Conflit russo-ukrainien : les exportations vers la Russie en grande partie assurées
C’est lorsque le sinistre survient qu’on est heureux d’avoir souscrit une assurance. Si peu d’exportateurs se protègent contre le risque d’impayés de leurs clients, leur comportement varie en fonction des marchés. Le taux de pénétration de l’assurance pour les opérations vers la Russie est très élevé, note Mehdi Arifi, fondateur directeur général de AssurTrade. Les encours sécurisés avant le déclenchement de la guerre ressortent à 180 millions de dollars, soit 86% des ventes à crédit. En 2020, les exportations vers la Russie totalisaient 207 millions de dollars.
Après la pandémie du coronavirus, la guerre en Ukraine déstabilise le commerce extérieur avec l’urgence pour les pays dépendants de l’Ukraine et de la Russie pour leur approvisionnement et leurs exportations de trouver des routes alternatives en attendant la sortie de crise. Pour les exportateurs se pose aussi la question du remboursement suite aux sanctions à l’encontre de la Russie, notamment l’exclusion de plusieurs banques russes de la messagerie interbancaire Swift.
«Nous n’avons aucune visibilité quant au règlement des marchandises déjà expédiées. Nous conseillons aux opérateurs de surseoir à toute nouvelle opération que de vendre sans espérance de remboursement», conseille Hassan Sentissi El Idrissi, président de l’Association marocaine des exportateurs (Asmex). Le Maroc exporte essentiellement les fruits et légumes vers la Russie. En 2020 (derniers chiffres disponibles), les ventes y ont totalisé 207 millions de dollars dont 183 millions de dollars pour les fruits et légumes. Les exportations vers l’Ukraine, elles, se limitent à 56 millions de dollars.
L’exposition à la Russie reste donc relativement limitée, le pays représentant moins de 1% des débouchés pour les exportations marocaines. En revanche, le contexte rappelle l’intérêt des filets de sécurité contre les défaillances des clients, surtout sur des marchés jugés à haut risque dans la grille des assureurs crédit. Pour Coface, la Russie et l’Ukraine font partie de cette catégorie, le risque d’impayés y étant respectivement très élevé et assez élevé. Le premier étant noté D et le second C.
«Malheureusement, les opérateurs marocains négligent l’assurance à l’export», regrette le président de l’Asmex. Toutefois, leur comportement varie selon les marchés. «Le taux de pénétration de l’assurance est très élevé pour les opérations vers la Russie», relève Mehdi Arifi, fondateur directeur général de AssurTrade et ex-DG de Coface Maroc. Pour la campagne actuelle, le chiffre d’affaires sécurisé s’élève à 180 millions de dollars, soit 86% des ventes à crédit, estime-t-il.
Ce sont là les encours sécurisés avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Pour les opérations conclues avant l’invasion russe, l’assurance sera mise en jeu, dans le cadre de la couverture du risque politique, en cas de défaut des partenaires russes. En règle générale, le taux d’indemnisation ne dépasse pas 90%. Il y a toujours un ticket modérateur à la charge de l’exportateur.
Plus de nouvelles garanties
La position des assureurs crédit a évolué au cours des derniers jours pour s’adapter au contexte. «Après une phase d’observation au tout début du mois de mars, les assureurs crédit ont opéré des réductions drastiques, voire des résiliations des couvertures», indique Mehdi Arifi.
Ils n’offrent plus de garanties pour les nouveaux flux vers la Russie, sachant que la campagne d’exportation n’est pas encore terminée. Les perturbations actuelles ont d’ailleurs contraint la plupart des opérateurs à arrêter les expéditions.
3% du commerce extérieur
Les transactions commerciales avec la Russie et l’Ukraine représentent aux alentours de 3% du commerce extérieur du Maroc (2020). Cependant, sur certains produits, les deux pays tiennent une place stratégique. Ensemble, ils assurent 22% des besoins du pays en blé, l’Ukraine étant le 3e fournisseur du Maroc derrière la France et le Canada. Par ailleurs, la Russie fournit 10% du gasoil et du fuel importés. Les exportations marocaines prennent essentiellement la route de la Russie avec près de 2 milliards de DH de marchandises écoulées en 2020.
Frank Fagnon / Les Inspirations ÉCO