Administration. Où en est le chantier de la déconcentration?
Les schémas directeurs des départements de l’Intérieur, des Finances, ainsi que de l’Équipement, de l’eau et du transport ont été validés par la commission interministérielle. Il reste à donner le feu vert aux autres schémas qui ont été récemment soumis à la commission technique pour pouvoir tracer le tableau de bord de l’implémentation de la déconcentration.
Le gouvernement est très attendu sur le dossier de la mise en œuvre de la déconcentration administrative. Il faut attendre la validation de tous les schémas directeurs des départements concernés pour avoir une vision claire de l’implémentation de ce chantier stratégique et désormais prioritaire pour le Maroc. Jusque-là, seuls 3 ministères ont pu faire valider leurs plans par la commission interministérielle présidée par le chef de gouvernement: l’Intérieur, les Finances ainsi que l’Équipement, l’eau et le transport. L’ensemble des départements devaient soumettre leurs schémas directeurs avant fin juillet dernier, soit six mois après la publication du décret fixant le schéma directeur référentiel de la déconcentration administrative. Ce délai a-t-il été respecté? Le ministre de la Réforme de l’administration et de la fonction publique, Mohamed Benabdelkader, assure aux Inspirations ÉCO que la commission technique constituée des représentants de l’Intérieur, de la primature, des Finances, du Secrétariat général du gouvernement et de son département a reçu l’ensemble des schémas directeurs. Un premier traitement technique de ces documents a été effectué et ils devraient bientôt être validés. Les réunions de la commission interministérielle seront reprises incessamment pour valider les autres schémas directeurs et tracer le tableau de bord de la mise en œuvre de la déconcentration administrative. Un intérêt particulier sera accordé au transfert des attributions et des compétences pour, entre autres, faciliter le traitement des dossiers d’investissement territorial, comme l’a prôné le souverain dans son dernier discours. Cette mission ne s’annonce pas de tout repos. «Il est temps de mettre fin aux hésitations et aux tergiversations -même de bonne foi- dans le transfert des attributions et des compétences», prévient Benabdelkader.
Postes régionaux de responsabilité
Pour relever le défi, il faut dépasser un obstacle de taille, celui des ressources humaines. Certes, 90% des fonctionnaires travaillent au niveau régional. Mais le véritable problème réside dans le redéploiement des hauts cadres et responsables capables d’accompagner le processus de la déconcentration administrative. À cet égard, le ministre de la Réforme de l’administration et de la fonction publique va présenter un projet de loi pour modifier la loi organique portant sur la nomination dans les postes de responsabilité pour «introduire la notion de postes de responsabilité régionaux». Actuellement, la notion de haute fonction n’existe que sur le plan central. Les directeurs régionaux des administrations sont en effet assimilés à des chefs de division. Le gouvernement compte changer la donne en créant des hautes fonctions régionales. L’idée est d’installer dans les régions des directeurs capables d’exercer les pouvoirs décisionnels qui seront transférés par l’administration centrale. S’agira-t-il d’un redéploiement des compétences de l’administration centrale ou va-t-on procéder à des recrutements? Tout dépend de la nature du secteur, selon le ministre de tutelle. Certains secteurs disposent de suffisamment de compétences qu’ils peuvent redéployer au niveau régional, alors que d’autres devront s’ouvrir à des ressources humaines externes.
Une mobilité compliquée
Le gouvernement est très attendu sur ce chantier dont la mise en œuvre s’annonce compliquée car il faudra secouer le schéma traditionnel. Rappelons à cet égard que l’on peine à mettre en œuvre, depuis des années, la mobilité des fonctionnaires en raison des réticences des partenaires sociaux. Le chantier est au point mort depuis 2015. Le système devra être révisé par l’actuel gouvernement, appelé à dissiper les craintes des fonctionnaires et à prendre en considération, outre l’intérêt général, celui du fonctionnaire (incitations, promotion du parcours professionnel, enrichissement de l’expérience…). Certains services administratifs au niveau central seront appelés à disparaître et leurs ressources humaines devront ainsi être affectées sur le plan régional. Le redéploiement des fonctionnaires et des agents de l’administration centrale au niveau régional ne pourra pas se faire du jour au lendemain. La mise en œuvre de la mobilité sera en effet progressive et devra permettre de résoudre la problématique des inégalités régionales dans la répartition des fonctionnaires. Le pari ne peut être gagné sans la révision du modèle de gestion des ressources humaines de l’administration publique qui est en vue. Ce projet vise à mettre fin à de multiples dysfonctionnements et à moderniser la gestion des ressources humaines de la fonction publique de sorte, entre autres, à réussir le chantier de la déconcentration administrative.
Mohamed Benabdelkder
Ministre de la Réforme de l’administration et de la fonction publique
Ce grand chantier va secouer le modèle figé de l’administration centralisée. L’équité territoriale ne porte pas uniquement sur les ressources financières mais aussi sur les ressources humaines. L’élite administrative ne doit pas être concentrée sur le littoral Rabat-Casa.
Rompre avec l’approche actuelle
La mise en œuvre de la déconcentration administrative va permettre de rompre avec l’approche actuelle. Nombre de dysfonctionnements ont été relevés par les études menées par le gouvernement. Il s’agit notamment du fait que l’administration centrale reste partie prenante dans la prise de décisions «opérationnelles» en dépit de l’existence de représentations territoriales régionales et provinciales/préfectorales. Le central communique directement avec l’échelon provincial et préfectoral. À cela s’ajoutent une tendance à la reconcentration des pouvoirs dans certains départements ainsi que l’absence d’une vision commune du développement territorial en vue d’intégrer et de faire converger les différentes politiques sectorielles (absence d’une stratégie globale et faiblesse du marketing territorial). Le budget des administrations régionales est plutôt une déclinaison des actions de l’État décidées au niveau central. On note aussi une déconcentration à rythme variable tant sur le plan du maillage territorial que des compétences et ressources humaines et financières. L’objectif est de renforcer la coordination interministérielle qui est faible aujourd’hui pour plusieurs raisons, dont l’absence d’un interlocuteur unique représentant l’État au niveau territorial, la faiblesse des outils d’animation de l’action de l’État au niveau territorial, l’absence d’enceintes d’échange, de coordination et de concertation des représentants de l’administration centrale au niveau de la région et de la province/préfecture ainsi que des limites inhérentes au fonctionnement des comités techniques provinciaux/préfectoraux. Toutes ces défaillances devront disparaître après la mise en œuvre de la charte de la déconcentration administrative.