Maroc

Diplomatie : le Maroc, puissance diplomatique et acteur global

Entre repositionnement stratégique sur le dossier du Sahara, diversification tous azimuts de ses alliances et consolidation de son leadership africain, le Royaume se pose en État pivot, à l’intersection de l’Europe, de l’Afrique et du Moyen-Orient. Il assume ainsi une ambition géopolitique inédite portée par un soft power en pleine expansion.

Au cours de la dernière décennie, le Royaume du Maroc a opéré une mue diplomatique majeure, transformant ses relations internationales pour faire du Sahara non seulement une cause nationale mais le noyau dur de sa stratégie d’influence. Dans un contexte mondial marqué par une recomposition accélérée des équilibres géopolitiques, Rabat avance désormais avec une posture résolument assumée. Celle d’un État pivot à l’intersection de l’Europe, de l’Afrique et du Moyen-Orient, combinant soft power, projection économique et leadership régional.

La rupture est radicale. Longtemps, la relation franco-marocaine a été le pilier central de la diplomatie du Royaume, reposant sur un héritage historique complexe. Mais cette équation a changé de manière spectaculaire. Désormais, Rabat ne se satisfait plus de ce tête-à-tête avec Paris. Il le redéfinit, le rééquilibre et le subordonne à ses propres intérêts.

Le 13 janvier 2025, lors d’un débat remarqué sur France 24, le journaliste Antoine Glaser a résumé ainsi ce basculement : face à l’évolution des rapports de force, notamment en Europe, où l’Espagne et l’Allemagne ont officiellement reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara, la France risquait l’isolement. Le réalisme géopolitique l’a contrainte à revoir sa copie. Le déclin de l’influence française au Sahel, la perte de relais crédibles à Alger et la fragilité de son ancrage africain ont achevé de convaincre Paris qu’il lui fallait renouer avec Rabat sous un angle nouveau. Celui du partenariat stratégique gagnant-gagnant.

Une nouvelle ère
La visite d’État d’Emmanuel Macron à Rabat en octobre 2024 a scellé ce virage. Pour la première fois depuis des décennies, un chef d’État français s’est exprimé sans ambiguïté. «Pour la France, le présent et l’avenir du Sahara s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté du Maroc», a-t-il affirmé devant un Parlement marocain qui a salué ses propos par une ovation rare.

Cette déclaration, qui confirmait une lettre officielle adressée quelques mois plus tôt au Roi Mohammed VI, a marqué un tournant historique. Mais au-delà du symbole, Paris a mis sur la table des engagements concrets. Des investissements estimés à plus de 10 milliards d’euros devraient irriguer des secteurs clés comme les énergies renouvelables, les infrastructures logistiques, l’industrie automobile et le numérique. Ces accords traduisent une réalité : Rabat n’est plus un simple partenaire, mais un acteur économique majeur pour l’Europe, un hub africain qui pèse dans les arbitrages continentaux.

Washington, Tel-Aviv, Pékin, Moscou : la grande diversification
Si la France redevient un partenaire stratégique, elle n’est plus la seule. L’une des transformations les plus marquantes de la diplomatie marocaine est sa stratégie de diversification tous azimuts, sans tabou ni blocage idéologique. Dès décembre 2020, le Maroc a bénéficié du soutien explicite de Washington sur le dossier du Sahara.

Au même moment, on assistait à un rétablissement des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël. Cette décision a ouvert une ère nouvelle. Coopération militaire, transfert de technologies de pointe, partenariats agricoles et investissements israéliens, notamment dans les provinces sahariennes, symbolisent cette normalisation qui s’inscrit dans la durée.

En parallèle, Rabat tisse méthodiquement des liens avec Pékin et Moscou. La participation marocaine aux Nouvelles routes de la soie et la régularité des échanges avec la Russie depuis la visite royale de 2016 illustrent cette volonté de dialoguer avec l’ensemble des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Pour Rabat, maintenir ces lignes ouvertes est un levier décisif pour faire progresser, pas à pas, la reconnaissance internationale de sa souveraineté sur le Sahara.

