Les Cahiers des ÉCO

Maroc-OHADA : Rapprochement en cours…

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Le Maroc et l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) se rapprochent. Si une adhésion n’a pas encore été publiquement évoquée, elle ne serait pourtant que bénéfique aux investisseurs marocains sur le continent.

Le Maroc deviendra-t-il bientôt le 18e membre de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA)? La question se pose plus que jamais au vu de l’intérêt croissant manifesté par les milieux d’affaires marocains au droit OHADA. Cela, d’autant plus qu’au niveau officiel, on parle désormais d’un «rapprochement» entre le royaume et l’organisation panafricaine qui regroupe actuellement 17 pays du continent. En effet, du 11 au 16 septembre courant, le secrétaire permanent de l’OHADA, Dorothé Cossi Sossa, était en «visite de travail» au Maroc, visite au cours de laquelle il a rencontré d’importants acteurs politiques et économiques marocains. Parmi eux, le conseiller du roi Omar Azziman, le ministre de la Justice Mohamed Auajjar, ainsi que le secrétaire général du gouvernement, Mohamed Hajoud. L’objet de ce déplacement dans le royaume était de faire «la promotion du droit OHADA dans ce pays et d’un rapprochement entre l’OHADA et le Maroc», synthétise un communiqué du secrétariat permanent de l’OHADA.

Qu’en pense la CGEM?
Cette visite du patron de l’OHADA au Maroc intervient après la tenue, à Casablanca en avril 2015, d’une journée de sensibilisation sur le droit des affaires en Afrique, organisée à l’époque, en partenariat avec la Chambre de commerce et d’industrie du Maroc en Côte d’Ivoire. Depuis, les choses se sont accélérées. Le retour du Maroc à l’Union africaine, mais surtout son adhésion attendue à la CEDEAO dès décembre prochain viennent conforter l’idée d’une entrée dans l’OHADA, sans parler de l’accroissement des échanges et des investissements entre le Maroc et les pays membres de l’OHADA. «Il est très logique de voir aujourd’hui les possibilités d’un rapprochement avec l’OHADA. De nombreuses entreprises marocaines sont actives dans l’espace OHADA, nous ne sommes pas, en tant que professionnels, défavorables à ce rapprochement», commente Abdou Diop, associé gérant du cabinet Mazars Maroc et non moins président de la Commission Afrique Sud-Sud de la CGEM. Même son de cloche du côté des investisseurs marocains établis au Sud du Sahara. Pour Abdelilah El Hamdouni, président fondateur de la Chambre de commerce et d’industrie du Maroc en Côte d’Ivoire, «une adhésion du Maroc à l’OHADA serait la bienvenue».

Avantages
Quant aux retombées positives d’une telle démarche, elles pourraient être nombreuses «L’adhésion du Maroc à l’OHADA peut être très bénéfique aux investisseurs marocains. Cela va leur faciliter la vie car ils auront le même référentiel comptable, les états financiers seront établis suivant les mêmes règles que dans les pays du continent où certaines de leurs filiales sont implantées. De plus, en cas de litige, ils pourront recourir à la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA (CCJA), dont le jugement prévaut sur celui des tribunaux nationaux des pays membres», explicite Labo Noma Adamou, expert comptable à Casablanca. Plus globalement, l’OHADA apparaît comme un modèle aussi bien en Afrique que dans le monde. Fondée en 1993, dans un contexte économique difficile et à la veille de la dévaluation du franc CFA, l’organisation se félicite aujourd’hui d’avoir enrichi son arsenal normatif de 9 actes uniformes. Ceux-ci sont relatifs, par exemple, au droit commercial général, au droit des sociétés commerciales et du GIE, à l’organisation des sûretés ou encore au droit de l’arbitrage. En clair, un acte normatif adopté par l’OHADA est applicable dans l’ensemble de ses 17 pays membres. Cette harmonisation donne plus de visibilité aux investisseurs, qui n’auront affaire qu’à un cadre juridique uniformisé dans plusieurs pays d’Afrique.  


Adhésion à l’OHADA: mode d’emploi

L’OHADA est «ouverte à tout État, membre ou non de l’Union africaine (UA), qui voudrait y adhérer». Pour adhérer à l’organisation, nul besoin de faire partie d’un quelconque regroupement régional ou sous-régional. Pour le Maroc, ce dossier n’aurait rien à voir avec celui de la CEDEAO. Mais au préalable, il lui faudra ratifier le traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, signé à Port-Louis (Île Maurice) le 17 octobre 1993, tel que révisé à Québec (Canada) le 17 octobre 2008. « Nombreux sont aujourd’hui les États africains qui manifestent un intérêt croissant pour le processus d’unification juridique et d’État de droit économique», se félicite l’OHADA sur son site, bien que le nombre de ses pays adhérents stagne à 17 depuis plusieurs années. 

 

«Plusieurs similitudes entre les droits OHADA et marocain»

Bruce Ilembi, Enseignant chercheur à l’Université privée de Marrakech, président fondateur du club OHADA Marrakech. 

