Circularité dans le textile : le défi de la compétitivité
La circularité dans le textile est un objectif qui s’intègre dans la dynamique de la décarbonation. Pour le réussir, plusieurs balises doivent être posées, notamment le financement, l’investissement, le ciblage des filières textiles compétitives, mais aussi davantage d’innovation et de recherche et développement.
Le secteur du textile marocain ne peut se permettre de rater le train de la circularité. C’est ce qu’affirment les participants au premier panel de la table ronde organisée par le groupe Horizon Press – en marge de la 20e édition du salon Made in Maroc (MIM) -, en partenariat avec la Société financière internationale (IFC), membre du Groupe de la Banque mondiale et l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH) et avec le soutien du gouvernement espagnol. Le panel intitulé «Du linéaire au circulaire, comment le textile-habillement marocain se prépare-t-il ?» a été animé par Meriem Allam, directrice de publication du Journal Les Inspirations ÉCO, en présence d’experts et professionnels du secteur, à savoir Fatima-Zahra Alaoui, directrice générale de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH), Omar Cherkaoui, directeur recherche & développement à l’École supérieure des industries du textile et de l’habillement (ESITH) et Thomas Pellerin, responsable régional en charge de l’investissement chez IFC.
Les urgences du secteur
Pour assurer une conformité avec les exigences internationales qui ne tarderont pas à entrer en vigueur en matière de circularité, l’une des premières urgences pour le secteur textile marocain réside dans sa mise à niveau. «Ceci, dans l’objectif de se préparer et d’anticiper les réglementations qui seront mises en place aux fins de la circularité. Si le secteur n’est pas prêt, ces réglementations deviendront des barrières à l’entrée sur nos marchés traditionnels. L’industrie textile nationale est à 75% orientée à l’export, ce qui rend cette mise en conformité une nécessité pour assurer la durabilité de l’industrie», confirme Fatima-Zahra Alaoui.
Pour sa part, Omar Cherkaoui a mis l’accent sur l’importance de la réorganisation du secteur. Pour lui, «il existe toute une organisation en interne qui démarre à partir de l’amont, à travers un sourcing responsable pour aller ensuite vers la production. Ce processus intègre plusieurs phases, qui permettent d’optimiser la qualité du produit».
Si le Maroc parvient à s’aligner sur les critères de circularité et de durabilité, la Société financière internationale (IFC) estime qu’il pourra augmenter ses exportations vers l’Union européenne et sa part dans ce marché à mesure que les acheteurs modifient leurs stratégies d’approvisionnement et que les marques recherchent une plus grande proximité entre fournisseurs et magasins. «Les balises sont déjà posées ; le Royaume joue un rôle important et spécial au vu de sa proximité avec l’Europe. C’est un atout qui lui permet de gagner en puissance et de monter dans le train de la circularité», affirme Thomas Pellerin.
Ce qu’il faut éviter
L’Union européenne prépare la mise en place de la taxe carbone d’ici 2050, mais ce n‘est pas tout, car il s’agit aussi de faire en sorte à ce que, d’ici à 2030, la circularité devienne la norme, et l’incinération des vêtements ou leur mise en décharge soient réduites au minimum. L’industrie textile est un des moteurs de l’économie marocaine. En 2021, elle représentait 15% du PIB industriel et 11% des exportations, et employait directement 200.000 personnes. De ce fait, passer du linéaire au circulaire s’impose chez tous les pays producteurs et le Maroc n’est pas en reste, puisque les pays du Vieux continent demeurent ses principaux clients.
«Les Européens veulent avoir plus de rapidité et de flexibilité dans leur chaîne. La proximité avec l’Union européenne est clairement l’atout à faire valoir pour le Maroc. L’objectif maintenant, pour les acteurs textiles marocains, est de vraiment s’adapter et d’adopter la circularité», estime le responsable régional de l’investissement chez IFC.
L’industrie nationale du textile doit néanmoins s’attaquer à une série de contraintes, estiment les participants. Ceci commence par la promotion de la récupération des déchets post-industriels et de pré-consommation et l’établissement, au niveau local, d’usines modernes de collecte et de recyclage, capables de transformer les déchets en fils et en tissus, tout en recyclant les vêtements importés invendus. Il s’agit aussi pour le Royaume de bâtir localement une industrie moderne et durable, qui puisse fournir des éléments amont comme le fil, le tissu, l’impression et la teinture, et qui assure la traçabilité pour les marques.
La réglementation, mais encore
Il est certain que la réglementation représente un atout pour faciliter le passage à la circularité dans le textile. Mais il faudra activer d’autres leviers pour assurer cette transition. «Le processus de production de l’article qu’on est en train de produire de bout en bout a un minimum d’impact sur l’environnement», rappelle dans ce sens Fatima-Zahra Alaoui. Cela peut se faire de plusieurs manières. Un partenariat a été signé entre l’ONUDI et l’école de mode de l’AMITH, l’Académie de Mode de Casablanca, dans l’objectif de former les lauréats et des formateurs à la circularité.
La première étape de l’industrie textile est représentée par les stylistes à travers leur créativité. C’est à eux qu’il faut inculquer cette notion de circularité, de manière à ce qu’ils mettent en place des collections qui respectent les notions environnementales, en matière de tissus plus éco-responsables, de réduction des chutes de coupes, ou encore d’utilisation de teintures ou imprimés à moindre impact chimique. Dans ce sens, il faudra repenser complètement le modèle de production actuel et faire en sorte de minimiser l’impact de ce processus sur l’environnement.
«Aujourd’hui, il est clair que la circularité n’est pas seulement une qualité ou un choix, mais une voie incontournable. Toutes les parties prenantes y sont gagnantes, car intégrer la circularité, c’est optimiser, minimiser et réduire pour assurer un moindre effet sur l’environnement tout en gagnant en productivité et en compétitivité», affirme de son côté Omar Cherkaoui.
Accroître les possibilités de collaboration avec des entreprises locales – en amont de la chaîne de valeur – aiderait également le Maroc à satisfaire aux règles d’origine de la zone pan-euro-méditerranéenne relatives à l’accès préférentiel à l’UE.
«Ce sujet ne peut être résolu que s’il y a vraiment une mise en réseau des acteurs des entreprises en amont et en aval», ajoute Thomas Pellerin.
Parmi les actions proposées, figure entre autres le recours aux différents outils de soutien et de financement disponibles pour appuyer la transition, le ciblage des filières textiles dans lesquelles le Royaume dispose d’un avantage comparatif, ou encore l’investissement plus soutenu dans l’innovation et la technologie.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO