FIFM. Le casting costaud de Marrakech
Pour sa 18e édition, le Festival international du film de Marrakech revient en grande pompe du 29 novembre au 7 décembre. Une compétition officielle départagée par un jury international présidé par Tilda Swinton, mais aussi un panorama marocain haut en couleurs et un hommage australien riche en films qui ont marqué les esprits. Zoom sur la fête du cinéma marocain, maghrébin, africain et mondial.
Le Festival international du film de Marrakech revient en force, avec entre autres l’annonce de la présidente du Jury, Tilda Swinton. Un message fort de la part du rendez-vous qui célèbre le cinéma mondial en faisant la part belle aux premiers et deuxièmes films en compétition et en confiant le jury à une actrice de renom, dont le style et les choix cinématographiques sont aussi authentiques qu’audacieux. «C’est pour moi un honneur et un plaisir de participer cette année à ce festival exceptionnel qu’est le Festival international du film de Marrakech en tant que présidente du jury. Le Cinéma est un État qui ne connaît aucune frontière, et la perspective de rejoindre mes camarades du monde entier, pour découvrir et célébrer ensemble ce travail en provenance de tous les continents de notre planète, est un privilège et une joie pour lesquels je suis sincèrement reconnaissante et que j’attends avec une grande impatience», précise l’actrice écossaise de renommée internationale dans une déclaration officielle.
Un jury, 8 pays, 5 continents…
Neuf membres d’un jury international composé d’acteurs, réalisateurs, écrivains de talent originaires de huit pays différents représentant les cinq continents… voilà ce qui caractérisera cette compétition qui promet d’être riche en découvertes. La lourde tâche de départager les films et de décerner l’Étoile d’or incombera à la réalisatrice française Rebecca Zlotowski, dont les quatre films sont abonnés aux grandes compétitions des festivals de catégorie A, à l’instar de «Belle épine» ou de son dernier opus, «Une fille facile». On retrouvera la réalisatrice anglaise Andrea Arnold, qui a réadapté «Les Hauts de Hurlevent», et dont Red Road (2006), Fish Tank (2009) et American Honey (2016) sont tous lauréats du Prix du Jury au Festival de Cannes, ou encore l’actrice franco-italienne Chiara Mastroianni, qui vient de rafler le prix d’interprétation Un Certain regard pour «Chambre 212» de Christophe Honoré. Un casting féminin rejoint par le réalisateur et journaliste brésilien Kleber Mendonça Filho, père du dernier Prix du Jury à Cannes «Bacurau», l’acteur suédois Mikael Persbrandt, magnifique médecin dans un camp de réfugiés en Afrique dans «Revenge» de Susanne Bier ou encore Beorn le changeur de peau, dans la trilogie «Le Hobbit» de Peter Jackson, le réalisateur et auteur de «Syngué Sabour», Atiq Rahimi, le réalisateur australien David Michôd, qui fait l’actualité avec «The King» incarné par Timothée Chalamet, sans oublier le Marocain Ali Essafi, le plus philosophe des réalisateurs, artiste visuel et auteur, entre autres, du documentaire impactant «Le Blues des Chikhats». «Les 14 films en lice pour décrocher l’Étoile d’or de Marrakech témoignent tous d’un sens étonnant du style et de la profondeur de la pensée. Certains osent même explorer de nouveaux territoires et établir des approches personnelles et très originales de la création cinématographique», précise le communiqué de presse qui annonce la sélection éclectique de cette 18e édition provenant du Royaume-Uni, d’Italie, de Serbie, du Brésil, de Colombie, d’Australie, des États-Unis, de Chine, d’Inde, de Corée du Sud, du Maroc, de Tunisie, d’Arabie saoudite et du Sénégal. Sur les 14 films en compétition, cinq sont réalisés par des femmes.
Le monde s’invite….
