, Aurore Bergé s’est également entretenue avec plusieurs figures influentes, dont Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’homme, Ahmed Abbadi, secrétaire général de la Rabita des Oulémas, et André Azoulay, conseiller royal.

Agenda chargé
Casablanca et Marrakech sont les deux autres étapes prévues de la visite. À Casablanca, la ministre découvrira les initiatives industrielles inclusives, en visitant le site de Safran Nacelles Maroc et l’Institut des métiers de l’aéronautique. Elle échangera également avec des femmes d’affaires marocaines et des acteurs de la société civile mobilisés contre les violences sexistes.

Mercredi à Marrakech, elle signera une déclaration d’intention avec la ministre Naïma Ben Yahia, en vue de renforcer la coopération en matière de formation et de prévention des violences faites aux femmes. Des visites de terrain sont aussi prévues dans des centres sociaux et de protection de l’enfance, illustrant une volonté partagée de bâtir des politiques d’égalité concrètes et inclusives. Tout au long de sa tournée, Aurore Bergé rencontrera également la communauté française installée au Maroc, forte de plus de 50.000 ressortissants.

À Rabat, Casablanca et Marrakech, ces rencontres sont l’occasion de réaffirmer l’importance du tissu humain dans la relation entre les deux pays. En misant sur les droits des femmes comme levier de diplomatie, la ministre française contribue à écrire une nouvelle page du partenariat franco-marocain, plus égalitaire, plus proche et plus engagé.

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO