Transport routier : Où est passée la prime à la casse ?
La fédération des transporteurs routiers compte saisir le prochain ministre des Finances pour reconduire la prime à la casse qui n’existe plus dans la loi de Finances 2017. Son président propose d’augmenter la TVA sur le gasoil de 10 à 20% pour compenser la hausse des prix à la pompe sachant que le secteur est incapable de la répercuter sur le client.
Quel impact la hausse du prix du gasoil a-t-elle sur les professionnels du transport de marchandises ? Sans précédent, cette hausse a certes suscité l’ire des automobilistes qui, faute d’alternative, ont jeté leur dévolu sur les réseaux sociaux pour se faire entendre, en vain. Même s’ils récupèrent la TVA de 10% sur le gasoil, et paient par conséquent moins cher leur plein, les professionnels se trouvent, sans conteste, encore plus lésés. Car il s’agit d’une charge supplémentaire qui se rajoute au long chapelet des déconvenues que le secteur endure depuis plusieurs années. Contacté par les ÉCO, Abdelilah Hifdi, président de la Fédération du transport routier, pesant le pour et le contre, sans polémiquer sur le sujet, estime «qu’il n’y a pas lieu de douter de la transparence des prix à la pompe». Pour lui, «il s’agit d’un acquis dans le sillage de la loi sur les hydrocarbures et de la régulation que connaît le marché. Ce qui pose problème, c’est l’incapacité de la profession à répercuter les hausses à la pompe sur le client, à savoir le chargeur». Hormis, les multinationales et autres grandes entreprises structurées qui paient le juste prix, les donneurs d’ordres, en matière de transport de marchandise, sont bien conscients de la faiblesse d’un secteur atomisé où l’informel représente 65%, voire plus.
En effet, malgré tous les efforts et la bonne volonté affichée, 90% des entreprises de transport de marchandises sont des personnes physiques avec chacune deux ou trois véhicules. Voilà pourquoi, comme regrette Hifdi, le juste prix n’est jamais payé par les chargeurs qui sont parfaitement au fait de la concurrence acerbe, attisée par la suprématie de l’informel parmi les transporteurs. «Le gouvernement doit absolument tendre l’oreille à un secteur aussi fragile et sensible que celui du transport de marchandises», vocifère notre interlocuteur.
Sur un autre sujet, Hifdi met l’accent sur une incohérence criante : les engagements environnementaux de la COP22 sont en totale contradiction avec la loi de Finances 2017 qui, pour la première fois, n’a pas reconduit la prime à la casse. Cette prime à la casse, qui a bien marché depuis 6 ans, permettant à ceux voulant quitter la profession de se débarrasser de leurs camions vétustes moyennant une prime d’environ 150.000 DH/unité, est primordiale. Dans ce sens qu’elle permettra, à moyen terme, de trier le bon grain de l’ivraie, pour une meilleure structuration du secteur. Avec la prime au renouvellement qui permettait, notamment, d’avoir un véhicule neuf contre trois en fin de service, elle a joué un rôle positif. Mais Hifdi promet de saisir le prochain ministre de tutelle à ce propos ainsi que celui des Finances. Pour passer aux choses sérieuses à savoir une réforme de fond du secteur, la fiscalité se présente comme un incontournable remède.
Dans ce sens, et pour alléger l’impact des prix des hydrocarbures sur les charges des transporteurs, Hifdi propose d’augmenter la TVA sur le gasoil de 10 à 20%, à prix constant tient-il à préciser, et la TVA sur l’activité en soi de 14 à 20%, en excluant le transport des voyageurs. Sachant que la TVA sur les hydrocarbures est récupérable par les professionnels, son augmentation leur sera bénéfique atténuant ainsi l’impact des prix à la pompe. Cet effort fiscal sera compensé par la hausse de 14 à 20% de la TVA sur l’activité. Ce n’est pas tout, Hifdi veut aussi qu’une partie de la TIC soit également récupérée. Justement, les transporteurs étrangers profitent bien d’une partie de la TIC contrairement aux marocains, ce qui est pénalisant pour ces derniers. Mais il y a un autre avantage, encore plus important, à moyen et long termes, à travers les propositions à caractère fiscal de Hifdi. C’est que les transporteurs qui, de plus en plus, gonflent les rangs de l’informel, voudront bien en profiter et changeront ainsi facilement de cap.
Indice de répercussion
L’une des solutions majeures pour sortir le secteur du transport de marchandises de sa crise est de mettre en place un indice de répercussion des prix à la pompe sur le client. À l’image de la France qui a introduit cet indice dans sa loi de Finances de janvier 2006, Hifdi pousse dans le même sens au Maroc. Bien entendu, dans un cadre consensuel qui met tout un chacun devant ses responsabilités et préserve la dignité des transporteurs face aux chargeurs. Cet indice représente une bien meilleure solution que toutes les cures fiscales possibles. Car il permet une régulation en interne et donne l’image d’un secteur qui aura atteint sa maturité. Aujourd’hui, les choses sont claires. Les transporteurs de marchandises sont visibles sur la voie publique, ils sont souvent pointés du doigt pour leur non-respect du Code de la route ainsi que de l’environnement. Sur la route, ils sont considérés comme un danger ambulant par les autres usagers. Il est temps d’opérer une réforme en profondeur d’un secteur qui sera toujours là, irremplaçable, mais, comme il participe au développement du pays, il peut aussi devenir un facteur de ralentissement.