L’ouverture du festival, vendredi 29 novembre, sera l’occasion d’ouvrir les festivités comme il se doit avec un grand thriller américain, «À couteaux tirés», de Rian Johnson! Le réalisateur du dernier Star Wars et d’«Une arnaque presque parfaite» renoue avec le suspense et le mystère avec un opus digne d’un Agatha Christie. Une ouverture qui donnera la ton à une semaine riche en hommages, à l’instar de celui rendu au grand Robert Redford, temps fort de cette 18e édition. L’acteur et réalisateur, légende du cinéma, se verra récompensé pour sa carrière hors du commun. En parallèle, un hommage particulier sera rendu à un cinéma tout aussi authentique: le cinéma australien. Une importante délégation est déjà annoncée, et des noms seront dévoilés durant les prochains jours. Quant aux séances Gala, elles ne manqueront pas de marquer les esprits. Des films d’ores et déjà favoris aux Oscars feront leur avant-première marocaine à Marrakech à l’image de «Marriage Story» de Noah Baumbach, magnifique fresque sur la fin de l’amour porté par deux acteurs brillants, Adam Driver et Scarlett Johansson, avant de dévoiler le film le plus attendu de l’année, «The Irishman», de Martin Scorsese, qui rassemble le trio incroyable Robert de Niro-Al Pacino-Joe Pesci. «Le Monde selon Elia Suleiman» rythmera une des soirées Gala avec le film palestinien «It Must be Heaven». Idem pour «Noura rêve» de la Tunisienne Hinde Boujemaa. Hend Sabri, qui y occupe le rôle principal, rafle de nombreux prix d’interprétation dans le monde. La clôture du festival sera marquée par la projection de «Ras El Sana» de Sakr (Égypte), avec un casting impressionnant de stars égyptiennes de la jeune génération. Fidèle à sa tradition d’ouverture sur le monde, la section «Séances spéciales» présentera un large éventail de films issus de différents horizons. En tout, 10 films en provenance des Pays-Bas, d’Hong-Kong, d’Italie, du Mexique, de Tunisie, d’Afrique du Sud, de France et du Soudan seront proposés aux festivaliers. Créée en 2018, la section «Le 11e Continent» continue d’explorer de nouveaux territoires de la création cinématographique. Onze films, parmi lesquels des fictions et des documentaires, qui proposeront au public des écritures singulières et innovantes de cinéastes audacieux en provenance de Belgique, du Canada, d’Algérie et du Portugal, entre autres. La place Jamaâ El Fna verra, comme à l’accoutumée, défiler les plus grandes stars pour des hommages avant projections en plein air.
… le Maroc sait recevoir !
Le Maroc a une belle présence cette année avec un film en compétition, non des moindres. Il s’agit du «Miracle du saint inconnu», de Alaa Eddine Aljem, qui avait séduit la Semaine de la Critique lors de la dernière édition du Festival de Cannes. Un premier film espiègle, comparé déjà au travail des Frères Coen par les critiques internationaux, ancré dans une réalité purement marocaine tout en étant connecté à une réalité universelle: le poids des croyances. Younes Bouab et Salah Bensalah en bandits perdus, aux faux airs de Dalton, à la recherche d’un butin perdu, sont convaincants et touchants en fidèles du Saint de l’argent. Autre duo aussi drôle qu’improbable, le couple de saints guérisseurs formé par Anas El Baz, nouveau médecin du village à l’affût de «vrais» patients, et Hassan Badida, infirmier de ce dispensaire «depuis trop longtemps», qui se saoule aux antiseptiques. Un film à la fois absurde et poétique, drôle et ironique qui saura séduire le jury de Tilda Swinton. La semaine sera rythmée par les projections du Panorama marocain qui mettra en avant quatre films au regard percutant. «De Quelques événements sans signification», film restauré de Mostafa Derkaoui qui a fait sensation à la Berlinale, sera projeté à Marrakech alors qu’il a été censuré à sa sortie. «Les Femmes du Pavillon J», de Mohamed Nadif, propose une vision de la fiction de cette nouvelle vague de réalisateurs marocains. Face à ces deux fictions, deux documentaires touchants: «Une Place au soleil» de Karim Aïtouna et «Dans tes yeux je vois mon pays» de Kamal Hachkar. Après le succès de «Tinghir Jérusalem», ce dernier revient avec un documentaire à la fois touchant et nécessaire sur l’héritage musical judéo-marocain. «J’avais compris, en faisant mon premier film «Tinghir Jérusalem» que je n’en avais pas fini avec cette thématique judéo-marocaine. Mon deuxième film continue d’explorer cette part juive de l’identité marocaine à travers les figures de la troisième génération», précise le réalisateur franco-marocain. «Mon projet s’articule autour de cette idée de nos mémoires retrouvées et de cette nécessité de recréer des liens par la culture entre nos jeunes générations. C’est une manière aussi de défier la fatalité de la grande Histoire qui a séparé nos parents», ajoute-t-il. Et pour donner du rythme et de l’émotion aux soirées de Marrakech, le film de Maryam Touzani, qui sillonne les continents depuis sa sélection dans «Un Certain regard» du Festival de Cannes, aura droit à sa soirée Gala. L’occasion de revenir sur une ode à la maternité qui a touché les cœurs des festivaliers partout dans le monde, sublimement porté par deux grandes actrices, Lubna Azebal et Nisrin Erradi. Le tapis rouge est déroulé devant le meilleur du cinéma national et international, du 29 novembre au 7 décembre !