Baux non équipés à usage professionnel : les clarifications du fisc
La récente clarification de la Direction générale des impôts met fin au flou entourant les régimes dérogatoires d’exonération de TVA sur les locations de locaux non équipés.
Les niches fiscales sur les loyers professionnels n’auront été qu’une parenthèse. «Désormais, toute location d’un local non équipé dont l’acquisition ou la construction a ouvert droit à un avantage fiscal (exonération ou déduction de TVA) est obligatoirement soumise à la TVA sur les loyers perçus», rappelle la DGI.
Par une réponse-courrier datée du 30 décembre 2024, la Direction générale des impôts (DGI) a apporté des éclaircissements sur le régime fiscal applicable aux opérations de location de locaux non équipés à usage professionnel.
Cette clarification fait suite à une interrogation de la société Ayour Plast concernant l’assujettissement à la TVA de la location d’un local vide qu’elle a construit en 1989. Dans sa réponse, la DGI rappelle d’abord le principe général : «Les locations portant sur les locaux équipés pour un usage professionnel sont soumises à la TVA, conformément aux dispositions de l’article 89-1-10°- a) du Code général des impôts (CGI)». Cependant, des aménagements ont été apportés ces dernières années.
En effet, «à compter du 12 juin 2017, date de publication de la loi de finances (LF) pour l’année 2017, l’assujettissement à la TVA a été limité aux opérations de location portant sur des locaux équipés et, par conséquent, les locations portant sur les locaux à usage professionnel non équipés sont devenues hors champ d’application de la TVA, à condition que l’investissement réalisé au titre desdits locaux n’ait pas été effectué avec bénéfice du droit à déduction ou de l’exonération de la TVA».
Régime transitoire et droit d’option
Dans son courrier, la DGI souligne que malgré l’exclusion de principe des locations de locaux non équipés du champ de la TVA depuis 2017, un régime transitoire a été prévu pour les locations déjà soumises à cette taxe avant cette date.
Comme l’indique la DGI : «Les locations qui étaient soumises à la TVA avant la date de publication de la LF 2017 ont continué à être soumises à ladite taxe, comme par le passé, dans la mesure où elles ont déjà bénéficié soit de la déduction soit de l’exonération de la TVA ayant grevé l’investissement réalisé».
Prenons l’exemple d’une société qui a construit en 2015 un local non équipé en bénéficiant de la déduction de la TVA sur les dépenses d’investissement. Même après 2017, cette société devait continuer à facturer la TVA sur les loyers perçus pour ce local, le bénéfice de la déduction initiale l’assujettissant durablement à cette obligation.
Parallèlement, la LF 2018 a instauré un droit d’option permettant aux bailleurs de locaux non équipés de s’assujettir volontairement à la TVA.
Comme l’explique la DGI : «À compter du 1er janvier 2018, la LF 2018 a accordé le droit d’option à l’assujettissement à la TVA aux bailleurs qui donnent en location des locaux à usage professionnel non équipés».
Ce droit d’option permet ainsi à un bailleur, même s’il n’a pas bénéficié initialement d’un avantage fiscal, de décider de s’assujettir à la TVA sur les loyers perçus. Il faut dire que cette faculté peut s’avérer intéressante pour les bailleurs souhaitant récupérer la TVA sur leurs charges. Ces deux dispositions traduisent la volonté d’assurer une transition progressive vers le nouveau régime d’exonération de TVA sur les locations de locaux vides, tout en ménageant la possibilité pour les bailleurs de rester dans le champ de la TVA s’ils le souhaitent.
Le revirement de 2024
Mais en 2024, un nouveau changement est intervenu avec la Loi de finances : «L’article 6-I de la LF 2024 a complété l’article 89-I-10°-a), en précisant que ces opérations sont obligatoirement soumises à la TVA, lorsque ces locaux sont acquis ou construits avec le bénéfice du droit à déduction ou de l’exonération de cette taxe».
Ainsi, le courrier de la DGI clarifie que «les personnes ayant bénéficié de l’exonération ou du droit à déduction doivent obligatoirement facturer la TVA à leurs clients, au titre des opérations de location de locaux non équipés». Le point majeur souligné par le courrier de la DGI concerne le changement de régime intervenu avec la LF 2024. Celle-ci a remis en cause le principe d’exonération de TVA sur les locations de locaux non équipés, lorsque l’acquisition ou la construction desdits locaux a bénéficié d’un avantage fiscal (exonération ou déduction de TVA).
Comme l’indique expressément la DGI : «L’article 6-I de la LF 2024 a complété l’article 89-I-10°-a), en précisant que ces opérations sont obligatoirement soumises à la TVA, lorsque ces locaux sont acquis ou construits avec le bénéfice du droit à déduction ou de l’exonération de cette taxe».
