Maroc

Avocats cherchent bancs pour s’asseoir

 

La deuxième audience du procès de Taoufik Bouâchrine a porté plus sur les conditions du déroulement du procès que sur le fond. Un débat d’une heure et demi symptomatique du sous-équipement des tribunaux du royaume.

«Il nous est difficile de suivre le déroulement de ce procès dans ces conditions. Nous n’arrivons pas à écouter les avocats et les discussions», proteste le représentant du parquet général, lors de l’audience du 15 mars de la chambre criminelle auprès de la Cour d’appel de Casablanca. À cette réclamation, le bâtonnier Me Abdellatif Bouâchrine, représentant de la défense apporte son soutien : «en tant que membre de la défense, les avocats n’arrivent pas à trouver un banc pour s’assoir. Nous souscrivons à la remarque du représentant du parquet. Il faut assurer à l’ensemble des parties les conditions idoines pour assister à ce procès. D’autant plus que nous recevons des confrères de plusieurs barreaux du Maroc».

Un problème logistique
La salle n°7 n’arrive plus à contenir la cinquantaine d’avocats représentant de la défense et de la partie civile, ainsi que les nombreux journalistes et membres des services de sécurité et de renseignement également présent en force. La dizaine de bancs disponibles affichent complet. La moitié des avocats ne trouvent pas de  place pour s’installer et ne peuvent s’approcher du micro. L’absence de ces éléments logistiques basiques ajoute à la tension ambiante dans ce procès. «Pour la prochaine séance, nous allons prendre les mesures nécessaires pour un déroulement du procès dans des conditions optimales», promet le juge Bouchaib Frihi, avant de lever la séance. Si la nature de ce procès poussera la Cour à améliorer les conditions logistiques, la grande majorité des procès continue de se dérouler dans des tribunaux «délabrées», comme le confirme un état des lieux réalisé par le ministère de la Justice et des Libertés (MJL).

Tribunaux «délabrés»
Le département de la Justice dispose de 290 bâtisses qui hébergent des tribunaux des différentes juridictions. Les Tribunaux Première instance (TPI) sont au nombre de 69, les Cours d’appel (23), les tribunaux de la famille (29), les juridictions spécialisées (14), les centres des juges résidents (143) et les annexes et archives (12). L’évaluation réalisée par le ministère a conclu que 148 bâtisses se trouvent dans un état «délabré», 66 dans un état «moyen» et 90 dans un «bon état». Ce sont les centres des juges résidents qui souffrent le plus de délabrement (77%), suivi des TPI (34%) et les Tribunaux de la famille (33%). Seuls les tribunaux commerciaux se trouvent dans une situation acceptable. 58% des enceintes de ces tribunaux sont dans un «bon état». Cette situation peu enviable du service public judiciaire est le résultat de deux décennies de sous-investissement dans un secteur vital. «La stratégie du ministère a souffert de contraintes budgétaires. Il n’y a de rubriques réservés à la rénovation des tribunaux dans les années 90 et le début des années 2000», explique ce département. À cela s’ajoute selon le ministère «l’arrivée d’une nouvelle génération de juridictions spécialisées qui n’étaient pas programmées, ainsi que de nouveaux services liées à l’application de nouveaux textes de lois». L’ensemble de ces raisons ont fait que le service public judiciaire a été délaissé par le passé. Il a fallu le lancement du chantier de la réforme de la justice du temps de feu Taib Naciri puis avec Mustapha Ramid pour voir les premiers signes d’amélioration. En 2017, le Fonds spécial des tribunaux était doté de 500 MDH. Cette année, ce budget a été augmenté de 190 MDH. Ce Fonds permettra de construire de nouveaux tribunaux pour 450 MDH, la rénovation de tribunaux existants (173 MDH) et l’achat des équipements techniques et informatiques (67 MDH). Malgré cet effort de rattrapage, la situation demeure critique. Lors de la présentation du budget ministériel à la Chambre des représentants, les députés avait rappelé «les souffrances des citoyens au contact avec le service public de la justice, de l’accueil au jugement des procès», peut-on lire dans le rapport de la commission de la justice de la chambre des représentants. Aujourd’hui, la médiatisation des procès comme ceux des accusés d’Al Hoceima ou de Bouâchrine braquent les projecteurs sur ce service public en difficulté. 


Le juge reprend les choses en main

Sur le fonds du dossier, la séance du 15 mars a été marquée par le renforcement de l’équipe de la défense par plusieurs femmes avocats et l’arrivée de Me Abdelatif Ouahbi et Mohamed Amekraze. L’équipe de la défense a connu le désistement de Me Tayeb Lazrak et le retrait de Me Abderrahim Jamai qui a envoyé une lettre à la Cour précisant «qu’il ne s’est pas porté membre de la défense de Bouâchrine». La deuxième séance a permis au juge d’appeler à la barre les 10 plaignantes présentes, ainsi que trois déclarantes. Durant cette séance, le juge a tenu à rappeler les règles aux différentes parties les invitants à respecter l’audience et leurs confrères avocats. «Nous regrettons le niveau des débats constatés la première séance et nous souhaitons que ce procès puissent se dérouler dans le respect de l’ensemble des parties». Le juge Frihi a promis de rentrer dans le vif du sujet le 29 mars prochain.


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