CMR : L’enquête parlementaire s’accélère
La Commission d’enquête parlementaire sur la Caisse marocaine des retraites compte accélérer la cadence pour rattraper le retard pris dans les auditions, à cause de l’agenda électoral. Les auditions devront se poursuivre cette semaine. Les premiers constats sont accablants, à en croire une source interne.
Le dossier de la réforme des retraites est toujours au-devant de la scène, bien que le gouvernement de Benkirane soit parvenu à faire passer les textes y afférents lors de la session parlementaire printanière. D’aucuns pensent que les conclusions de la Commission d’enquête parlementaire -créée en août dernier par la Chambre des conseillers sur la Caisse marocaine des retraites (CMR) et dont les investigations sont en cours- sont très attendues, car elles pourraient conduire à de nouveaux rebondissements dans cette affaire.
À en croire une source interne de la Commission, les premiers constats sont accablants sur la gestion de la Caisse et démontrent que la réforme, mise en place par le gouvernement, n’était pas «aussi urgente comme le relevaient les responsables gouvernementaux». Or, dans le détail, rien ne filtre encore, vu que les travaux de la commission sont confidentiels, conformément aux dispositions de la loi organique sur les modalités de fonctionnement des commissions d’enquête parlementaire. Il faudra attendre que la Commission rende son verdict avant le 2 février. Ses membres espèrent une prolongation d’un mois du délai de dépôt du rapport, car les travaux de la Commission ont été ralentis, en raison de l’agenda électoral et le retard pris dans la formation du gouvernement. D’ici là, l’heure est à l’accélération de la cadence de la tenue des auditions. La Commission devra entamer, ce jeudi, l’interpellation des responsables de la deuxième liste. Les parlementaires de la Chambre haute ont déjà interpellé, entre autres, le ministre délégué à l’Intérieur, Charki Draiss, l’ancien ministre de la Fonction publique et de la modernisation de l’administration, Mohamed Moubdii, le directeur de la Caisse marocaine des retraites, Mohamed El Alaoui El Abdellaoui, l’ancien directeur de la CMR, Mohamed Bendriss ainsi que le président de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale.
Le ministre de l’Économie et des finances, Mohamed Boussaid, est appelé à répondre favorablement à la convocation de la Commission. Selon notre source, certains responsables gouvernementaux avaient brandi l’argument de leur gestion des affaires courantes pour ne pas participer aux investigations menées par les parlementaires. En tout cas, les parlementaires de la Chambre des conseillers ne comptent pas lâcher prise. Ils devront auditionner, cette semaine, le président de la Commission technique de la réforme des retraites. L’ancien ministre de l’Économie et des finances, Fathallah Oualalou, sera également interpellé.
Driss Jettou devra, lui aussi, être auditionné en tant qu’ancien ministre et premier président de la Cour des comptes. Ce haut responsable, rappelons-le, avait déjà souligné, au sein de l’institution législative, que la réforme paramétrique, proposée par le gouvernement pour les régimes de retraite, était insuffisante, car elle se limite au volet civil de la CMR. Jettou estime que la réforme paramétrique permettra uniquement la réduction du déficit actuel dans la mesure où les cotisations resteront insuffisantes pour couvrir les engagements et payer les pensions. À ce titre, le gouvernement avait souligné, lors de l’adoption au forceps de la réforme, qu’il s’agissait d’une première étape qui doit être suivie par la mise en œuvre d’une réforme globale assurant les conditions de la pérennité des caisses. Le prochain Exécutif est très attendu par les syndicats sur le dossier épineux des retraites qui devra être inscrit à l’ordre du jour des négociations du dialogue social.
En effet, de grands espoirs sont nourris par les centrales syndicales, en matière d’amendement de la nouvelle réforme. Les syndicalistes aspirent, le cas échéant, porter devant la justice le dossier de la gestion de la CMR, au cas où les dysfonctionnements sont avérés par l’enquête parlementaire en cours. Les parlementaires, relevant des syndicats, estiment que les lois peuvent être amendées à la lumière des résultats de l’enquête menée par les parlementaires. Selon une source syndicale, le Fonds monétaire international a sondé l’avis des syndicats sur le dossier. Lors d’une récente rencontre, les représentants du FMI avaient interrogé les syndicalistes sur la possibilité de revenir sur la réforme des retraites. Il est à rappeler que l’opposition et les syndicats reprochent au gouvernement d’avoir mis en place une réforme incomplète dont le coût est supporté entièrement par le fonctionnaire. Des propositions ont été émises pour rectifier le tir, dont la réduction de la charge fiscale et l’augmentation des salaires ainsi que la promotion des primes dans la fonction publique. L’appel a été lancé pour prendre en considération les spécificités de certaines professions difficiles, en matière d’âge de départ à la retraite. Sur le volet des capitaux des caisses, l’accent a été mis sur la nécessité d’adopter des solutions d’investissement créatives.
Commission d’enquête, première du genre
La Commission d’enquête parlementaire sur la Caisse marocaine des retraites est la première du genre après l’adoption de la Constitution de 2011. Les parlementaires de la Chambre des conseillers, surtout ceux relevant des syndicats, voulaient la former pour bloquer la réforme proposée par le gouvernement. Mais, l’Exécutif avait réussi à tirer son épingle du jeu. Les parlementaires disposent d’un délai de six mois pour rendre publiques leurs conclusions. Les travaux de la commission sont secrets. Quiconque divulgue les informations, recueillies par la commission, risque entre un à cinq ans de prison (article 14 de la loi organique sur les modalités de fonctionnement des commissions d’enquête parlementaire). Les membres de la commission doivent s’abstenir de tout commentaire public sur le contenu dudit rapport avant sa diffusion aux membres concernés.