Agadir : la Covid-19 ramène le tourisme 40 ans en arrière
La crise sanitaire a anéanti plus de quatre décennies de développement touristique à Agadir. Selon une rectoscopie réalisée par le CRT d’Agadir Souss-Massa, présentée à Nadia Fettah Alaoui, ministre du Tourisme, lors de sa visite mardi dernier, la crise sanitaire a renvoyé le secteur touristique à son niveau d’avant 1982.
Dès que la nuit tombe à Agadir, la zone touristique et la station balnéaire prennent un air de ville fantôme. Contexte pandémique oblige, près de la moitié des établissements d’hébergement classés sont fermés et ceux qui restent ouverts sont inoccupés. L’accès aux plages est interdit au public depuis le 12 septembre. Les restaurants et les cafés sont désormais tenus de fermer à 22h, en raison des restrictions sanitaires. «La situation est catastrophique. Toute la chaîne de valeurs est actuellement sinistrée. Dans ce contexte de manque de visibilité, la machine peine toujours à redémarrer, alors que les opérateurs touristiques continuent de couvrir les charges fixes et de maintenance», s’insurge Rachid Dahmaz, président du Conseil régional du tourisme Agadir Souss-Massa. Partant de ce constat, les chiffres donnent raison à ce sentiment de malaise éprouvé aussi bien par les opérateurs touristique qu’à 120.000 salariés employés par toute l’industrie touristique d’Agadir. Cette crise sanitaire a ramené la destination à son niveau de 1982 et au-delà, d’après la présentation faite devant Nadia Fettah Alaoui, ministre du Tourisme, de l’artisanat, du transport aérien et de l’économie sociale, lors de sa rencontre, mardi, avec les professionnels d’Agadir.
4,35 MMDH de CA perdus en 2020
Côté recettes, sur 6 MMDH de chiffre d’affaires annuel générés par la première station balnéaire du royaume, la destination a perdu plus de 4,35 MMDH, au titre de l’année 2020. Elle a généré à peine 1,5 MMDH de recettes cette année, soit pire que l’année 1982 où elle avait atteint 1,92 MMDH. Autrement dit, la destination a perdu l’équivalent d’environ 4 millions de nuitées contre seulement 1,4 million de nuitées enregistrées. Ce n’est pas tout, selon cette rectoscopie réalisée par le Conseil régional du tourisme (CRT) d’Agadir Souss-Massa, la destination a perdu 859.568 arrivées touristiques, contre seulement 330.503 touristes présents cette année, alors qu’en 1982, la destination avait accueilli près de 346.286 touristes. «Plus tard on reprendra, plus ce sera difficile de faire tourner la machine touristique dans la destination Agadir en particulier, et au Maroc en général. Actuellement, personne ne cherche la rentabilité, mais juste le redémarrage de l’activité pour sauver le secteur», prévient Najia Ounassar, présidente de l’Association de l’industrie hôtelière d’Agadir (AIHA). Et ce qui complique la donne, c’est le retard de la mise en œuvre des dispositions du contrat-programme 2020-2022 pour le soutien et la relance du secteur touristique afin d’amortir le choc, surtout sur le plan social.
Contrat-programme : l’indemnité CNSS en retard
Actuellement, sur 21 mesures préconisées par le contrat-programme, peu de mesures sont concrétisées à commencer, selon les professionnels, par l’indemnité mensuelle nette de 2.000 DH pour les mois de juillet, août et septembre. Résultat : des mouvements de grève commencent à être initiés devant la wilaya de la région Souss-Massa par les syndicats représentant les différents segments touristiques. La reprise, elle, dépend de plusieurs paramètres exogènes et endogènes. D’une part, plusieurs pays émetteurs de flux touristiques maintiennent le Maroc sur la «liste rouge» des pays à risque en raison de ce contexte de pandémie. D’autre part, les professionnels attendent l’ouverture des frontières et la satisfaction de leurs exigences liées principalement à l’aérien, aux garanties sanitaires pour les grossistes et détaillants de voyage, en plus des modalités liées à l’offre et à une promotion de crise. Malgré ce contexte d’incertitude, les professionnels de la destination ont émis des recommandations lors de la visite de Nadia Fettah Alaoui, après concertation avec les acteurs du secteur. Des recommandations concrètes et réalisables pour relancer le secteur et redonner confiance aux partenaires des opérateurs touristiques, surtout sur le plan sanitaire.
Des garanties sanitaires pour la reprise
Il s’agit de mettre en place un couloir sanitaire, à travers une structure médicale professionnelle qui prendra en charge tout le circuit touristique du client, depuis l’arrivée à l’aéroport Agadir Al-Massira jusqu’à l’hôtel. À cela s’ajoute la mobilisation d’une structure médicale de proximité, dans la zone balnéaire, pour une meilleure gestion de ce protocole sanitaire. Aussi, les professionnels ont proposé de prévoir un hôtel de confinement, de petite taille, qui sera réservé uniquement aux touristes, si des cas de Covid-19 apparaissaient. Parmi les recommandations émises, figure aussi la mise en place d’un protocole sanitaire, soit avec l’hôpital dédié à cette pandémie dans la région ou avec une clinique spécialisée et reconnue pour assurer les soins en cas d’aggravation de la situation d’un ou plusieurs clients. L’idée est d’établir un passeport mentionnant toutes ces instructions et cette logistique, qui serait transmis directement aux TO, agences de voyages, compagnies marocaines et étrangères. Selon les professionnels, il garantira à leurs clients de bénéficier d’une prise en charge médicale satisfaisante. L’ouverture des frontières revêt, quant à elle, un caractère urgent par la mise en place de vols point à point avec les principaux marchés émetteurs, à savoir la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Angleterre. La liste pourra être élargie dès que l’activité sera relancée. Les opérateurs ont demandé, par ailleurs, à l’Office national marocain du tourisme de lancer une campagne d’information et de sensibilisation sur toutes ces mesures, accompagnée de messages pertinents et sécurisants pour les clients et les grossistes en voyage. Ce n’est pas tout : étant donné que les recettes touristiques, générées par l’hébergement classé à Agadir, avoisinent 6 MMDH, soit 8% du CA généré par le secteur au niveau national, les professionnels ont proposé un fonds d’investissement pour la refonte de la destination. Ce fonds permettrait, selon les recommandations émises, de mettre en place un plan de vols étrangers subventionné avec la compagnie nationale, et à défaut, avec une compagnie étrangère. Il s’agit aussi d’intensifier les vols domestiques avec des plages horaires pratiques au départ des villes marocaines et de lancer un grand programme pour la mise à niveau des hôtels en souffrance, à travers la création de petits groupes de gestion hôtelière parmi d’autres suggestions.
Yassine Saber / Les Inspirations Éco