Agences de voyage : la réglementation continue de susciter l’incompréhension des professionnels
Dépourvue d’obligations en matière de création d’emplois ou de rapatriement de devises, la loi 11-16 encadrant le métier d’agent de voyage, dont la mise en conformité arrive à échéance, continue de susciter l’incompréhension auprès des professionnels.
Le 2 décembre était la date butoir pour se conformer aux dispositions de la loi 11-16 sur la profession de voyagiste. Depuis, le débat sur l’avenir des agences de voyages s’intensifie. Fragilisés par la désintermédiation et la montée en puissance des plateformes numériques, l’ubérisation du secteur atteint un point critique, portée par une législation qui, selon certains professionnels, les cantonne au rôle de «simples distributeurs».
La réforme, et en particulier l’introduction de la licence B, fait naître de vives inquiétudes dans le secteur. Si cette mesure vise à démocratiser l’accès au métier, elle permet également à des entités non spécialisées de proposer des prestation de voyages.
«Rien n’empêche aujourd’hui une enseigne de distribution par exemple d’ouvrir un bureau de voyage entre le rayon des fruits et légumes», confie Fouzi Zemrani, opérateur touristique.
Outre les nouveaux intrants, les agences locales doivent composer avec les géants du numérique. Les plateformes comme Booking.com captent une part croissante du marché tout en échappant à la fiscalité nationale.
«Nous sommes confrontés à un double défi, la concurrence de géants du net et une réglementation locale qui ne protège pas notre savoir-faire. À force de vouloir simplifier, on finit par banaliser notre métier», explique un agent de voyage établit à Casablanca.
Cadre légal déconnecté
La loi 11-16, qui devait moderniser le secteur, suscite également des critiques pour son approche trop généraliste. «Concevoir un circuit touristique, organiser un événement ou assurer la logistique pour des clients étrangers demande une expertise. Une licence ne suffit pas», explique Fouzi Zemrani.
Ce manque de prise en compte de la complexité du métier risque, selon lui, de conduire à une perte des savoir-faire locaux. Les professionnels dénoncent également l’absence de garde-fous pour les nouveaux entrants. Sans obligation de création d’emplois ni d’investissement dans la qualité de service, le secteur pourrait être livré à une concurrence déloyale.
Pourtant, à l’approche de consécrations, comme la CAN 2025 et le Mondial 2030, l’avenir du tourisme marocain repose sur une valorisation des compétences locales et une meilleure mise en tourisme des régions. «De nombreux territoires offrent un potentiel immense, à l’instar des provinces du sud, mais manquent encore d’infrastructures adaptées».
Réforme équilibrée
Les préoccupations des agences de voyage vont bien au-delà de la régulation. En jeu, leur capacité à maintenir un savoir-faire sur mesure dans un secteur de plus en plus dominé par les plateformes numériques et la désintermédiation.
«En abaissant les barrières à l’entrée, on ouvre la porte à des risques de fraude et à une perte de crédibilité pour tout le secteur», alerte un agent de voyage ayant exigé l’anonymat.
Sans une réforme équilibrée, le Maroc risque de perdre des compétences locales et de compromettre son image de destination touristique de premier plan.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO