Festival : Jazzablanca fait peau neuve
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La 18e édition du festival casablancais s’étendra sur 10 jours, du 3 au 12 juillet 2025 avec un line-up et des têtes d’affiche exceptionnelles.
Cette année, deux week-ends spectaculaires attendent les festivaliers :
du 3 au 5 juillet et du 10 au 12 du même mois. Jazzablanca fera vibrer Anfa Park sur ses deux scènes historiques, la scène Casa Anfa et la scène 21, ainsi que sur son village central (avec food court, chill zones et animations). Pendant la semaine, les 6, 7, 8 et 9 juillet, le festival proposera, au cœur du village,
quatre soirées exclusives, avec deux concerts par soir.
Jazz au sens large
La programmation, bien que dans le même esprit que l’an dernier, pourra dérouter les habitués de longue date. Mais le jazz peut et doit s’entendre au sens large. Après tout, le seul chanteur de soul dont les disques étaient classés au rayon jazz, Gil Scott-Heron, n’avait-il pas déclaré que «Prince est peut-être le plus grand joueur de jazz de sa génération» ? Surtout, n’oublions pas qu’une critique trop puriste avait accusé Miles Davis de «trahison» pour avoir enregistré sa magistrale version de «Time after time» (1985), tube éminemment pop de Cindy Lauper. C’était oublier trop facilement les géniales reprises d’«Au clair de la lune» par Sidney Bechet ou de «La vie en rose» par Louis Armstrong. Rien de plus jazz que de s’approprier les tubes populaires, pour en faire des standards.
D’ailleurs, la musique classique, elle-même, ne rechignait pas à recycler danses et chants que nous dirions folkloriques, mais c’est un autre sujet.
Cette édition 2025 de Jazzablanca se revendique donc fièrement éclectique et plus ambitieuse que jamais. S’y côtoient des têtes d’affiche internationales, des icônes du jazz, des talents marocains et africains, ainsi que des découvertes inédites, tout en conservant cette ambiance si particulière, «qui reflète l’énergie vibrante et cosmopolite de Casablanca», annoncent les organisateurs SevenPM et l’association Jazz au Maroc (JAM).
Jazz à tous les étages
Impossible de lister tous les artistes annoncés. Parmi eux, citons de manière très subjective, le Brésilien Seu Jorge, icône de la samba moderne. Fort de millions d’albums vendus et de prix prestigieux, ses tubes «Carolina», «O Mundo é um Moinho» et «Burguesinha», il chante aussi ses célèbres reprises de David Bowie en portugais, de renommée mondiale depuis que le cinéaste Wes Anderson en a intégré plusieurs dans la bande originale de son film «Asteroid city» (2023). Hindi Zahra reviendra à Jazzablanca pour une performance exclusive, où elle présentera son troisième et nouvel album.
Chanteuse, peintre, auteure, actrice et compositrice, elle puise dans le blues, le folk, les influences berbères et andalouses pour façonner son univers singulier. Aïta mon amour célèbrera le chant de l’aïta avec un dialogue entre tradition marocaine et influences électroniques contemporaines.
Le groove londonien du groupe Waaju rencontrera l’univers gnaoua du maâlem Majid Bekkas pour une fusion vibrante et colorée. Leur collaboration a donné naissance à l’album «Alouane». Faraj Suleiman et son Jazz Quintet transporteront le public avec un jazz audacieux, qui fusionne les mélodies du Levant et des harmonies sophistiquées. Le maître trompettiste Ibrahim Maalouf, artiste fidèle de Jazzablanca, sera de retour avec son projet «The trumpets of Michel-Ange».
La chanteuse, autrice-compositrice et productrice tunisienne Emel, porte-voix de la nouvelle scène alternative maghrébine, présentera sa fusion entre sonorités folk, électroniques et influences nord-africaines. Salif Keïta, icône de la musique mandingue, légende et l’une des plus belles voix de la musique africaine, revisitera son répertoire en version acoustique.
Le groupe des Black eyed peas, qui avait fait le son des années Obama, a bousculé les codes de la pop avec des tubes interplanétaires tels que «I Gotta feeling» et «Where Is the love». Avec les rythmes funk des légendaires Kool & The Gang, le public retrouvera leurs incontournables «Celebration», ou «Jungle boogie», mais aussi les titres de leur 34e album, «People just wanna have fun».
Hip-hop pour la Palestine
Last but not least, le rappeur Macklemore se produira pour la première fois au Maroc et en Afrique. Avec plus de 10 millions d’albums vendus et des millions de streams, Macklemore est l’un des artistes les plus respectés et influents du hip-hop mondial. Artiste engagé, il a été mondialement remarqué l’an dernier pour son soutien aux étudiants de Columbia qui manifestaient pour la Palestine.
Sur le campus, un bâtiment, le Hamilton Hall, a été occupé pour la seconde fois de son histoire. Il l’avait été en 1968, pendant la guerre du Vietnam, donnant lieu à une répression violente restée dans les annales. En 2024, avant d’être délogés eux aussi par la police, les étudiants l’avaient renommé «Hind’s hall» en l’honneur de Hind Rajab, la fillette palestinienne de six ans tuée par l’armée israélienne à Gaza, le 29 janvier de cette année-là.
Une semaine après l’évacuation manu militari du bâtiment, Macklemore publiait le morceau «Hind’s hall», au texte pour le moins percutant : «Qu’y a-t-il de menaçant dans le fait de désinvestir et de vouloir la paix ?/ Le problème n’est pas les manifestations, mais ce contre quoi elles protestent./ Cela va à l’encontre de ce que notre pays finance./ (Hey) Bloquez la barricade jusqu’à ce que la Palestine soit libre ! (2x)» En tournée américaine puis européenne, après chaque concert, Macklemore ne manque jamais de publier sur les réseaux sociaux des photos de son public brandissant le drapeau palestinien. Nul doute que Casablanca lui fera un excellent accueil !
Murtada Calamy / Les Inspirations ÉCO