Les Cahiers des ÉCO

Olivier Minne : Sur les traces de Louis Jourdan

Comme une mission presque impossible, Olivier Minne se lance sur les traces d’une légende française d’Hollywood afin d’immortaliser son histoire. C’est à Los Angeles que le plus français des journalistes et animateurs belges côtoye Louis Jourdan pendant 5 ans. Récit d’une rencontre marquante avec le dernier french lover d’Hollywood.

À la fois discret sans pour autant passer inaperçu, Olivier Minne déambule ce samedi 24 juin dans le Salon des livres et des stars, tenu à Marseille, sous les regards des passants qui reconnaissent l’homme de télévision qui a fait les beaux jours de «Pyramide», «La cible» ou encore «Fort Boyard». Avec 30 ans de carrière, ce quinquagénaire qui semble avoir trouvé la fontaine de jouvence se renouvelle en sortant un livre et pas des moindres. Un roman autobiographique chez les Éditions Séguier d’un acteur emblématique qui a marqué l’âge d’or du cinéma américain : Louis Jourdan.

En terre inconnue
Dès les premières pages du roman, Olivier Minne l’explique : il ne sait pas ce qui le pousse à aller chercher cet acteur que le monde a oublié. Il ne représente pas grand chose pour lui si ce n’est une grande part de mystère et deux ou trois films qu’il a vus à la télévision enfant, mais ce dont il est sûr, c’est qu’il a besoin de rencontrer Louis Jourdan pour écrire sa biographie. Commence pour l’animateur de «Fort Boyard» une véritable chasse aux trésors minée d’obstacles. La première : être accepté dans la vie de Jourdan, acteur connu pour son caractère bien trempé qui, à 88 ans, vit reclu dans sa maison à Los Angeles. Olivier Minne, une lettre à la main expliquant son projet, frappe à la porte de la maison de la légende du cinéma qui a joué un des plus méchants contre James Bond dans «Octopussy». «Je savais peu de choses de lui. Je ne savais quasiment rien de lui. Je refusais de lire sa fiche sur Wikipédia, je ne voulais pas être pollué par des informations sur lui. Tel un archéologue, j’ai découvert qui était vraiment cet homme à travers des entretiens. J’ai découvert surtout aussi que si j’éprouvais le besoin de rencontrer cet homme et de partager des moments avec lui, même si je ne savais pas que j’allais partager des moments aussi longs et aussi intenses, je sais aujourd’hui que cette relation a changé beaucoup de choses dans ma vie», confie l’animateur journaliste qui réussit à convaincre l’épouse de Jourdan de le laisser entrer dans leur demeure pour y rester 5 ans. Cinq ans où Olivier Minne va construire une belle relation de confiance et d’amitié avec l’acteur, qui se livre à lui presque sans filtre entre 2010 et 2014, une année avant la mort de l’acteur. Le récit d’une vie témoignée. «Louis était quelqu’un de très pudique, il ne s’agissait pas pour moi d’aller gratter dans des choses trop personnelles ou qu’il gardait cachées, mais je dévoile certaines choses qui gênent, des infidélités qu’il a pu faire par exemple. Je voulais que ce livre soit un rapport de vie et une vie est contrastée. J’essayais d’être proche de l’histoire de cet homme attachant, passionnant et emmerdant comme la pluie avec un caractère épouvantable, mais aussi délicieux et charmant. Il venait vers moi souvent. Une fois, je lui ai raconté le tournage de «Fort Boyart», il m’a regardé avec des yeux écarquillés, il n’a absolument rien compris au concept ! Louis ne regardait pas la télévision. Il regardait uniquement le tennis à la télévision. Le rapport était uniquement intellectuel».

Un Marseillais à Hollywood
Entre flashbacks et moments de récits, Olivier Minne parcourt en 600 pages la vie de Louis Jourdan comme elle lui a été racontée par le dernier french lover d’Hollywood qui a vécu la fin de l’âge d’or d’Hollywood, le cinéma d’occupation, le changement de la Rivera française. Il a joué avec les plus grands acteurs, a partagé l’affiche et la vie des actrices les plus emblématiques et était considéré à Hollywood comme l’un des plus beaux acteurs au monde. Avec son étiquette de «French lover» qui lui valait des rôles d’amoureux romantique «typically french», Louis Jourdan marque les esprits avec son rôle de méchant qui s’oppose à James Bond dans «Octopussy» en 1983. «Louis était venu à Paris pour faire du cinéma, il était jeune, il avait 17 ans ! Quand il a intégré les cours de Réné Simon, ça l’ennuyait de travailler sur les textes théâtraux. C’était trop répétitif. Louis voulait que ce soit immédiat, que l’on tourne tout de suite, sans refaire, mais le théâtre l’a rattrapé par la suite puisqu’il en a fait beaucoup et a adoré ça». L’acteur qui rêvait d’Amérique n’a jamais rien fait pour se retrouver à Hollywood. C’est le fruit du destin et la force de son talent qui le mènent aux grands studios. Pendant la guerre, il continue à jouer dans plusieurs films et refuse de jouer dans des productions à propagande allemande. Repéré par David O. Selznick, producteur d’«Autant en emporte le vent», Louis Jourdan tente l’aventure du cinéma américain qui lui réussira bien. Il tournera pour Hitchcock, Ophüls, Vidor, Wilder et fait des allers-retours en France, qu’il n’a jamais oubliés pour servir la caméra de Claude Autant-Lara, Jean Delannoy ou Edouard Molinaro. Il envoûte Hollywood en 1958 avec Gigi, une comédie musicale de Vincente Minnelli, avec Leslie Caron, Maurice Chevalier et Eva Gabor. Louis Jourdan est le chouchou de Hollywood, il fait plusieurs apparitions télévisées et cotoie des acteurs comme Kirk Douglas, Gregory Peck ou Frank Sinatra. «Il n’y a pas de nostalgie du passé dans l’idée que le passé aurait été meilleur qu’aujourd’hui ou demain mais j’ai mes nostalgies, c’est certain, liées à tout ce que j’ai pu lire ou regarder, à tous ces films des années 30-40 qui passaient à la télévision. Il n’y avait pas d’autre choix que de les regarder. Louis était une des figures de mon enfance. Il incarne toute une série de personnages qui habitent mon enfance, que ce soit Elisabeth Taylor, Grace Kelly, James Dean», confie Olvier Minne qui s’embarque dans cette aventure grâce à son éditeur Jean le Gall.

