Banques cotées : la rentabilité redécolle, les marchés suivent

Après plusieurs années de résilience, le secteur bancaire coté franchit un cap. Portées par une dynamique de crédit soutenue, une rentabilité en nette progression et un effort constant d’optimisation, les banques abordent les prochaines échéances avec confiance.
Après une décennie marquée par des pressions multiples, ralentissements conjoncturels, pandémie, durcissement réglementaire, inflation…, le secteur bancaire semble renouer avec un cycle vertueux. C’est ce que confirme le dernier rapport d’Attijari Global Research (AGR), qui dresse un état des lieux dynamique du secteur coté. À la clé, une performance solide en 2024, une croissance des bénéfices soutenue, une rentabilité renforcée, et des perspectives boursières prometteuses.
Une performance opérationnelle solide
À l’échelle agrégée, les banques cotées ont enregistré en 2024 un produit net bancaire (PNB) de 91,6 milliards de dirhams, en hausse de 12,8% sur un an. Cette progression dépasse largement la moyenne des cinq dernières années, tirée par les trois moteurs du modèle bancaire, la marge d’intérêt, la marge sur commissions, et surtout les activités de marché, en très forte hausse (48,3 %).
Dans le détail, la marge d’intérêt progresse de 6,3%, portée par l’effet volume lié à la reprise des crédits, notamment à l’équipement. La marge sur commissions affiche une hausse de 5,6%, soutenue par la montée en puissance des services digitaux et des filiales spécialisées. Quant aux résultats des activités de marché, ils bénéficient d’un environnement de taux favorable, dans le sillage d’un cycle monétaire redevenu accommodant.
Résultat, les banques cotées réalisent un résultat net part du groupe (RNPG) en progression de 27%, atteignant 19,3 MMDH, avec un ROE moyen de 12,7%, un niveau inédit depuis une décennie. Selon AGR, la trajectoire reste bien orientée, avec une croissance annuelle moyenne attendue du produit net bancaire de +7,4% sur la période 2024-2027.
Une rentabilité restaurée et mieux répartie
Ce rebond de la rentabilité ne tient pas uniquement à la croissance des revenus. Il s’explique aussi par une maîtrise continue des charges. Le coefficient d’exploitation du secteur s’est établi à 42,8% en 2024, soit son plus bas niveau depuis plus de dix ans. Cela traduit les effets tangibles de la transformation digitale, des optimisations de réseaux et de la modernisation des outils de gestion. Le ROE moyen, qui était tombé à 8% en 2020, a retrouvé un niveau supérieur à la moyenne pré-Covid. Il atteint 15,8% pour Attijariwafa bank, 12,3% pour BOA, et 10,4% pour BCP.
CFG Bank, bien que plus petite, se distingue avec un ROE de 15,1%, grâce à une croissance rapide et un positionnement sur des segments maîtrisés.
Ce mouvement n’est pas conjoncturel. AGR anticipe une croissance annuelle moyenne des bénéfices de 11,6% sur la période 2024-2027, ce qui consolide la trajectoire haussière de la rentabilité. À ce rythme, le RNPG des banques cotées pourrait atteindre 47,7 MMDH en 2027, contre 34,8 milliards en 2024, selon les projections d’AGR.
Une dynamique de crédit tirée par l’investissement
Le regain de performance du secteur bancaire s’inscrit aussi dans un contexte macroéconomique plus porteur. À fin mai 2025, les crédits bancaires progressent de 4,4%, avec une hausse importante des crédits à l’équipement (19,5%), qui atteignent 253,6 MMDH, soit leur plus haut historique.
Cette dynamique est alimentée par le super-cycle d’investissement que connaît le Royaume, marqué par la relance de grands chantiers industriels, énergétiques et d’infrastructure. Les crédits promoteurs (+6,9%) et crédits à l’habitat (+2,5%) bénéficient également du programme d’aide directe au logement, qui a stimulé la demande, notamment parmi les Marocains résidant à l’étranger.
En parallèle, les dépôts clientèle ont enregistré leur plus forte croissance depuis 2009, à 9,6% en 2024, pour atteindre 1.279 milliards. Le poids des ressources à vue (RAV) a franchi pour la première fois la barre symbolique des 70,6%, signe d’une confiance renouvelée dans le système bancaire et d’une liquidité abondante.
Une valorisation boursière à réévaluer
Malgré cette solide dynamique opérationnelle, la valorisation boursière du secteur bancaire reste attractive. Attijari Global Research estime la capitalisation cible des banques cotées à 379 MMDH, contre 320 milliards actuellement, soit un potentiel de hausse de 18%. Les multiples de valorisation (P/E) témoignent de cette décote, 9,9x en 2024E, et 9,2x en 2025E, bien en deçà de la moyenne historique de 13,0x.
Dans un contexte de baisse des taux obligataires et de rendements peu attractifs sur les actifs monétaires, les dividendes bancaires redeviennent compétitifs à 17,1% de hausse en 2024, pour un total de 9,6 MMDH distribués. Le D/Y moyen du secteur ressort à 3,7%, supérieur au rendement des BDT 5 ans.
AGR prévoit par ailleurs une croissance annuelle moyenne des dividendes de +12,1% jusqu’en 2027, traduisant une volonté des banques de maintenir un rythme soutenu de distribution. Ces éléments devraient soutenir une revalorisation progressive du secteur en bourse, d’autant que les performances sont désormais plus lisibles, mieux réparties et adossées à une trajectoire de croissance crédible.
Une confiance à reconquérir, mais des signaux au vert
La prudence reste de mise, notamment sur le front du coût du risque, qui continue de progresser à 126 points de base en 2024, contre 120 en 2023. Ce niveau s’explique en partie par une politique de provisionnement renforcée face à des risques souverains persistants en Afrique (Égypte, Gabon et Cameroun).
Le taux de contentieux du secteur est néanmoins en légère amélioration, à 8,45%, marquant une inflexion après quatre années de dégradation. En somme, le secteur bancaire coté apparaît comme un acteur stabilisateur et moteur de l’économie. Il entre dans une phase de croissance maîtrisée, marquée par une rentabilité restaurée, un levier d’investissement réactivé et une meilleure valorisation des actifs.
À mesure que la confiance des investisseurs se renforce, les banques redeviennent des piliers attractifs de la cote casablancaise.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO