Éco-Business

Un dumping ciblé vers le marché marocain ?

Le marché marocain représentait plus de 80% du volume total des exportations tunisiennes de cahiers. La branche de production nationale reproche au gouvernement tunisien, présent lors de l’audition, de vouloir «politiser  l’affaire».

Turquie, Égypte, Portugal…et maintenant la Tunisie. Les enquêtes antidumping du département du Commerce extérieur, et les auditions publiques qu’elles engendrent, prennent de plus en plus l’air d’un éternel retour au réel pour les tenants du libre-échangisme intégral. Celle du cahier tunisien est d’ailleurs symptomatique. En effet, alors que l’enquête préliminaire a permis de déceler des marges de dumping extraordinaires, un droit antidumping provisoire en fonction de la marge de dumping provisoirement calculée par exportateur, a été installé début mai avant l’audition publique qui a eu lieu le lundi 30 avril. Durant celle-ci a d’ailleurs été présentée une analyse des exportations tunisiennes de cahiers a permis de mettre en exergue que «le marché marocain représentait plus de 80% du volume total des exportations tunisiennes de cahiers». «Il est frappant de constater que les prix moyens des exportations tunisiennes de cahiers vers le Maroc au cours de la période considérée sont systématiquement les plus bas, même en comparaison avec d’autres marchés de l’Afrique subsaharienne. Ainsi, il ne fait plus de doute que le marché marocain est victime d’une stratégie de dumping ciblé de la part des exportateurs tunisiens visant à évincer ce qui reste de l’industrie nationale», nous explique Marie Sophie Dibling, associée du cabinet d’avocats FIDAL, qui défend les intérêts de la production nationale. Une donnée importante puisque dans l’enquête préliminaire, le ministère du Commerce extérieur avait indiqué que, malgré l’augmentation de la capacité de production, «la branche de production nationale n’a pas réussi à augmenter ses emplois de manière équivalente». En outre, l’examen des indicateurs de dommage, a pu démontrer une baisse de la profitabilité, des prix de vente et de la part de marché, avec une certaine amélioration d’autres indicateurs, ce qui ne permettait pas «de justifier fermement l’existence d’un dommage important». «Il faut aussi rappeler que les prix du cahier numéroté est fixe en Tunisie, ce qui permet de réduire artificiellement l’indice de dumping», soutient Me Dibling. Elle insiste d’ailleurs sur l’impact de la subvention octroyée par le gouvernement tunisien sur la bobine pour la production de certains types de cahiers. «Cette subvention – qui semble représenter, selon les meilleures informations publiques disponibles, environ 20% du coût de revient du cahier- dynamiserait l’industrie tunisienne de cahiers notamment à l’exportation ; puisque cette subvention lui permet d’exporter le surplus de production à des prix imbattables».

De leurs côtés, les industriels tunisiens sortent la grosse artillerie.
Des représentants du gouvernement tunisiens étaient même présents lors de l’audition afin de peser de tout leur poids sur la décision du département du Commerce extérieur. «La production du cahier est une filière exportatrice en Tunisie, l’existence d’une promotion étatique n’explique pas à elle seule la compétitivité de nos produits dans les marchés africains, et maghrébins en particulier», explique en off un officiel tunisien aux Inspirations ÉCO. Et d’ajouter : «La Tunisie demeure ouverte aux produits marocains et la réciproque doit être vraie pour que les deux pays continuent d’être un exemple de coopération régionale». D’ailleurs la rhétorique de la «fraternité arabe» était extrêmement présente dans l’argumentaire des industriels tunisiens. Une démarche critiquée par les producteurs nationaux qui reprochent au gouvernement tunisien de vouloir «politiser le débat». «Il ne s’agit pas d’un conflit politique mais d’un débat technique puisque notre but n’est pas de bloquer un marché mais de mettre en place les conditions favorables à une concurrence loyale», conclut Me Dibling. Il faut dire que les importations du produit considéré originaire de Tunisie ont eu pour effet une augmentation significative des stocks de la branche de production nationale à partir de l’année 2014. Si les stocks enregistrés en volume ont d’abord diminué de 22% entre 2013 et 2014, ils ont ensuite augmenté entre 2014 et 2016 de 49%, ce qui engendre des coûts d’immobilisation détériorant encore la situation de la branche de production nationale. Celle-ci a d’ailleurs injecté de l’argent en investissant fortement en 2014 et 2015 afin de pouvoir répondre à la demande croissante ; mais vu le retour sur investissement négatif ou largement insuffisant, la branche de production nationale a réduit le niveau de ses investissements. L’aptitude à mobiliser des capitaux a été affectée par les pertes supportées durant la période considérée, comme l’indique la diminution des investissements. La pression accrue des importations suspectes de dumping a causé une baisse des performances commerciales de la branche de production nationale ce qui a impacté négativement la capacité d’autofinancement. 


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