Culture

«Les artistes arabes doivent se mettre en réseau»

David Ruffel, fondateur du Festival Masnaâ

 

Le Festival Masnaâ investit les rues de Casablanca et de Rabat du 8 au 14 mai. Festival pluridisciplinaire, il fait la part belle à la création et à l’inventivité, tout en créant un pont entre l’Orient et l’Occident. D’ailleurs, l’invité de cette cinquième édition n’est autre que Beyrouth, ville de l’art alternatif et indépendant. Rencontre avec le fondateur de l’événement, David Ruffel.

Les Inspirations ÉCO : Comment est né Masnaâ ?
David Ruffel  : Quand je suis arrivé au Maroc en 2010, j’avais déjà noué des amitiés avec des artistes et des écrivains marocains autour d’un projet liant création et formation, sous le nom «L’École de littérature». La première année, j’ai observé ce qui se passait à Casablanca. J’ai surtout lié des liens d’amitié forts avec des artistes de la ville, en particulier ceux fédérés autour de La Source du lion et de l’espace Darja. Ces amitiés, l’effervescence de la scène artistique de Casablanca, mais aussi l’absence à l’époque d’une manifestation consacrée à cette scène et portée par elle m’ont convaincu de donner à ce projet la forme d’un festival. Le but était donc de donner plus de visibilité à cette scène. Il s’agissait aussi d’inviter des artistes d’autres pays afin de développer une manifestation d’envergure internationale, avec une résonance régionale. En quatre éditions, le festival a invité et produit près de 100 artistes marocains, français -plus généralement arabes et européens- mais aussi américains, et est devenu une manifestation qui compte désormais au Maroc..

Quelle est sa particularité, par rapport aux autres manifestations culturelles au Maroc ?
Masnaâ est un festival entièrement indépendant, porté par deux structures associatives, l’une marocaine, l’autre française. Il est avant tout animé par un projet artistique, un peu comme on conçoit une revue ou une collection chez un éditeur, deux choses que j’ai pu faire auparavant. En cela, il se rapproche par exemple du festival de danse de Marrakech «On danse» ou de «L’Boulevard» à Casablanca, c’est-à-dire de manifestations portées par des artistes et non des institutions. À la différence toutefois que Masnaâ est un festival pluridisciplinaire, qui s’intéresse à la création et non à un art en particulier. Chaque édition met ainsi l’accent sur une ou plusieurs disciplines, mais en privilégiant, chaque fois, des créations hors format qui mixent ou déplacent les médiums et cherchent à surprendre le public. Plusieurs artistes marocains participant d’édition en édition au festival y trouvent un lieu pour montrer pour la première fois des projets qui n’ont pas forcément d’autres lieux d’accueil. Ce qui définit aussi ce festival, c’est qu’il est conçu comme une expérience. La réussite d’une édition tient pour moitié à la qualité de la programmation, pour moitié à l’expérience humaine vécue et partagée par le public et les artistes. Le public se retrouve de jour en jour, discute du spectacle ou de l’exposition de la veille. Pas de hiérarchie, pas d’espace VIP, public et artistes mélangés, et 95% des événements sont gratuits. Sans cette expérience humaine, partagée autour de l’art, un festival n’a, pour moi, pas de sens.

Comment s’opère la sélection des artistes ?
En fonction des projets et des artistes qui travaillent avec moi sur telle ou telle édition. Depuis 2015, j’invite à chaque édition un artiste associé qui, au-delà de son propre travail, a su créer autour de lui une scène et/ou créer un espace d’autonomie dans lequel d’autres artistes ont pu se développer. Ensemble, nous concevons une programmation et choisissons des artistes en fonction d’un projet précis: en 2015, avec les Marocains Hassan Darsi et Meryem Jazouli, en 2016 avec le cinéaste tunisien Ismaël, cette année avec l’artiste et musicien libanais Mazen Kerbaj. L’objectif est d’activer et de fédérer un réseau d’artistes et de structures au sein du monde arabe, en relation avec d’autres artistes ou structures venant d’Europe ou d’ailleurs.

Pourquoi Beyrouth cette année ?
C’est moins Beyrouth que nous invitons cette année qu’un artiste, autour d’un projet lié à la bande dessinée arabe contemporaine et à ses liens avec les arts visuels, le graphisme, la performance et la musique. Mazen Kerbaj est aussi bien un des pionniers de la bande dessinée arabe actuelle, une bande dessinée affranchie de tout classicisme, qu’un des fondateurs d’une scène musicale expérimentale unique à Beyrouth. Ensemble, nous concevons une programmation qui propose plusieurs expositions passionnantes, un projet d’édition, des concerts et des performances, qui réunit des artistes libanais, égyptiens, marocains, français, allemands, américains ou suisses..

Comment le festival a-t-il évolué ?
L’important pour nous est d’évoluer d’année en année avec différentes structures et d’expérimenter différents formats. Depuis l’année dernière, nous proposons beaucoup d’expositions. Nous avons la chance de travailler à chaque fois avec des structures réceptives et désireuses de nous accompagner dans nos projets, de vraies associées. Je pense cette année à la Fondation du Musée Abderrahman Slaoui, aux galeries CulturesInterface, au Cube, à Kulte, à Thinkart, au Lycée Lyautey et bien évidemment à l’Institut français de Casablanca. L’objectif à court et moyen termes est d’installer solidement le festival de manière dans le réseau des festivals indépendants qui comptent au Maghreb, au Moyen-Orient et dans le pourtour méditerranéen, et d’attirer à lui un public venant aussi de l’étranger. Nous y travaillons.



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