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Agriculture : la filière espagnole craint sa rivale marocaine

Les producteurs espagnols accusent le nouveau projet de protection de la chaîne alimentaire de bénéficier à la filière agricole marocaine exportatrice. Ce lobby multiplie les attaques pour contrecarrer la concurrence nationale.

La filière espagnole de fruits et légumes s’en prend à sa concurrence marocaine, par le biais du projet de loi sur la modification de la loi sur la chaîne alimentaire. Ce projet, qui sera discuté au cours de cette semaine par la Commission de l’agriculture auprès de la Chambre basse espagnole, mobilise fortement le secteur agricole du pays voisin. À priori, il s’agit d’une législation réclamée depuis des lustres par le secteur, à savoir que les prix de vente couvrent les frais de production. Une fois la legislation adoptée, les producteurs seront mieux lotis : leurs produits ne peuvent plus être commercialisés en deçà du coût de revient. Cette nouvelle législation devrait protéger les producteurs espagnols contre les abus des grands distributeurs. Cependant, elle ne fait pas l’unanimité. Pire encore ! Le lobby des producteurs et exportateurs estime que cette nouvelle mesure devrait servir les intérêts de la filière exportatrice marocaine et lui permettre d’asseoir davantage sa place sur les étals communautaires. De fait, pour ce groupement, la filière exportatrice agricole marocaine est devenue l’argument passe-partout pour blinder sa position et évincer toute concurrence.

Pour les producteurs agricoles espagnols, cette nouvelle norme législative contribuera à doper davantage la demande sur les expéditions marocaines, au vu de leur prix très compétitifs. Car, selon l’argumentaire du secteur agricole espagnol, l’établissement d’un prix de référence est, certes, une mesure louable, mais elle devrait s’appliquer aussi sur les envois agricoles en provenance de pays tiers.

Dans le cas contraire, les agriculteurs ibériques estiment que cette mesure profitera largement aux exportations agricoles marocaines. Selon les pronostics de ces professionnels, les exportateurs marocains auront plus de marge de manœuvre pour écouler leurs marchandises à des prix plus compétitifs, vu que leurs concurrents espagnols auront les mains liées et ne peuvent baisser les prix. Ceux-ci ne peuvent, en aucun cas, être inférieurs au prix naturel. Par contre, déplorent-ils, les exportateurs ne peuvent commercialiser leurs marchandises tant que les tarifs sont inférieurs au prix de revient. “Ainsi, la production marocaine en profitera pour liquider tout ce que le secteur horticole espagnol ne peut placer en-dessous du prix de revient”, se lamente l’association des organisations des producteurs de fruits et l’horticulture (COEXPHAL). Ce qui entraînera, ajoute l’organisation, une domination marocaine et hollandaise sur ce marché, craint-elle. La filière ne sait plus «sur quel pied danser». D’une part, elle réclame une meilleure protection face aux grands distributeurs, accusés de dicter leur loi et tirer les prix vers le bas, au détriment des producteurs. D’une autre part, elle espère éliminer la concurrence marocaine, en lui imposant une législation purement espagnole. Car pour ce lobby, les conditions de production ne sont pas les mêmes, comme la main-d’œuvre jugée plus abordable au royaume. Cependant, ce qu’elle cherche la filière, c’est un protectionnisme sévère, qui élimine toute velléité de concurrence. Pour le moment, le gouvernement espagnol refuse d’apporter tout amendement à ce projet. 

Amal Baba Ali, DNC à Séville / Les Inspirations Éco



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