À Jemaa El Fna avec Jason Clarke

Il y a de ces aventures, en marge d’un festival, qui laissent des traces. Celle avec Jason Clarke afin de vivre la projection de la «Planète des singes» en plein air à Jemaa El Fna, à travers ses yeux, en est une et pas des moindres. Un moment unique où 15.000 spectateurs de la ville ocre ont répondu présents. Coulisses d’un moment unique rendu possible grâce à Mélita Toscan du Plantier.
Il ne fait que des grands rôles ou des rôles difficiles. Telle est sa devise. Jason Clarke, le plus hollywoodien des acteurs australiens et membre du jury de la 16e édition du Festival international du film de Marrakech a mis tout le monde à ses pieds en campant Rob Hall dans «Everest», John Connor dans «Terminator», ou encore Malcolm dans «La planète des singes : l’affrontement». Son côté australien, nature et centré, lui apporte cette zénitude et cette «cool attitude» à toute épreuve. Tout le monde est unanime : Jason Clarke est une belle âme et un acteur incroyable puisqu’il est sincère. «Je n’ai jamais voulu être différent ou être génial dans un film. J’essaie d’être au service de l’histoire qu’on me confie et de contenter le réalisateur, lui apporter ce qu’il attendait de son film», confie l’acteur ému et surpris par l’accueil que lui ont accordé les 15.000 spectateurs de la projection sur la place Jemaa El Fna. Une expérience inédite pour l’acteur australien qu’il a voulu récidiver tant il a été surpris. En effet, voir son film faire le tour du monde, se rendre compte qu’il est connu et admiré même loin, dans un autre pays, un autre continent, une autre culture, a presque été agréablement dérangeant pour le membre du jury. «Quand on est acteur, on ne s’attend pas vraiment à l’impact qu’auront les films. On ne pense pas à ce qui se passe après, on prépare le rôle, on est concentré, on joue, on tourne, on fait un peu de promo après. Je pense que je suis toujours surpris quand les gens me reconnaissent dans la rue ou reconnaissent mon travail. Et quand je vois, comme ce soir, des milliers de personnes regarder mon film, c’est fantastique, c’est comme un grand carnaval pour moi. C’est un sentiment incroyable», continue l’acteur qui a enchaîné les rôles forts comme si ces derniers le choisissaient et non le contraire.
Des rôles forts
Être un alpiniste malchanceux, un chef de la résistance humaine, ou encore un homme politique hanté par une malédiction familiale dans le prochain biopic sur la famille Kennedy, paraît presque facile pour Jason Clarke. «Dans Hamlet, on dit «Rien n’est en soi bon ni mauvais: tout dépend de la pensée». Tout dépend de ce que je pense apporter en tant qu’acteur, en lisant le scénario. Si je prends peur, je ne peux pas tout donner en tant qu’acteur. Le rôle m’a été proposé, j’ai été convaincu. Il y a toujours un risque d’échouer, c’est un monde où le risque est permanent. À moins de la jouer prudent ou de penser argent en choisissant le film pour son cachet. Mais ce n’est pas drôle», précise l’acteur qui aime les films à défis, les films à challenge. Dans «Everest», il réalise les cascades lui-même, il apprend à grimper, escalader, utiliser une corde d’escalade et marcher dans des conditions météorologiques difficiles. L’acteur qui avoue aimer jouer des rôles extraordinaires, a pendant ces 2 mois de tournage, sillonné l’Himalaya, les sommets alpins, le Népal ou encore Katmandou, lequel avait effectué quelques mois de préparation avant, en Nouvelle Zélande, aidé par des anciens compagnons de Rob Hall, le personnage qu’il a campé, victime de ce tragique accident en 1996. «Le fait d’être capable de voir des vidéos, de regarder des documentaires, de se dire : «c’est lui» rend le travail un peu plus facile, parce que j’ai une base sur laquelle travailler, mais la partie la plus difficile pour moi, a été de jouer le rôle d’un gars dont la fille, la femme, le meilleur ami sont toujours en vie…C’était une pression supplémentaire pour porter le rôle et lui rendre justice, et rendre justice à tous ces gens qui ont été impliqués dans le film».
À chaque film, un défi
C’est ce qu’on a l’impression de comprendre lorsque l’on suit le parcours de Jason Clarke ou qu’on l’entend parler de ses rôles, de ses films. Le comédien aime être challengé, prendre des risques à chaque fois. Des rôles souvent physiques où il s’implique totalement, à tel point que l’on se demande comment il peut en sortir indemne. «Je pense que les personnages qu’on a incarnés restent toujours un peu avec nous. Ils ne vous quittent jamais. On fait tout pour les laisser partir, pour sortir du stress et de la pression du tournage. Je viens de jouer «Ted Kennedy», un tournage épuisant. J’en suis toujours fatigué d’ailleurs. Après ceci, on s’entoure de la famille, des enfants, de bonne musique, de films pour sortir de tout cela afin de pouvoir construire les autres personnages à venir», confie celui qui a été à la meilleure école, selon lui, celle de la télévision.
En effet, pour Jason Clarke, quand on est un personnage principal d’une série, on a plusieurs scripts entre les mains, un personnage à construire et à faire évoluer, une équipe autour, d’autres personnages à mettre à l’aise, il faut être concentré tout le temps, ne jamais sortir de cette concentration. Une belle formation selon lui qui permet d’avoir une bonne base pour pouvoir faire du cinéma, mais cela n’empêche pas l’acteur d’avoir toujours ce stress, ce trac et cette pression avant chaque tournage. «Il y a toujours cette pression, omniprésente, quand toute l’équipe vous attend et qu’on entend le «action !».
Il faut y aller ! Il y a toujours la pression et le trac mais c’est ce qui maintient, qui rend meilleur, je pense ! On est plus confiant dans la façon dont se passe les journées, et le rythme de la journée, mais cette énergie qu’apporte le stress est un besoin dans ce que tu as besoin de faire, dans ce que tu as à donner», continue l’acteur qui aime être dirigé avec beaucoup de confiance, de force, de persuasion. Pour lui, un réalisateur doit donner la force et le courage de continuer, de tout donner. C’est ce qui s’est passé lors de son dernier tournage où il incarne Ted Kennedy, un tournage épuisant tant le personnage est complexe. «Comment incarner le personnage, le porter, l’aimer, apprendre à assumer ses choix. Ce sont des rôles que j’adore camper. C’est un acteur complexe, difficile à jouer parce que difficile à cerner, et son héritage est immense», se souvient Jason Clarke qui se voit jouer dans une comédie, ou un western tout en se laissant porter par un destin qui lui a valu beaucoup de beaux rôles. «J’ai toujours été chanceux ! J’ai eu des rôles incroyables et les prochains qu’on me propose sont extraordinaires». À acteur extraordinaire, rôle extraordinaire…