Déconcentration administrative. Et maintenant ?

Le processus de mise en œuvre de la déconcentration administrative s’annonce long. L’adoption du décret de la charte y afférent au conseil de gouvernement n’était qu’une première étape, certes importante, mais qui doit être suivie d’une série de mesures pour concrétiser ce chantier.
La charte de la déconcentration administrative, adoptée le 25 octobre dernier par le gouvernement, n’est qu’un cadre général qui doit être détaillé par d’autres textes et décisions. En premier lieu, il faut que ce texte soit publié au bulletin officiel après que les composantes du gouvernement accordent leurs violons sur quelques points qui seraient encore en suspens.
À cet égard, le chef de gouvernement a récemment déclaré que les différends ont été aplanis et les points de vue rapprochés entre les principaux départements concernés. La commission nationale interministérielle de la déconcentration sous la supervision du chef de gouvernement devra se réunir pour établir un calendrier précis de toutes les étapes. Il a été convenu que tous les départements ministériels élaborent dans un délai de six mois des schémas directeurs de la déconcentration. Le modèle de ces schémas sera fixé par décret. Chaque ministère, rappelons-le, doit détailler le processus de sa propre déconcentration, les pouvoirs à transférer ou à déléguer, les actions engagées, les ressources humaines et financières, les objectifs, le rythme de mise en œuvre…Ces plans directeurs permettront d’entamer la concrétisation des objectifs fixés. Quelques administrations ont déjà lancé cette réflexion dans l’attente de l’adoption du décret par le Conseil de gouvernement. L’exercice ne sera pas de tout repos pour les départements ayant plusieurs représentativités sur le plan régional ainsi que des organismes relevant de leur ressort. Il faut dire que les administrations doivent non seulement développer une vision au niveau interne mais aussi tenir compte de l’accord qui sera conclu par les ministres au sein de la Commission nationale sur les pôles administratifs. Si l’idée de regrouper les administrations sur le plan régional est tranchée pour rationaliser les dépenses, unifier les visions et rendre l’administration publique plus efficace au niveau local, il n’en demeure pas moins que sa concrétisation s’annonce complexe. La charte stipule la création par décret de représentations administratives régionales entre deux secteurs ministériels ou plus. L’objectif est de créer des administrations regroupées par type de secteurs (économique, social, technique…). Il s’avère difficile pour les départements ministériels de lâcher du lest au niveau régional. Le chef de gouvernement devra poursuivre les arbitrages au sein de la commission interministérielle pour faire sortir une formule consensuelle. Cela risque de prendre encore du temps alors que le gouvernement est très attendu pour rattraper le retard accusé en matière d’implémentation de la déconcentration administrative ; un chantier important pour la mise en œuvre de la régionalisation avancée. En tout cas, l’Exécutif prévoit une mise en œuvre progressive s’étalant sur trois ans. Théoriquement, la déconcentration administrative devra être opérationnelle à l’horizon 2021, soit vers la fin du mandat gouvernemental.
La mobilité : Un problème épineux
La déconcentration des services administratifs ne peut réussir sans des ressources humaines qualifiées. Or, le déficit en ressources humaines est criant dans certaines régions. Le gouvernement doit résoudre la problématique des inégalités régionales dans la répartition des fonctionnaires. En outre, certains services administratifs au niveau central seront appelés à disparaître et il sera question d’assurer les affectations de leurs ressources humaines sur le plan régional. Le redéploiement des fonctionnaires et des agents de l’administration centrale au niveau régional ne pourra pas se faire du jour au lendemain. Ce défi n’est pas en effet facile à gérer d’autant plus que le précédent gouvernement a déjà essayé de rendre effective la mobilité, mais il a échoué à cause des réticences internes. Précisons à cet égard que le chantier de la mobilité des fonctionnaires est au point depuis 2015. Le système devra être révisé par l’actuel gouvernement qui est appelé à dissiper les craintes des fonctionnaires et prendre en considération, outre l’intérêt général, celui du fonctionnaire (incitations, promotion du parcours professionnel, enrichissement de l’expérience…).
Pouvoir décisionnel
Le chantier de la déconcentration administrative devait être mis en œuvre parallèlement à celui de la régionalisation avancée voire avant. En effet, les objectifs de la régionalisation ne peuvent pas être concrétisés sans des administrations régionales fortes dotées du pouvoir décisionnel. C’est pour cette raison que depuis leur élection à la tête des conseils régionaux, les présidents des régions ne cessent de souligner l’importance de la déconcentration administrative car ils se sont heurtés à une grande lenteur à cause de la centralisation des décisions. La charte de la déconcentration octroie aux responsables des administrations déconcentrées un pouvoir décisionnel même sur le plan financier ; le texte leur confère la qualité d’ordonnateurs mais ils seront constamment sous la supervision du wali (ou du gouverneur pour les administrations provinciales) qui est le représentant du pouvoir central dans la région. D’ailleurs, c’est un point qui suscite la polémique. Même en France, à titre d’exemple, la Direction des administrations déconcentrées par le préfet, qui est sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, est quelque peu contestée.