Une histoire humaine
L’animateur-journaliste dont tout le monde connaît le visage s’est aventuré dans une histoire humaine avant tout. Plus qu’un livre, un roman autobiographique ou une série d’interviews, Olivier Minne a fait une rencontre qui a chamboulé sa vie. «Louis, sans s’en rendre compte, m’a mené vers l’écriture. Je ne me sentais pas capable de le faire. Sans le savoir, il m’a révélé à moi dans cette dimension là. Je me suis laissé embarqué, je reconstitue de façon romanesque des moments que Louis a partagé avec les protagonistes que sont les grands patrons des studios ou James Dean parce que je trouvais que ça pouvait donner une dimension intéressante aux lecteurs», avoue l’animateur qui ne sait toujours pas pourquoi il a choisi d’écrire ce livre, alors que le destin le rattrapait. Avant d’être un homme de télévision, Olivier Minne se prédestinait à une vie d’acteur. Après les Cours Florent et le Conservatoire de Paris, le comédien avait décidé de quitter sa Belgique natale pour Paris afin de faire du théâtre. En 1987, il s’essaye à la télévision et intègre le service administratif d’Antenne 2 (ex France 2) où il se voit proposer un CDI qu’il refuse. Pour lui, une chose est sûre, il est comédien et veut faire du théâtre, mais ce refus est un déclic pour l’équipe d’Antenne 2 qui lui propose de faire de l’antenne. Pour eux, c’est certain, la place d’Olivier Minne n’est pas derrière les bureaux mais devant une caméra. «Je ne m’imaginais pas du tout faire carrière dans la télévision. Je fais partie d’une génération où l’accès à la télévision n’était pas simple du tout. Il y avait peu d’auditions. Comment devenait-on animateur à l’époque ? Parce que par le fruit du hasard, nous rencontrions un producteur ou un responsable de chaîne que vous avez vu sur scène. On ne pouvait pas s’enregistrer de chez soi ou faire une vidéo sur YouTube. Attirer le regard était impossible». Et pourtant. Après 30 ans de carrière et des émissions divertissantes, Olivier Minne est devenue l’une des figures emblématiques de la télévision français. «  C’est toujours compliqué pour les gens de la télévision de me voir dans un autre genre que le divertissement aujourd’hui, mais cela n’empêche pas de lire». Ni de lire, ni d’écrire puisque la démarche de l’animateur n’est pas de tout repos. Il se fait violence pour écrire ce livre, un défi qu’il se lance dans un monde où l’on aime mettre des gens dans les cases. Certes dans le divertissement, Olivier est un intellectuel. «Les gens pensent que je les regarde de haut, mais c’est parce que je suis grand !  J’ai fait ce livre contre vents et marrées parce que personne ne voulait le sortir ce livre». En écrivant ce bouquin, Olivier Minne renoue avec son passé. Il se révèle être une plume percutante, touchante et prouve qu’il n’est pas assez exploité par sa profession. Un monde de la télévision qui va à plusieurs vitesses selon lui. «Les petites chaînes de la TNT recherchent des gens qui vont générer des flux, du buzz. C’est un cercle vertueux pour eux car elles permettent de capitaliser sur eux. Je n’ai pas d’opinion là-dessus, c’est tellement loin de moins. J’espère que des talents vont se révéler et on verra de jolies carrières naître, c’est tout le mal qu’on leur souhaite. Il y a plus de possibilités pour les jeunes de proposer leur talent. Et j’espère qu’il y a des yeux aguerris qui sauront reconnaître les perles rares et leur donner une chance». Une chance qu’il a su saisir il y a 30 ans et qu’il fructifie encore à 50 à peine. Avec le dernier french lover d’Hollywood, il raconte l’amour, la mort, le destin, le hasard, l’idée de la chance et de la malchance, le courage à travers un acteur qui aurait pu être son alter ego tellement la ressemblance est frappante…Un livre qui en dit long sur Jourdan mais qui en dit plus sur l’animateur lui-même. 


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