Ahmed Ghayat: « La jeunesse marocaine a été exemplaire durant cette période »
Les jeunes ont besoin de reprendre confiance. Pour cela, il faut arrêter de les marginaliser ou de les infantiliser. Mieux, il faut les associer les jeunes à la réflexion, à la décision et à la mise en pratique, estime Ahmed Ghayat, acteur associatif et culturel.
Comment la jeunesse marocaine a-t-elle pu gérer cette période de Covid-19?
La jeunesse marocaine s’est massivement mobilisée durant la période de confinement et même après. Si, au départ, personne ne savait comment gérer cette pandémie, nos jeunes se sont rapidement organisés. La jeunesse marocaine a même été exemplaire malgré toutes les contraintes du confinement et de la précarité qu’il a pu générer. Nos jeunes n’ont pas eu d’autre choix que de se mobiliser, pour protéger leurs proches mais aussi pour pouvoir s’assurer un avenir. Ils ont compris que si ce virus perdure, ils devront vivre dans des conditions difficiles. Or, la jeunesse est, disons-le, la période des libertés et des expériences pour se construire. S’ils ne vivent pas cela aujourd’hui, leur avenir sera remis en jeu, contrairement aux personnes de 50, 60 et 70 ans qui ont eu la chance de déjà vivre leur «jeunesse»… Il y a des questions que nous, adultes, nous posons, mais que les jeunes continuent à vivre dans leur chair et je comprends que cela leur fasse peur… Cette crainte d’un avenir compromis a donné une sacrée impulsion à une jeunesse responsable et très inventive. En effet, qu’ils soient issus des quartiers défavorisés ou un peu plus aisés, les jeunes ont été présents sur le terrain mais aussi sur les réseaux sociaux. Les nouvelles technologies leur ont aussi permis de créer des ateliers pour produire des respirateurs artificiels, des visières, etc. Cette mobilisation inédite est très louable, même si elle devait à la base être le fait des élus municipaux qui ont brillé par leur absence.
Pourtant, les jeunes sont les plus touchés par les effets de la crise…
Le confinement a en effet montré les faiblesses du pays. Je pense aux journaliers, aux jeunes artisans ou encore aux jeunes travaillant dans le secteur du tourisme qui sont embauchés au noir ou ayant des contrats en intérim qui touchent des salaires de misère. Je ne sais même pas s’ils ont pu toucher leurs indemnités… Déjà que le chômage faisait des ravages avant la pandémie, la situation tend à s’aggraver. Les jeunes «déjà» démunis se retrouvent dans une situation de plus en plus précaire. S’il n’y a pas un vrai plan pour favoriser l’embauche des jeunes, la situation sera dramatique pour cette génération puisqu’elle porte l’avenir du pays. Et c’est ce qui fait peur aussi. Pour l’instant, il n’y a aucune visibilité. Il n’y a aucune directive pour les soutenir, les éclairer ou les orienter vers des alternatives.
Que proposez-vous pour «rebooster» cette jeunesse?
Il faut tout d’abord arrêter de les marginaliser ou de les infantiliser. Il faut au contraire leur faire confiance, les associer à toutes les démarches les concernant et s’inspirer de leurs actions. La vraie clé, c’est associer les jeunes à la réflexion, à la décision et à la mise en pratique… Dans l’absolu, j’aimerais voir chaque commune créer une commission où les jeunes seraient représentés, constitueraient une force de proposition et, pourquoi pas, voir les ministères de tutelle (culture et sport, emploi et éducation nationale) s’entourer de jeunes pour proposer des décisions auxquelles une grande partie de la population pourrait adhérer. Jusqu’à présent, celles prises par l’Exécutif ne sont pas pertinentes. Aujourd’hui, la jeunesse ne compte plus que sur la volonté royale. Ce que je pourrais proposer, c’est de lancer un recrutement massif des jeunes dans l’administration. L’on pourrait favoriser les départs à la retraite des anciens fonctionnaires et les remplacer par des jeunes qui ont la compétence et le langage pour échanger avec les autres jeunes de leur communauté. Je suis sûr qu’il y a largement de quoi remplir les rangs de l’administration.
AIDA LO / Les inspiration ECO