Festival : les “Renaissances” des musiques sacrées

Le 28e festival des Musiques sacrées du monde se tiendra du 16 au 24 mai, à Fès. L’Afrique et l’Italie seront à l’honneur, sous le thème des «Renaissances». Tout un programme !
Chaque année, la ville de Fès réitère cet événement singulier qu’est le festival des Musiques sacrées du monde, créé en 1994. Sa 28e édition se tiendra du 16 au 24 mai et correspondra à la célébration des 44 ans de l’inscription de la médina de Fès au patrimoine mondial de l’UNESCO.
La ville d’Idriss 1er entend être plus que jamais un phare d’espoir. Après avoir rendu hommage en 2024 à «La quête de l’esprit d’Al-Andalous», le festival a choisi cette année de célébrer les «Renaissances», comprises comme une impulsion de vie toujours renouvelée, venue de l’antique cité fondée au VIIIe siècle.
Dans cet exercice d’ouverture culturelle et spirituelle, les équipes de la Fondation Esprit de Fès ont conçu une programmation qui se veut, une fois encore, un manifeste au service du «vivre-ensemble» auquel le Royaume est tant attaché. Année après année, il se positionne comme un espace de renouveau culturel, spirituel et artistique.
La ville africaine jumelée avec Florence
«Cette ambition se déploie en étroite collaboration avec les partenaires internationaux du Royaume, et notamment dans le cadre d’une coopération Sud-Sud conforme à la vision royale», précise Abderrafia Zouitene, président de la Fondation Esprit de Fès.
Ainsi, pour cette prochaine édition, l’Italie sera mise à l’honneur. Le pays de Dante et de Michel-Ange est bien sûr associé au mouvement de la Renaissance qui, dès la fin du XVIe siècle, fut une période de grands changements philosophiques, culturels et artistiques, marquant la transition du monde médiéval vers la modernité.
Ce sera aussi l’occasion de se souvenir de la convention de jumelage entre Fès et Florence, immortelle capitale de l’art italien, signée en 1961. Un hommage sera également rendu à l’Afrique, le continent de la ville idrisside, ancré dans ses cultures millénaires tout autant qu’orienté vers la jeunesse et l’avenir. Ses artistes sont les vecteurs de transmission d’un héritage immense et les acteurs d’une volonté forte de renouveau.
«Renaissances, de la nature au sacré»
Alors que le festival se tiendra sur neuf jours, incluant deux week-ends, la thématique annoncée s’exprimera pleinement dès la traditionnelle soirée d’ouverture du vendredi 16 mai. Celle-ci réunira une incroyable diversité d’artistes pour un show de sons, de danses, de lumières et de projections en mapping sur la scène de Bab Makina, intitulé «Renaissances, de la nature au sacré».
En une succession de fragments, associant les rituels soufis d’Afrique, d’Arabie et de l’Océan indien au rayonnement de la Qaraouiyine puis au réveil européen dont le Rinascimento italien fut le déclencheur, cette création originale célèbrera l’homme dans ses multiples renaissances.
Le déroulement des week-ends illustre à merveille l’esprit de la programmation, autour de trois temps : d’abord une mise en ambiance dans les beaux jardins de Jnan Jbil dès 17 heures, puis un grand spectacle de tête d’affiche à Bab Makina et, enfin, un retour à Jnan Jbil (à seulement quelques pas) pour une fin de soirée festive et spirituelle à partir de 23 heures.
Samedi 17 mai, les rituels soufis de l’océan Indien, le Deba de Mayotte et l’Ensemble soufi Al Areej du Sultanat d’Oman, ainsi que les Maîtres tambours du Burundi animeront les jardins. Quand à la scène principale, elle verra la création d’une œuvre du compositeur baroque Monteverdi, un concert organisé avec le soutien de l’ambassade d’Italie et de l’Institut culturel italien de Rabat.
Ces «Vêpres de la Sainte Vierge» offriront un grand moment aux mélomanes, avec la rencontre des maîtres Antonio Greco, de Florence, et Mohammed Briouel, de Fès. Dimanche 18, alors que les derviches de l’Ensemble des cérémonies soufies d’Istanbul se produiront à Bab Makina, ce seront Adama Sidibe et Clément Janinet, avec leur «Concerto pour Sokou» (une vièle monocorde d’Afrique de l’Ouest), puis les Master Musicians of Jajouka (et leurs fameuses flutes envoûtantes) qui ouvriront et clôtureront la journée à Jnan Jbil.
Des célébrations aux transes…
Au cours de la semaine, c’est un programme éclectique qui transportera les festivaliers d’extases en méditations, de célébrations en transes, avec des artistes venus de quatre continents, et trois rendez-vous quotidiens dans le théâtre de verdure de Jnan Jbil à 17, 21 et 23 heures.
À partir du jeudi suivant, 22 mai, la scène de Bab Makina accueillera de nouveau le grand public avec une autre création exceptionnelle dédiée à la musique andalouse et célébrant les 44 ans de l’inscription de Fès au patrimoine immatériel universel de l’Unesco. Quarante-quatre musiciens virtuoses seront réunis autour du maître Mohammed Briouel et du sheikh Ali Rebbahi.
Un spectacle introduit par «L’Art de la harpe seperawa», l’après-midi, et suivi par une «Nuit soufie» dédiée au Malhoun, à Jnan Jbil. Parmi les temps forts du second week-end, on notera à Bab Makina le «Poema des Cante Jondo» de Miguel Poveda (vendredi 23), la «Grande Nuit des Griots de l’ancien Royaume Ashanti à l’Empire mandingue» (samedi 24) et, dans les jardins de Jnan Jbil, notamment L’Ensemble Hagash d’Arménie, ainsi que les «Chants et poésie de Perse»…
Pour que la fête soit encore plus belle, des animations gratuites seront offertes à Bab Boujloud par la troupe Africa Spirit avec le «Zaouli de Manafla», danse de masques traditionnels de Côte d’Ivoire, et le spectacle de rue «Les Échassiers».
Forum Esprit de Fès
Enfin, le Festival renouvelle ses engagements d’ouverture avec son incontournable Forum Esprit de Fès, créé en 2001. Comme chaque année, des penseurs de divers horizons seront invités à aborder sa thématique sous l’angle des savoirs et des dynamiques sociales, culturelles et politiques.
À l’ordre du jour de cette édition : «Cultures et Patrimoines, quelles expressions des renaissances ?», «Intelligence collective, intelligences artificielles, quelles promesses, quels risques ?», «Questionnements stratégiques, expressions de renaissances annoncées ?» La ville de Fès est un pont unique entre les cultures et les religions du monde.
Elle est aussi une passerelle sûre entre le passé, le temps présent et l’avenir. Et l’esprit de Renaissance y est une façon d’être, renaissant chaque année au mois de mai.
Murtada Calamy / Les Inspirations ÉCO