Un leadership africain qui se consolide
Le Sahara, de cause nationale incontestable, est devenu le cœur d’un projet de puissance continentale. Sur le terrain africain, le Maroc déploie une diplomatie proactive. Il se pose en médiateur, comme en Libye, où il a joué un rôle central dans le rapprochement entre factions rivales et la stabilisation du processus politique.

Sur le plan économique, le Royaume renforce sa présence dans les secteurs bancaires, télécoms et énergétiques en Afrique subsaharienne. Son réseau bancaire (Attijariwafa bank, Bank of Africa, Banque centrale populaire) est implanté dans une vingtaine de pays. L’axe Nigeria-Maroc en est l’un des symboles les plus ambitieux.

Le projet de gazoduc géant, reliant les ressources énergétiques nigérianes au marché européen, en passant par une dizaine de pays d’Afrique de l’Ouest, est porteur de bouleversements géostratégiques. Il positionne le Maroc comme carrefour énergétique et partenaire incontournable de l’Europe, à un moment où celle-ci cherche à diversifier ses approvisionnements. Autre initiative marquante, la diplomatie atlantique portée par le Roi Mohammed VI. Elle ambitionne de connecter l’Afrique de l’Ouest à l’Europe via le Sahara atlantique, notamment à travers le développement du port de Dakhla, futur hub commercial régional.

La montée en puissance diplomatique du Royaume s’appuie sur une modernisation accélérée de son appareil économique. Casablanca se profile comme une place financière majeure : surnommée par Le Figaro le «Wall Street africain», elle attire banques internationales, fonds d’investissement et multinationales en quête d’un point d’entrée vers l’Afrique. L’extension du réseau ferroviaire à grande vitesse, les ports de classe mondiale comme Tanger Med, l’essor des énergies vertes (éolien, solaire) et la stratégie industrielle (automobile, aéronautique, phosphate) confèrent au Maroc une image de plateforme logistique et industrielle entre Europe et Afrique. Le Royaume ne se contente plus d’être un simple corridor. Il est devenu un producteur, un transformateur et un exportateur de valeur ajoutée.

Le soft power, un atout d’influence silencieux
Parallèlement, le Maroc cultive un soft power efficace, combinant sport, culture et diaspora. La performance historique des Lions de l’Atlas, demi-finalistes de la Coupe du monde 2022, a offert au Royaume une vitrine mondiale sans précédent. L’organisation conjointe du Mondial 2030 avec l’Espagne et le Portugal enfoncera le clou, en projetant l’image d’un Maroc ouvert, moderne et attractif.

Sur le plan culturel, le Royaume s’appuie sur son patrimoine millénaire, sa diplomatie religieuse et des relais d’influence à l’UNESCO, incarnés par Audrey Azoulay. La diaspora, notamment la communauté juive marocaine, joue un rôle de passerelle unique, en particulier dans le dialogue avec Israël, la France et les États-Unis. En replaçant son Sahara au centre de ses alliances et de son récit national, le Maroc s’est offert un levier de puissance.

Cette politique volontariste ne se contente pas de sécuriser un territoire. Elle repositionne le Royaume comme acteur régional stratégique, capable de composer avec les grandes puissances tout en assumant une identité africaine affirmée.

Dans un monde en pleine recomposition, Rabat trace donc une trajectoire originale. Un pied en Europe, une colonne vertébrale africaine, un horizon atlantique, et une ouverture à l’Est comme à l’Ouest. En cela, le Royaume confirme qu’il est désormais bien plus qu’un simple État de transition entre le Nord et le Sud. Il s’affirme comme une puissance de proposition et de projection, bâtie autour d’une vision claire et d’un projet national porté au plus haut niveau.

Ilyas Bellarbi / Les Inspirations ÉCO



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