Cinéma : “Speak no evil”, les frissons de la classe moyenne sur grand écran
Au Maroc comme dans le monde entier, le thriller «Speak no evil» attire les spectateurs dans les salles obscures, pour mieux les épouvanter.
Avec «Speak no evil», le réalisateur James Watkins (déjà remarqué pour «Eden lake», et «La Dame en noir») plonge le spectateur dans l’atmosphère oppressante d’un week-end qui tourne au cauchemar pour une famille américaine. Louise et Ben Dalton, accompagnés de leur fille Agnès, acceptent l’invitation d’une charmante famille britannique rencontrée pendant leurs vacances en Italie. Mais ce qui devait être une échappée paisible se transforme en une lutte désespérée pour leur survie, révélant les secrètes rancœurs du couple sous la pression.
Sur ce canevas éprouvé, Watkins élabore surtout les ambiguïtés d’un rapport à l’Autre de la classe moyenne. Il s’agit d’une rencontre avec ce genre de voisin qui vous ressemble tellement, mais dont on admire les courageuses désinhibitions. Celles-ci paraissent le rendre pourtant distant et, petit à petit, commencent à semer les chaos dans les rapports sociaux. Bref, le cinéma reste encore le meilleur endroit au monde pour se procurer le plaisir d’avoir peur en observant la perversion en acte, sous les masques de la plus banale normalité — et comment les règles de la plus civile des politesses peuvent être détournées, voire, on s’en doute, violemment manipulées.
Un thriller d’une tension inégalée
Adapté du film danois «Gæsterne» (2022) de Christian et Mads Tafdrup, qui avait marqué les esprits avec 11 nominations aux Danish Film Awards, «Speak no evil» réinvente le thriller psychologique avec une intensité rare. James Watkins apporte une profondeur nouvelle à cette histoire dérangeante, où l’horreur émerge du quotidien le plus banal.
La construction du film, où la tension monte progressivement, évoque l’atmosphère troublante de «Split» et «Glass», de la trilogie «Unbreakable». L’acteur James McAvoy, célèbre pour ses performances dans ces deux films de M. Night Shyamalan, incarne ici Paddy, un homme dont le charme et l’hospitalité masquent une cruauté impensable. La complexité psychologique de son personnage dans «Speak no evil» rappelle l’intensité de ses précédents rôles. Aux côtés de Mackenzie Davis («Terminator : Dark fate») et Scoot McNairy («Argo», «Sans un bruit 2»), «Speak no evil» explore les profondeurs de la manipulation, du danger et de la terreur humaine.
La critique enthousiaste y voit un hommage réussi aux thrillers des années 80 et 90, dans lesquels, précisément, des personnages aimablement bourgeois se retrouvaient confrontés à une altérité absolument terrifiante, par son «étrange étrangeté». D’aucuns estiment que le film pourrait également intéresser les thérapeutes qui doivent expliquer à leurs patients comment écouter cette voix intérieure qui les poussent à quitter une relation abusive, et ne pas se laisser convaincre de rester. La dimension humoristique n’est pas absente et aller le voir en groupe est recommandé.
Murtada Calamy / Les Inspirations ÉCO