Accès aux médicaments : attention au générique ! (VIDEOS)
Le PLF 2024 est sous le feu des critiques de l’industrie pharmaceutique, qui redoute les répercussions néfastes des mesures fiscales proposées. Les experts mettent en garde contre une détérioration de la situation économique de l’industrie.
Plus alarmant encore que la portée des mesures fiscales proposées par le PLF 2024, l’impact de ces dispositions est lourd d’enjeux car immédiat, signale Mohamed Houbachi, président de l’Association marocaine du médicament générique.
«Au sein de l’AMMG, actuellement, deux laboratoires étrangers souhaitent investir dans le biosimilaire. On parle de 250 et 300 millions de DH. A présent, ils sont en train de reconsidérer leurs projets. C’est dire que l’attractivité du Maroc est touchée, sans parler de toutes les opportunités de création d’emplois ratées», continue-t-il.
«Si cette mesure passe au Parlement, je peux vous assurer qu’il n’y aura plus de générique!», s’alarme le président de l’AMMG. La facture sera d’autant plus lourde pour le citoyen qui se trouvera contraint de payer le médicament plus cher.
Par ailleurs, les laboratoires recourent à la réalisation d’études de bioéquivalence lorsqu’il s’agit de comparer les caractéristiques d’un générique par rapport à son princeps, pour prouver qu’ils sont strictement identiques, sûrs et moins chers et de la même efficacité. «Ces études coûtent entre 500.000 et 1 million de DH par produit.
Aujourd’hui, nous les réalisons au Maroc, mais payer 20% de TVA nous poussera à les commander à l’étranger, sacrifiant par là toute la valeur ajoutée qui y était associée», illustre pour sa part Mohamed El Bouhmadi, président de la FMIIP. C’est que l’activité est budgétivore, ne pouvant subir indéfiniment de nouvelles contraintes fiscales ou réglementaires qui freineraient son élan de développement, s’accordent à défendre les trois experts invités au panel du Cercle des ECO.
Pour l’industriel, la fabrication d’un médicament générique représente une facture entre 2,5 et 3 millions de DH, et une fois que le dossier est déposé pour autorisation, il faut attendre deux années au minimum, sans compter les ressources humaines, les recherches et tout l’effort déployé en amont, explique Mohamed Houbachi. «Avec tout cela, vous n’êtes même pas certain de récupérer l’argent injecté. Il faut au moins trois à quatre ans, par la suite, pour essayer de récupérer les fonds investis», précise le président de l’AMMG.
Menaces sur l’accessibilité des médicaments
Comme indiqué plus haut, les coûts associés à la mise en place d’une infrastructure de production, tels que les financements et les exigences réglementaires, peuvent constituer un fardeau important pour les fabricants locaux. À cela, s’ajoutent les contraintes financières qui pourraient découler de ces investissements, notamment l’endettement et les paiements à effectuer pour des processus tels que la bioéquivalence.
Selon Houbachi, ces défis financiers combinés à celles du PLF 2024 pourraient entraîner une diminution de l’accessibilité des médicaments pour les citoyens marocains. Les médicaments génériques et biosimilaires, qui sont généralement proposés à des prix inférieurs, jouent un rôle crucial dans l’amélioration de l’accessibilité des traitements.
Cependant, si les obstacles à la production de ces médicaments persistent, il est probable que les prix restent élevés pour les consommateurs, ce qui pourrait affecter leur capacité à se procurer les médicaments dont ils ont besoin. Par ailleurs, le dirigeant souligne l’importance de l’innovation dans l’industrie pharmaceutique. Cependant, il a noté que la majorité des médicaments disponibles sur le marché peuvent être «généricables», ce qui signifie qu’il n’y a pas d’innovations majeures dans ce domaine. Cette réalité s’applique non seulement au Maroc, mais également à l’échelle mondiale. Par conséquent, il est essentiel pour le Maroc de se concentrer sur la promotion et la production de médicaments génériques et biosimilaires pour répondre aux besoins de sa population.
Le Maroc perd du terrain dans la région
Le dirigeant met également en évidence le retard du Maroc par rapport à ses voisins en termes de développement de médicaments génériques. Alors que le Maroc était autrefois un leader dans ce domaine, il a depuis perdu du terrain par rapport à d’autres pays de la région MENA.
Cette situation souligne la nécessité de prendre des mesures concrètes pour revitaliser l’industrie des médicaments génériques au Maroc. Le Maroc fabrique des médicaments génériques depuis 60 ans, mais des facteurs cumulatifs ont contribué à son retard par rapport à d’autres pays de la région. Houbachi met en évidence le modèle commercial basé sur les sous-licences adopté par l’industrie pharmaceutique marocaine, qui a conduit à une dépendance excessive vis-à-vis des licences étrangères et à une négligence des actifs nationaux.
Mohamed El Bouhmadi, président de la FMIIP, souligne également une différence importante entre le Maroc et certains de ses voisins. Il a mentionné que ces pays ont un ministère de l’industrie pharmaceutique, ce qui témoigne de l’importance accordée à ce secteur. Le patron de la FMIIP a cité l’exemple de l’Inde, qui était au même niveau que le Maroc il y a quelques années, mais qui a réussi à créer un environnement favorable à l’industrie pharmaceutique grâce à des incitations et des subventions substantielles pour la recherche et le développement. Des mesures similaires, telles que des subventions et des incitations à l’investissement, ont également été observées en Turquie et en Grèce.
Quid des perspectives économiques ?
Cependant, il convient de noter que l’analyse de la situation de l’industrie pharmaceutique marocaine ne peut pas se limiter à une simple comparaison avec ses voisins. Le contexte économique, politique et réglementaire spécifique à chaque pays joue un rôle crucial dans le développement de ce secteur. Il est important de reconnaître que les politiques de soutien, mises en place par certains pays, peuvent avoir des avantages évidents, mais elles doivent également être évaluées dans le cadre plus large de leurs répercussions économiques à long terme.
Dans le cas du Maroc, il est nécessaire de tenir compte de divers facteurs qui pourraient influencer la mise en place de politiques similaires à celles de ses voisins. Les considérations budgétaires, les capacités institutionnelles et les priorités nationales sont autant de facteurs qui doivent être pris en compte lors de la conception de mesures de soutien à l’industrie pharmaceutique. Une évaluation minutieuse des coûts et des avantages potentiels de telles politiques est essentielle pour garantir leur viabilité à long terme et leur alignement avec les objectifs économiques du pays.
Neutralité de la TVA pour baisser les prix aux consommateurs ?
Rappelons que dans le cadre de la loi-cadre n° 69-19 portant reforme fiscale, l’État s’engage à veiller à la réalisation, dans le domaine fiscal, des objectifs fondamentaux suivants : la consécration du principe de la neutralité fiscale en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; la consécration du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, sous réserve du maintien de l’exonération des produits de base, à travers l’élargissement de son champ d’application et la réduction du nombre de taux ; la généralisation du droit au remboursement. Des mesures qui visent à assurer une plus grande équité et efficacité au système fiscal du pays tout en favorisant la croissance économique.
Modeste Kouamé & Meriem Allam / Les Inspirations ÉCO