Cette nouvelle disposition vise à rétablir une forme de neutralité fiscale. En effet, lorsqu’un investisseur a pu bénéficier d’un avantage en matière de TVA lors de l’acquisition ou la construction d’un local, il devra désormais répercuter cette taxe sur les loyers perçus lors de la location dudit local, même non équipé. Prenons l’exemple d’une société qui a construit en 2020 un hangar non équipé, en bénéficiant de l’exonération de TVA sur les dépenses d’investissement.
Avant 2024, cette société pouvait louer ce hangar en étant exonérée de TVA sur les loyers. Mais avec le nouveau dispositif, même pour un local non équipé, elle devra obligatoirement facturer la TVA à son locataire, du fait de l’avantage fiscal initial.
La DGI insiste sur cette obligation en précisant que «les personnes ayant bénéficié de l’exonération ou du droit à déduction doivent obligatoirement facturer la TVA à leurs clients, au titre des opérations de location de locaux non équipés».
Cette mesure marque un revirement par rapport à l’approche antérieure qui exemptait purement et simplement de TVA les locations de locaux vides, dès lors qu’ils n’étaient pas équipés. Elle vise à réintégrer dans le champ d’application de la TVA les opérations ayant initialement bénéficié d’un avantage fiscal lors de l’investissement immobilier.
Vers une application uniforme de la TVA sur la location de locaux non équipés
Cette évolution législative vise à mettre fin aux différents régimes dérogatoires et à assurer une application uniforme de la TVA sur la location de locaux non équipés, dès lors que leur acquisition ou construction a bénéficié d’un avantage fiscal (exonération ou déduction de TVA).
L’objectif est d’assurer une application uniforme de cette taxe, à partir du moment où l’acquisition ou la construction des locaux a bénéficié d’un avantage fiscal en matière de TVA.
Avant 2024, plusieurs situations coexistaient : les locations de locaux non équipés dont l’acquisition/construction n’avait pas bénéficié d’avantage fiscal étaient exonérées de TVA ; celles ayant bénéficié d’un avantage fiscal étaient soumises à TVA par défaut, sauf à opter pour le régime d’exonération depuis 2018 ; un régime transitoire maintenait dans le champ de la TVA les locations déjà imposées avant 2017.
Cette multiplicité de régimes engendrait une certaine complexité et un risque d’inégalité de traitement entre les opérateurs selon leur situation particulière.
Prenons l’exemple de trois sociétés qui louent chacune un local non équipé : Société A ayant construit en 2016 avec déduction de TVA : soumise à TVA sur les loyers. Société B ayant construit en 2020 sans aucun avantage fiscal : exonérée de TVA sur les loyers. Société C ayant construit en 2022 avec exonération de TVA, mais ayant opté pour l’assujettissement : soumise à TVA sur les loyers. Avec la réforme de 2024, ces différences de traitement sont supprimées.
Désormais, toute location d’un local non équipé dont l’acquisition ou la construction a ouvert droit à un avantage fiscal (exonération ou déduction de TVA) sera obligatoirement soumise à la TVA sur les loyers perçus. Cela permet d’appliquer un régime uniforme à toutes les situations, indépendamment de la date d’investissement ou des options exercées précédemment. L’assujettissement systématique en présence d’un avantage fiscal antérieur rétablit ainsi la neutralité de la TVA. Cette évolution législative vise donc à simplifier et sécuriser le régime de TVA applicable, en mettant fin aux différents cas particuliers qui créaient une certaine complexité réglementaire.
La recherche de cohérence fiscale et d’équité
Pour les experts, cette mesure répond à un souci de cohérence fiscale et d’équité entre les opérateurs économiques. D’un point de vue de cohérence fiscale, il était en effet difficilement justifiable de maintenir une exonération de TVA sur les loyers pour certains bailleurs, alors même qu’ils avaient initialement bénéficié d’un avantage fiscal sur l’investissement immobilier. Cela créait une forme de rupture dans la chaîne de déduction de la TVA. En réintégrant ces opérations dans le champ d’application de la taxe, le nouveau dispositif rétablit la neutralité fiscale.
Comme l’explique un fiscaliste : «L’État a renoncé à percevoir la TVA au moment de l’investissement, il est donc logique qu’il la récupère en aval sur les revenus locatifs générés par cet investissement».
Au-delà de cette cohérence d’ensemble, la réforme permet aussi de rétablir une équité fiscale entre les différents bailleurs. Avant 2024, certains se trouvaient dans l’obligation de facturer la TVA tandis que d’autres en étaient exonérés, ce qui faussait la concurrence.
Avec les anciens régimes dérogatoires, on arrivait à des situations ubuesques où deux bailleurs, dont les locaux sont situés dans le même immeuble, n’étaient pas traités de la même manière au regard de la TVA. Ce qui est contraire au principe d’égalité devant l’impôt.
Désormais, le fait générateur de l’assujettissement étant uniquement le bénéfice initial d’un avantage fiscal sur l’investissement immobilier, tous les opérateurs concernés seront traités sur un pied d’égalité.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO