Maroc

Délivrance des visas : la France pénalise le Maroc

Le gouvernement français a décidé de réduire le nombre de visas accordés au Maroc et à l’Algérie de 50% et à la Tunisie de 30%, par rapport à 2020, année de la crise sanitaire. Les motivations de cette décision, annoncées hier sur Europe 1, par Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement français.

La France durcit les modalités d’octroi de visas aux ressortissants de trois pays maghrébins, en l’occurrence le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. L’annonce a été faite par le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, hier matin sur Europe 1. À cette occasion, Attal a notamment déclaré que «c’est une décision drastique, c’est une décision inédite, mais c’est une décision rendue nécessaire par le fait que ces pays n’acceptent pas de reprendre des ressortissants que nous ne souhaitons pas et ne pouvons pas garder en France», a-t-il expliqué, confirmant une information qui a été, auparavant, diffusée par Europe 1.

Poursuivant son propos, le porte-parole du gouvernement français a ensuite pointé du doigt le fait que «l’attitude de ces pays freine l’efficacité des reconduites effectives à la frontière, une fois les obligations de quitter le territoire français (OQTF) délivrées. Attal a rappelé les visites effectuées dans les trois pays sanctionnés, concernant ce sujet, par le premier ministre français, Jean Castex, et des membres de son gouvernement, dont le ministre de l’Intérieur, ainsi que les réunions tenues avec les ambassadeurs concernés. Il a estimé, à ce sujet, qu’«à un moment donné, quand les choses ne bougent pas, nous faisons appliquer les règles. Il y a eu un dialogue, ensuite il y a eu des menaces… Aujourd’hui, nous mettons ces menaces à exécution».

Une baisse de 50% par rapport à 2020
Selon Europe 1, le gouvernement français a décidé de réduire de 50% le nombre de visas accordés au Maroc et à l’Algérie, et de 30% ceux octroyés à la Tunisie, ceci en se basant sur l’année 2020, où le nombre de visas délivrés avait été réduit au strict minimum, du fait de la crise sanitaire de la Covid-19 qui avait restreint les déplacements internationaux de manière drastique. En effet, en 2019, considérée comme une année normale, la France avait délivré 346.103 visas au Maroc.

En supposant que ce chiffre ait atteint 100.000 visas en 2020, en dépit des restrictions découlant de la crise sanitaire, le Maroc ne pourrait donc prétendre à plus de 50.000 visas, cette année. Et ce tant qu’il n’aura pas accepté de rapatrier ses ressortissants en situation irrégulière en France, en leur délivrant des laissez-passer consulaires. Selon la même source, sur 3.301 Marocains sommés de quitter le territoire français, entre janvier et juillet de cette année, seuls 138 se sont vu délivrer des laissez-passer, ce qui a permis de procéder à l’expulsion de 80 personnes seulement, soit à peine 2,4% de l’effectif total des mis en cause. Par contre, sur 24.191 visas demandés au cours des huit premiers mois de 2021, quelques 18.579 ont été accordés, soit un taux de satisfaction de 77%. Face à cette situation, qu’il juge quelque peu disproportionnée, Attal affirme que la balle est, désormais, dans le camp des pays concernés.

Objectif : augmenter le nombre de laissez-passer consulaires
Interrogé sur la durée d’application de cette mesure, temporaire ou pérenne, le porte-parole du gouvernement français a indiqué qu’elle avait été «décidée, il y a quelques semaines», et «va être mise à exécution» pour «pousser les pays concernés à changer de politique et accepter de délivrer ces laissez-passer consulaires». «Nous souhaiterions que la réaction soit davantage de coopération avec la France, pour que nous puissions faire appliquer nos règles migratoires», a-t-il insisté.

En attendant, il est quand même légitime de s’interroger sur le choix de 2020, année de la pandémie Covid-19, comme année de base pour restreindre le nombre de visas délivrés. Comme l’ont souligné les députés M’Jid El Guerrab et Sira Sylla à l’Assemblée nationale française, dans leur rapport sur la politique des visas, «aucune crise n’aura autant bouleversé la politique des visas que la pandémie mondiale de Covid-19, qui a frappé l’Europe à compter du mois de mars 2020». De nouvelles considérations, de nature sanitaire, ont largement pris le dessus sur les critères qui encadrent traditionnellement la délivrance des visas. Ainsi, en conséquence de la pandémie, les frontières extérieures de l’espace Schengen ont été fermées depuis le 17 mars. Début juillet, les frontières extérieures n’ont été ouvertes à nouveau que pour les résidents d’une quinzaine de pays, qui ont été inscrits sur une «liste verte», révisable toutes les deux semaines selon des critères épidémiologiques. Peu de pays africains y figurent, alors même que l’amélioration de la situation sanitaire, dans certains d’entre eux, aurait permis d’envisager une telle mesure. 

Une décision «injustifié»

La décision de la France de réduire les visas pour les ressortissants marocains a provoqué une onde de choc parmi la population et les milieux d’affaires notamment. Mardi après-midi, le Maroc a regretté, officiellement la décision de la France de durcir les conditions d’obtention des visas à l’égard du royaume, la qualifiant «d’injustifiée». «Nous avons pris acte de cette décision, nous la considérons comme injustifiée. Le Maroc a toujours géré la question migratoire et le flux des personnes, avec une logique de responsabilité et d’équilibre entre la facilitation des déplacements des personnes (…) et la lutte contre la migration clandestine», a déclaré le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, lors d’une conférence de presse avec son homologue mauritanien, Ismaël Ould Cheikh Ahmed.

«La décision (de la France) est souveraine. Le Maroc va l’étudier, mais les raisons qui la justifient nécessitent de la précision, un dialogue, car elles ne reflètent pas la réalité», a ajouté le ministre des Affaires étrangères. De leur côté, des opérateurs français regrettent que les considérations migratoires pèsent aujourd’hui de façon excessive sur la politique des visas au détriment de l’objectif d’attractivité. «Une vision qui pourrait nuire aux intérêts économiques français», précisent-ils. Rappelons que ce durcissement de l’octroi des visas aux ressortissants maghrébins survient à moins de sept mois de la présidentielle en France, en plein débat sur l’immigration.

Aziz Diouf / Les Inspirations ÉCO


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