Centrales à charbon. Greenpeace épingle le Maroc

Une étude de Greenpeace, basée sur les données de la NASA, prévient le Maroc contre les risques de pollution atmosphérique due à l’usage du charbon. Les détails.
Les protestations des habitants de Mohammédia et de Kénitra contre la «fumée noire» des centrales thermiques viennent de recevoir un soutien et une confirmation scientifique de taille. Selon les résultats d’une analyse mondiale de Greenpeace, utilisant les données satellitaires collectées par la NASA, identifiant les pires sources de pollution de dioxyde de soufre (SO2), «le Maroc est le 25e pays le plus polluant au monde». Quatre centrales thermiques marocaines émettant le SO2 ont contribué à ce mauvais classement du Maroc. Il s’agit de la centrale thermique de Jorf Lasfar, de Mohammédia et, dans une moindre mesure, Kénitra (voir carte), ainsi que la station de Safi. Précisons que la fumée noire, motif des protestations des habitants de Mohammédia et Kénitra, correspond à des émissions de SO2, gaz irritant réputé pour ses effets sur la santé humaine, et l’un des principaux polluants contribuant à la mortalité due à la pollution atmosphérique dans le monde. La région MENA s’illustre par des niveaux d’émissions parmi les plus élevés au monde. Au Maroc, c’est l’usage du charbon qui est pointé du doigt. Une situation qui devrait perdurer avant l’entrée de la nouvelle centrale thermique près de Safi. Dans le reste de la région, ce sont d’autres énergies fossiles qui sont pointées du doigt: le pétrole et le gaz.
La Mecque, très polluée
En 2018, la centrale de Jorf Lasfar a généré 113.000 tonnes de SO2. Un chiffre en forte progression par rapport à l’année précédente où la production de cette centrale était de 69.000 t de SO2. Pour sa part, la centrale thermique de Mohammédia a émis 73.000 tonnes de SO2. Un chiffre à la baisse par rapport aux 126.000 tonnes émises en 2017. Un niveau d’émission important correspondant d’ailleurs à la période des protestations des habitants de Mohammédia. La centrale de Safi a émis 30.000 t de SO2. La pollution atmosphérique au Maroc se situe dans les zones urbaines à forte concentration d’activités industrielles, utilisant les énergies fossiles.
«L’analyse montre que, dans les régions où les combustibles fossiles sont fortement utilisés, que ce soit pour générer de l’énergie ou pour gérer des installations industrielles, il existe de larges sources d’émission de SO2», détaille Julien Jreissati, chargé de campagne à Greenpeace MENA. Il ajoute: «À moins de 120 km de la province de la Mecque, l’une des provinces les plus peuplées d’Arabie saoudite, il existe une importante concentration de sources d’émission de SO2 notamment les centrales “Rabigh, Shaiba et Jeddah”. Les centrales pétrolières et les raffineries de ces sites ont émis 59% du SO2 parmi les émissions totales de l’Arabie saoudite en 2018. Cette forte densité de centrales explique pourquoi la province de la Mecque présente le deuxième niveau d’émission de SO2 anthropique le plus élevé au monde au niveau provincial».
Globalement, six pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord se trouvent parmi les 25 pays les plus polluants au monde. L’Arabie saoudite est le premier pays arabe en termes d’émissions de SO2 et occupe le 6e rang mondial, suivi par les Émirats arabes unis (14e), le Qatar (15e), le Koweït (17e), l’Irak (23e) et le Maroc (25e).
«La combustion de combustibles fossiles met non seulement notre planète en péril, mais également notre santé collective, car le SO2 est une source de risques pour la santé et de maladies», ajoute Jreissati.
Au niveau du reste du monde, Krasnoyarsk (Russie) a les niveaux d’émissions anthropiques de SO2 les plus élevés au monde, suivie par la province de la Mecque dans le Royaume d’Arabie saoudite, de la province de Mpumalanga en Afrique du Sud, de Bushehr en Iran et de Tamil Nadu en Inde. «Les zones “hotspot” d’émissions dans le monde se doivent vis-à-vis de leurs citoyens de ne plus dépendre des combustibles fossiles et d’engager la transition vers des sources d’énergie plus sûres et plus durables, tout en réduisant l’impact des installations polluantes existantes en adoptant des normes d’émission plus strictes. «Les énergies renouvelables, telles que l’énergie solaire et éolienne, pourraient économiser chaque année des milliards de dollars en coûts de santé ainsi que des milliers de vies», souligne Jreissati.
Le Maroc, cité en exemple par plusieurs institutions internationales en matière de transition énergétique, est pris en tenaille. D’un côté, il y a les impératifs de développement économique et de la société de consommation, marqués par la hausse continue de la demande en énergie. De l’autre côté, on retrouve les obligations nationales et internationales en matière de préservation de l’environnement et de la qualité de vie des citoyens.
Le SO2, un poison dans l’atmosphère
Le SO2 est l’un des principaux responsables des décès ainsi que des maladies dues à la pollution de l’air. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la pollution de l’air est une «urgence de santé publique», avec plus de 90% de la population mondiale exposée à de l’air ambiant toxique. On estime que la pollution atmosphérique cause chaque année plus de 7 millions de décès prématurés dans le monde.