Les milieux d’affaires du royaume manifestent un intérêt croissant pour le droit OHADA. Le constat émane du président fondateur du club OHADA Marrakech, Bruce Ilembi, qui compare ici le droit des affaires au Maroc et dans l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires.

Les Inspirations ÉCO : L’adhésion du Maroc à la CEDEAO facilitera-t-elle la vie aux entreprises marocaines au sein de l’espace OHADA ?
Bruce Ilembi : Oui, l’adhésion est une véritable aubaine pour les entreprises marocaines qui auront ainsi accès à un marché de plus de 300 millions de consommateurs. Cela facilitera les échanges commerciaux et amplifiera le mouvement de libre circulation des personnes et des capitaux amorcé depuis par les 15 pays membres de cet espace. Nous espérons que cette dynamique sera profitable tant aux entreprises qu’aux populations.

Si le Maroc n’adhère pas à l’OHADA, est-ce qu’une harmonisation de son droit des affaires avec l’organisation est possible ?
Pour des raisons évidentes, le Maroc est un partenaire économique privilégié des pays de l’OHADA, même si le royaume n’en est pas encore membre. Au demeurant, le fait que le Maroc ne soit pas encore un pays membre n’est pas un véritable handicap car, eu égard aux rapports séculiers, aux liens historiques et géographiques, les échanges s’effectuent et sont réglés par les conventions et accords signés entre le Maroc et chaque pays ou groupe de pays (ce sera le cas lorsqu’il intégrera officiellement la CEDEAO en décembre prochain). Ces instruments juridiques favorisent la réalisation des échanges et permettent de régler les différends via des voies parfois diplomatiques, mais surtout en soumettant les différends commerciaux à l’arbitrage.

Quels sont aujourd’hui les obstacles auxquels les entreprises marocaines sont confrontées dans l’espace OHADA, en termes de droit des affaires ?
Il n’y a pas de véritable obstacle sur le plan juridique ou judiciaire, étant donné qu’à ce jour, les actes uniformes adoptés sont applicables et n’ont pas fait l’objet d’une dénonciation. Les États membres intègrent et appliquent ces actes uniformes dans leur corpus interne. Ceci est un gage de prévisibilité et de sécurité juridique profitable à tous les investisseurs. Néanmoins, en dépit de ces gages, on peut toujours craindre une application arbitraire des lois par certains magistrats, sans occulter la sempiternelle question des lourdeurs administratives qui peuvent décourager certains investisseurs.

Quelles similitudes y a-t-il entre le droit des affaires dans l’OHADA et au Maroc ?
Plusieurs points de convergence existent entre le droit OHADA et le droit marocain. Ce sont deux législations qui sont fortement influencées par le droit français et appliquent la tradition civiliste. En outre, des similitudes existent tant sur les formes sociétales consacrées en droit OHADA qu’en droit marocain (SARL, SA, SNC, GIE, etc). Le droit OHADA consacre également le statut de SARL avec associé unique, même si le législateur va plus loin en admettant la possibilité de créer une SA avec un actionnaire unique (cf. Art 385 AUGIE).

Quid des différences ?
Des différences sont notables en fonction du pan du droit des affaires concerné (droit des contrats, procédures collectives, droit du travail notamment). Au niveau du capital minimum exigé pour la constitution des sociétés commerciales par exemple, notons que l’exigence du capital minimum est assouplie pour la constitution de petites structures. On peut par exemple créer une SARL avec un capital librement fixé par les parties même si l’exigence demeure pour les grandes structures comme la SA. En droit OHADA, l’assouplissement a débuté et l’on peut dorénavant créer une société avec un capital minimum de moins d’un million de franc CFA. Nous notons qu’en droit OHADA ou en droit marocain, les statuts de la société peuvent être réalisés sous la forme d’acte sous-seing privé. En droit OHADA, seul l’acte authentique (acte notarié) était valable, mais l’exigence a été réduite pour faciliter les démarches de constitution des sociétés commerciales.

Sentez-vous un engouement au Maroc concernant le droit des affaires dans l’espace OHADA ?
Au Maroc, l’engouement pour le droit OHADA est lisible. Les milieux d’affaires (investisseurs) sont nombreux à nous solliciter pour connaître le cadre juridique et l’environnement des affaires dans l’espace OHADA, car ils veulent s’y implanter. Les cabinets d’avocats ou des cabinets de conseils juridiques intègrent de plus en plus l’offre en droit OHADA parmi leurs services, car ils conseillent et accompagnent des clients qui ont des contrats ou des entreprises dans les pays membres de l’OHADA. Les chancelleries (ambassades) organisent également des rencontres et des conférences sur le droit OHADA (cas de l’ambassade du Gabon). Les chambres de commerce ne sont pas en reste, organisant des rencontres en invitant des experts du droit OHADA. Idem dans le milieu universitaire, aussi bien auprès des chercheurs et étudiants marocains que subsahariens.


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