Nador : le beau-livre d’un Maroc gagnant
L’Agence de l’Oriental vient de publier, chez les éditions de La Croisée des chemins, un beau-livre intitulé «Nador, un Maroc gagnant». Il est riche d’une iconographie remarquable et les photos de Cécile Tréal rendent un hommage mérité à la variété des paysages, faune et flore, ainsi qu’aux habitants de la région. Les éditeurs ont de plus réussi la prouesse de sortir, quasiment simultanément, un ouvrage de cette taille en quatre langues : il est ainsi disponible en arabe, en espagnol et en français, avec une adaptation en tifinaghe.
L’état des lieux de la recherche archéologique ne concerne pas que la seule région. Le site de fouilles d’Ifri n’Ammar, sur les contreforts du Rif, à 50 km de Nador, a ainsi permis de mettre au jour des vestiges qui montrent des préoccupations symboliques et esthétiques des groupes humains qui l’occupaient il y a environ 85.000 ans. Or, l’apparition de l’art était auparavant fixée autour de -40.000 ans, en Europe. L’histoire de l’art se voit ainsi vieillir, pour prendre naissance aux alentours de -80.000 ans. Mais passons l’Antiquité, les Phéniciens… L’arrivée de l’islam, les dynasties mérinide, saadienne et alaouite sont évidemment longuement analysées dans un texte dense et rigoureux. Tandis que de la Reconquista aux Turcs d’Alger, les côtes rifaines furent le lieu de quelques siècles agités sur une mer souvent houleuse. Le moment de la colonisation espagnole est principalement présenté dans son volet économique. Le lecteur y trouvera des éléments dont les effets se font encore sentir.
Ainsi, l’Espagne disposait de capitaux beaucoup plus limités que ceux de l’entreprise française, regrettaient les administrateurs de l’époque, qui se voyaient en concurrence avec leur voisin d’outre-Pyrénées. La bataille d’Anoual et les luttes anticoloniales réjouiront bien sûr tous les lecteurs contemporains. Un important chapitre, comme nous le confirme ci-contre Mohamed Mbarki, directeur de l’Agence de l’Oriental, revient sur la longue et parfois douloureuse histoire de la lutte pour la reconnaissance de l’amazghité, après l’indépendance. Une contestation issue de la société civile, souligne-t-il. Il convient enfin de signaler un chapitre très fourni sur la bijouterie rifaine, et ses artisans issus de la communauté juive du Maroc.
Aux éditions de la Croisée des chemins, la fabrication de ce beau-livre avait commencé sous la direction du regretté Abdelkader Retnani. Après sa disparition, c’est son fils, Yacine Retnani, qui veille à la mise en place d’un ouvrage de fond qui ne cède rien à la nécessaire beauté que réclament à la fois ce genre d’objet-livre et un si fort sujet.
« C’est un livre qui rentre dans l’ADN de la maison, nous a-t-il confié, et dans la continuité de l’activité d’Abelkader Retnani : la valorisation du patrimoine marocain. La continuité est assurée et nous sommes très fiers de ce partenariat et d’avoir été présents à ce salon». Un héritage lui aussi entre de bonnes mains.
Murtada Calamy / Les Inspirations ÉCO