Agriculture durable : le Maroc renforce sa résilience face aux défis climatiques

La 17e édition du SIAM à Meknès a lancé ses activités scientifiques par une conférence de haut niveau. Centrée sur la gestion de l’eau pour une agriculture durable et résiliente, elle a réuni près de 30 délégations étrangères. Les stratégies nationales, la vision royale et les solutions face aux défis hydriques étaient au cœur des débats.
Le Salon international de l’agriculture de Meknès (SIAM), dans sa 17e édition, a donné le coup d’envoi de ses activités scientifiques mardi, marquant le début des discussions de fond avec une Conférence internationale de haut niveau.
Placée sous le thème crucial de la «Gestion de l’eau pour une agriculture durable et résiliente», cette rencontre d’envergure, organisée par le ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, a rassemblé près de trente délégations étrangères, incluant ministres et chefs de délégation, témoignant de l’importance mondiale accordée à cette thématique vitale dans le contexte des défis climatiques actuels.
Prenant la parole lors de cette conférence inaugurale, Ahmed El Bouari, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, a situé cette rencontre dans le cadre des efforts continus de son ministère. Il a souligné son alignement sur la mise en œuvre de stratégies nationales majeures telles que «Génération Green 2020-2030» et le « Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027».
L’objectif est de mener des actions concrètes pour la mobilisation et la valorisation de l’eau agricole, essentielles pour renforcer la durabilité de l’agriculture marocaine et réduire sa vulnérabilité face aux impacts des aléas climatiques. Le ministre a également mis en exergue la vision royale concernant la gestion de l’eau. Il a rappelé le discours prononcé par SM le Roi Mohammed VI, le 29 juillet 2024, à l’occasion de la Fête du Trône.
Le Roi avait appelé à une réflexion novatrice et stratégique visant à garantir l’accès universel à l’eau potable et à assurer, à terme, la couverture d’au moins 80% des besoins nationaux en irrigation, quelles que soient les circonstances, soulignant l’urgence et l’importance capitale de la question de l’eau pour l’avenir du Royaume.
Une production de céréales estimée à 44 millions de quintaux
Poursuivant son intervention, El Bouari a dressé un premier bilan prévisionnel de la production céréalière pour la campagne agricole 2024-25. Malgré un démarrage initial difficile, marqué par un déficit pluviométrique prolongé de novembre à février et une hausse des températures, les pluies substantielles enregistrées en mars et début avril ont significativement amélioré la situation de la campagne céréalière.
Le cumul pluviométrique national a ainsi atteint 293 mm, représentant une augmentation de 19% par rapport à la campagne précédente, bien qu’il reste inférieur de 18% à une année normale. Ces conditions améliorées ont permis de rehausser les perspectives de production.
La superficie semée en céréales principales s’élève à 2,62 millions d’hectares (+6% par rapport à 2023/24), et la production prévisionnelle pour les trois céréales principales est estimée à 44 millions de quintaux. Cela représente une hausse notable de 41% comparativement aux 31 millions de quintaux (MQ) de la campagne 2023-24.
Dans le détail, les prévisions s’établissent à 24 MQ pour le blé tendre, 10,6 millions pour le blé dur, et 9,5 millions pour l’orge. Sur le plan régional, trois régions dominent, contribuant à 80% de la production nationale : Fès-Meknès (36%), Rabat-Salé-Kénitra (28%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (16%).
Cette amélioration des conditions climatiques, combinée aux efforts du ministère et des professionnels, devrait avoir un impact positif sur l’économie. La valeur ajoutée agricole est ainsi prévue en croissance de 5,1%, marquant un redressement significatif par rapport à la décroissance de 4,8% enregistrée l’année précédente, reflétant une résilience du secteur malgré les défis hydriques.
Par ailleurs, cette conférence met en lumière l’engagement du Maroc et de ses partenaires internationaux à trouver des solutions innovantes pour une gestion de l’eau qui assure à la fois sécurité alimentaire et durabilité environnementale.
Sécurité hydrique : les piliers de la stratégie marocaine
Dans son intervention, Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau, a mis en lumière l’enjeu de la rareté de l’eau au Maroc, exacerbé par les impacts du changement climatique et des périodes de sécheresse prolongée. Il a affirmé que, sous l’impulsion de la vision royale, la sécurité hydrique est devenue une priorité nationale fondamentale.
Cette politique d’eau se veut proactive, intégrée et globale, plaçant la durabilité au cœur de la stratégie de développement du pays, afin de répondre aux besoins croissants et aux contraintes hydriques actuelles et futures.
Pour relever ces défis, le ministre a détaillé une approche à plusieurs piliers. Celle-ci inclut la mobilisation intensive des ressources en eau conventionnelles (barrages, nappes phréatiques) et l’accélération du développement des ressources non conventionnelles, notamment le dessalement de l’eau de mer, avec des objectifs de production d’eau douce pour les usages domestiques, industriels et agricoles.
La politique intègre également des initiatives visant l’amélioration de l’efficience de l’utilisation de l’eau, la réutilisation des eaux usées traitées, le renforcement de la solidarité entre les différentes régions du pays et l’encouragement de la recherche et des partenariats pour assurer une gestion durable et équitable de cette ressource vitale.
La conférence a été rythmée par deux panels thématiques consacrés, d’une part, à l’alliance Eau-Agriculture comme levier d’adaptation au changement climatique, et d’autre part, aux stratégies intégrées et aux innovations pour une gestion efficiente de l’eau agricole.
Benjamin Haddad
Ministre français délégué auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé de l’Europe
«La gestion de l’eau, défi colossal partagé par la France et le Maroc, est au cœur de notre partenariat d’exception. Renforcer la coopération et les échanges est essentiel pour bâtir une agriculture résiliente et garantir notre sécurité alimentaire face au changement climatique.»
Francesco Lollobrigida
Ministre italien de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et des Forêts
«L’Italie promeut une gestion durable de l’eau en agriculture par la coopération entre l’Europe et l’Afrique. Face aux défis climatiques, l’innovation, les infrastructures et les pratiques économes en eau sont essentielles. Cette synergie est cruciale pour la sécurité alimentaire et la stabilité du bassin méditerranéen.»
Loïc Fauchon
Président du Conseil mondial de l’eau
«Face aux crises climatiques et démographiques, l’eau, fondement de la vie et de l’agriculture, est en péril.» Appelant à l’action via l’innovation, la gouvernance décentralisée et des financements dédiés, Loïc Fauchon rappelle que «Water is politics», affirmant que «sécuriser l’eau partout est le combat essentiel pour
obtenir la paix pour le monde.»
Signature de deux conventions
À l’issue de la séance inaugurale de la conférence, Ahmed El Bouari et Nizar Baraka ont procédé à la signature de deux conventions pour une gestion durable de l’eau agricole et une meilleure résilience climatique du secteur.
La première porte sur le projet de contrat de gestion participative de la nappe de Saiss dans la région Fès-Meknès, visant à assurer sa durabilité environnementale et économique par une gestion intégrée et un programme d’action concerté. Le but étant d’équilibrer la préservation de l’écosystème avec la satisfaction des besoins socio-économiques régionaux.
La seconde convention concerne les domaines de l’agriculture, de la météorologie et du climat. Elle vise à établir un cadre de coopération et de coordination interministérielle à travers l’échange de données et d’expertises, le développement de services climatiques dédiés au secteur agricole et le renforcement des capacités des acteurs.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO