Culture

Berlinale 2019. Le réalisateur de « Grâce à Dieu » sans concession 

François Ozon. Réalisateur français

Dans « Grâce à Dieu », François Ozon raconte avec courage le combat des trois Lyonnais victimes de pédophilie dans le milieu de l’Eglise. Le réalisateur français en compétition à la 69e édition de la Berlinale raconte les secrets du tournage, la genèse du film et ce film scandale qui sort à un mois du procès du Père Preynat, accusé d’agressions sexuelles sur des mineurs habitués de sa paroisse. 

Pensez-vous que votre film aura un impact sur l’affaire en cours du Père Preynat ?
Je ne me suis pas positionné d’un point de vue judiciaire, mais seulement humain. Il y a un procès en cours, mais tout ce que je raconte dans le film a déjà été publié dans la presse française, il n’ y a pas de découverte. Pour les étrangers, bien sûr, vous apprenez des choses, mais en France tout le monde sait ce qui s’est passé. Mon vrai sujet, c’est la libération de la parole et des répercussions de la libération de cette parole chez ces victimes et leur entourage.

Sortir le film à un mois du procès n’est pourtant pas une coïncidence…
Le procès va suivre son cours et la justice française est suffisamment grande pour ne pas se laisser influencer par un film. Après, j’espère que le film va avoir un impact sur la société. La pédophilie est un fléau et moi, il me semble que ce film est d’utilité publique, il y a eu des omerta dans plusieurs institutions dans l’Église comme je le montre dans le film, mais que ce soit dans le monde du sport, de l’éducation ou et surtout dans la famille. Il faut savoir que 80% des cas de pédophilie concernent la famille. La famille est une institution parce qu’elle est un lieu de pouvoir.

Comment s’est imposée à vous l’urgence de raconter cette histoire ?
J’ai fait beaucoup de films avec des personnages féminins forts et donc je voulais faire un film sur des personnages masculins qui expriment leurs sentiments, leurs émotions. Souvent au cinéma, les hommes, c’est l’action, les femmes, ce sont les émotions. Je voulais inverser les choses. Je voulais faire un film sur ce thème et je suis tombé un jour par hasard sur le site de «la Parole libérée». J’ai été touché par ces témoignages, notamment celui d’Alexandre interprété par Melvil. Son combat de 2 ans contre le diocèse de Lyon pour reconnaître son état de victime et faire en sorte que le prêtre qui a abusé de lui et qui était toujours vivant arrête d’être en contact avec les enfants. J’ai commencé à travailler avec ces membres de l’association, on a beaucoup travaillé, ils m’ont raconté leurs histoires et j’ai décidé d’en faire un film, une fiction basée sur des faits réels.

Pourquoi avoir choisi de raconter l’histoire de ces trois victimes de façon linéaire ?
Parce que dans la vie, ça s’est passé comme ça. À partir du moment où il s’est rendu compte que l’institution ne bougerait pas. Que l’Église ne ferait rien. Il a porté plainte. Mais il ne savait pas que son combat allait continuer et tomber entre les mains d’autres victimes qui allaient s’en emparer aussi. Il avait cru que son travail était terminé. Je me suis rendu compte qu’il y avait un passage de relais entre ces différents personnages. C’est vraiment ce qui s’est passé, cet effet domino. C’était tout l’enjeu de l’écriture du scénario. Ce qui n’est pas habituel. On n’a pas l’habitude de perdre un personnage après 45 minutes. Je voulais montrer ce passage de relais de l’un à l’autre. Je ne savais pas si cela allait fonctionner ou pas. Je n’avais pas en tête d’autres films construits de la même manière. Ce qui était important pour moi c’est que les personnages soient incarnés de façon très forte. Et qu’on y croit tout de suite, que l’on se longe dans leur émotion. C’est pour cela aussi que j’ai pris de bons acteurs…(Rires).

Dans le générique de fin, on ne voit pas d’aide la ville de Lyon ou de la région. Est-ce voulu ?
On a pris la décision dès le départ de tourner à Lyon, seulement les scènes d’extérieur et de tourner les scènes d’Église en Belgique ou au Luxembourg. On ne voulait pas demander de l’aide financière à la ville de Lyon ou à la région parce que l’on sait que c’est une ville extrêmement catholique, que les pouvoirs sont très proches de l’Église. C’était juste pour avoir la liberté de ne pas se sentir censuré. Le film a été tourné sous un titre provisoire par souci de tranquillité. La plupart des gens qui nous attaquent n’ont pas encore vu le film. Ils attaquent le principe, je pense ! Le film sera projeté en avant-première à Lyon lundi prochain. On verra si le cardinal Barbarin sera dans la salle. C’est un film qui ouvre le débat et j’espère que ce film participera à l’ouverture de ce débat ! 


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