Maroc

Commerce intra-africain : le Maroc face au défi de l’intégration

Alors que le Maroc s’affirme comme un moteur économique en Afrique, son intégration aux réseaux commerciaux du continent reste limitée. Malgré une résilience reconnue face aux crises mondiales, le Rapport 2024 sur le développement économique en Afrique de la CNUCED souligne les défis liés à la connectivité, au commerce intra-africain et aux infrastructures. Aujourd’hui, le Royaume doit accélérer son ancrage régional pour maximiser les bénéfices d’une croissance africaine en plein essor.

Dans un continent en quête d’une intégration économique plus forte, portée notamment par une mise en œuvre intégrale de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), le Maroc se distingue comme un acteur clé du commerce continental.

Grâce à son ouverture économique, à sa stratégie d’industrialisation et à ses infrastructures en plein développement, le Royaume affiche une résilience certaine face aux crises mondiales.

Pourtant, selon le Rapport 2024 sur le développement économique en Afrique, publié hier 10 février par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), la connectivité insuffisante et une intégration régionale encore limitée freinent son expansion commerciale en Afrique.

Le rapport souligne que le Maroc présente «un niveau de vulnérabilité relativement faible» en comparaison avec d’autres pays africains, notamment grâce à une économie diversifiée et un environnement des affaires attractif. Toutefois, «les défis liés à la connectivité et à l’intégration aux chaînes de valeur régionales limitent la pleine exploitation de son potentiel sur le continent», souligne le document.

Un commerce intra-africain encore trop marginal
Malgré ses ambitions africaines, le Maroc n’importe que 0,5% à 6% de ses biens intermédiaires d’autres pays africains. Le rapport met en évidence «une faible interconnexion des chaînes d’approvisionnement africaines qui empêche le développement d’un marché intégré et plus résilient aux chocs extérieurs». Le Royaume bénéficie pourtant d’un cadre réglementaire et institutionnel solide.

Avec 76 accords bilatéraux d’investissement, dont 51 en vigueur, il se positionne comme le deuxième pays africain après l’Égypte en matière d’accords de protection des investissements.

Cependant, ces accords ne se traduisent pas encore par une augmentation significative des investissements marocains en Afrique.

Selon le rapport, «une diversification accrue des partenaires commerciaux africains pourrait renforcer l’implantation des entreprises marocaines et stimuler l’industrialisation locale».

Des infrastructures stratégiques, mais des connexions à renforcer
Le port de Tanger Med est présenté dans le rapport comme «un hub logistique majeur qui offre au Maroc un avantage compétitif pour le commerce mondial».

Cependant, les infrastructures reliant le pays à l’Afrique subsaharienne restent insuffisantes. Le rapport note que «les corridors commerciaux reliant le Maroc aux autres économies africaines nécessitent des investissements supplémentaires pour améliorer la fluidité des échanges et réduire les coûts logistiques».

Par ailleurs, le coût du transport intra-africain figure parmi les plus élevés au monde, freinant la compétitivité des entreprises marocaines. La CNUCED insiste sur l’importance d’une amélioration des infrastructures régionales pour réduire les coûts de transaction et faciliter le commerce des biens intermédiaires et manufacturés».

Une industrialisation encore tournée vers l’Europe
Le Maroc s’est imposé comme un pôle industriel compétitif, notamment dans les secteurs de l’automobile, du textile et de l’agroalimentaire.

Cependant, «les échanges de biens industriels se font principalement avec l’Europe et l’Asie, au détriment des marchés africains», souligne le rapport.

Une meilleure intégration des industries marocaines aux chaînes de valeur africaines pourrait générer des synergies bénéfiques pour l’ensemble du continent.

Selon la CNUCED, «un renforcement des échanges avec des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Nigeria permettrait de créer des filières industrielles plus compétitives et de réduire la dépendance aux importations hors d’Afrique».

L’accès au financement, un frein à la croissance
Le rapport met en lumière une difficulté majeure pour les entreprises marocaines souhaitant investir en Afrique :
l’accès aux financements.

«En 2023, 32% des entreprises africaines estimaient que le manque de financement était un obstacle majeur à leur développement», indique la CNUCED.

Pour répondre à cette problématique, le Maroc pourrait s’appuyer sur des outils financiers innovants, tels que les produits dérivés et les fonds d’investissement spécialisés. La mise en place de mécanismes de couverture contre la volatilité des devises permettrait également d’atténuer les risques financiers pour les entreprises marocaines opérant sur le continent.

L’enjeu énergétique : une intégration régionale à construire
Le Maroc est reconnu comme un leader africain des énergies renouvelables, mais son approvisionnement énergétique reste dépendant des fluctuations mondiales. La CNUCED souligne que «le développement de projets d’interconnexion électrique entre le Maroc et d’autres pays africains pourrait favoriser une stabilité énergétique et une réduction des coûts».

L’intégration régionale dans le secteur de l’énergie représenterait «un levier stratégique pour renforcer la compétitivité industrielle du Maroc et réduire sa dépendance aux importations d’énergies fossiles».

Un tournant stratégique pour le Maroc
Le Rapport 2024 de la CNUCED met en évidence une conclusion majeure : le Maroc doit renforcer son ancrage économique en Afrique pour assurer une croissance plus durable et moins dépendante des marchés extérieurs. L’entrée en vigueur de la ZLECAf constitue une opportunité à ne pas négliger.

La simplification des échanges intra-africains et la réduction des barrières tarifaires devraient favoriser une augmentation des exportations marocaines vers le continent.

Toutefois, «le plein potentiel de la ZLECAf ne pourra être exploité que si des réformes structurelles sont mises en place pour améliorer la compétitivité logistique et soutenir l’implantation des entreprises marocaines en Afrique subsaharienne».

Le Maroc dispose d’atouts solides, mais devra intensifier ses investissements dans les infrastructures de transport et de communication, soutenir les partenariats industriels intra-africains et diversifier ses sources d’approvisionnement.

Selon la CNUCED, «une intégration plus forte du Maroc au sein du continent lui permettrait de maximiser les bénéfices de la croissance africaine et de renforcer sa résilience face aux crises mondiales».

Le Royaume est à un tournant stratégique où des choix décisifs devront être faits pour garantir une expansion économique durable sur le continent africain.

H.K. / Les Inspirations ÉCO



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