Exclusif.. Robert de Niro, l’interview
Légende vivante du cinéma, il est à lui-même une méthode d’acting. Robert de Niro a ému une salle comble ce samedi lors d’un hommage rendu par son réalisateur fétiche, Martin Scorsese. Rencontre avec le monstre sacré du cinéma.
On vous a senti très ému lors de l’hommage, loin de l’image qu’on se fait de vous…
Je suis un émotif ! (Rires). C’était vraiment touchant de voir toute cette salle avec moi. J’ai toujours été émotif. Mais plus les années passent, plus on devient sentimental, je crois. Parce qu’on sait où on va, que cela peut être la dernière fois. C’est d’ailleurs pour cette raison que je suis venu ici. J’ai 75 ans. J’ai toujours voulu venir avec mes enfants, mais ce n’est jamais le bon moment. Les études, le planning, le travail nous font constamment repousser cette venue. Je suis venu seul pour ce bel hommage. Et j’aimerais beaucoup revenir avec mes enfants, découvrir d’autres villes du Maroc.
Le festival a choisi de vous rendre hommage avec trois films : «Goodfellas», «The Intouchables» et «Raging Bull». Auriez-vous fait le même choix ?
Oui ! Ils sont représentatifs d’une partie de ma carrière. Donc oui, je suis d’accord avec ce choix.
Plus que jouer, vous incarnez vos rôles. Dans «Raging Bull», vous avez dit avoir eu du mal à vous remettre de la prise de poids qui a induit des problèmes de santé. Jusqu’où êtes-vous prêt à aller pour un rôle ? Votre méthode de travail a-t-elle changé avec les années ?
J’étais prêt à tout, en effet. Je n’avais aucune limite, et cela pouvait se révéler dangereux. Ce qui a changé, c’est que je me concentre aujourd’hui sur ce qui est absolument nécessaire pour le rôle, et non de tout faire pour ce rôle. Avec les années, je suis plus apaisé, moins angoissé quant à ma façon d’appréhender mes rôles. C’est moins capital qu’avant, moins important. Les choses qui vous amènent au personnage me sont plus accessibles.
À quel point aimez-vous être bousculé par les réalisateurs ?
J’aime qu’un réalisateur me pousse à faire des choses, j’aime les gens qui ont une vision. Si on me laisse faire ce que je veux sur un plateau, je n’apprend rien, je m’ennuie même. J’aime aussi quand le script est bien écrit, fluide, rythmé. On peut faire des ajouts facilement, s’impliquer. J’ai du mal à apprendre par cœur; d’ailleurs, pour moi, un acteur ne doit pas apprendre, il ne doit pas réciter. Je n’aime pas beaucoup apprendre, afin que les gestes ne soient pas dictés par le texte. Il faut que cela soit fluide.
Vous vous impliquez beaucoup dans les films, vous vous êtes même essayé à la réalisation. Est-ce plus facile de réaliser que de jouer ?
Non. Pour moi, c’est le contraire. Jouer demande moins d’implication que réaliser. Réaliser prend vraiment beaucoup de temps. J’avais des projets en vue, de belles idées mais, quand cela ne se fait pas naturellement, je m’arrête. Je ne fais pas de compromis. Plusieurs projets sont tombés à l’eau. Si quelqu’un vient avec le «package», l’argent pour faire un film, je le fais ! Certaines personnes pensent qu’ils ont l’argent mais ils ne l’ont pas, il y a des gens qui pensent obtenir de l’argent avec mon nom sur le projet! (Rires) Mais s’il y a une bonne équipe et si les conditions sont réunies, je le fais! Cependant, je préfère rester acteur…
Vous venez de finir le tournage du dernier Scorsese, «The Irishman», produit par Netflix. Êtes-vous à l’aise avec cette production?
Oui ! On était ravis d’obtenir le financement de Netflix pour «The Irishman», on a rencontré beaucoup d’obstacles pour avoir l’argent. Quand Netflix a proposé, c’était bon ! Et cela nous a soulagés. Parce que ce film a besoin d’argent pour être exactement comme Martin (Scorsese) souhaite le faire. Quant aux salles de cinéma, c’est un sujet qui doit être débattu, mais je ne pense pas qu’il y ait de véritable danger. Je ne sais pas…
Vous avez dit en conférence de presse que vous ne pourriez jamais jouer Trump parce que vous n’avez pas d’empathie pour lui…
Oui. Je trouve toujours le moyen de comprendre mon personnage, de chercher l’empathie quelque part, même chez les monstres. Mais avec Trump, je n’y arrive pas. Trump n’a pas la sophistication de comprendre ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui, ce qui se passe en Amérique. Je n’ai pas cette subtilité non plus, certes, mais lui ne l’a certainement pas! Il n’a pas la bonne volonté, l’intention de trouver un moyen d’arranger les choses. Ce qui se passe en ce moment avec le mur, les frontières, ce que l’on voit aux informations… il dit avoir prédit tout cela. Mais il a créé cette situation! Je ne suis pas un expert mais, tout ce que je sais, c’est que si on a la volonté de faire des choses, on réussit à trouver une solution. Encore faut-il le vouloir, et être doué de bonnes intentions.