Éco-Business

Transformation des produits de la pêche : Industrie cherche soutien désespérément

Certes, le Maroc peut se targuer de sa position de premier exportateur de sardines et de poulpes. Mais du côté de la transformation et de la valorisation des produits de la pêche, le manque à gagner est flagrant, notamment au niveau local. 

Longue de 3.500 km, la double façade maritime (atlantique et méditerranéenne), permet au Maroc de jouir d’un potentiel halieutique considérable. Avec quelque 1,5 million de tonnes de poissons, il est le premier pays producteur de produits de la mer en Afrique et le 25e à l’échelle mondiale. Le Royaume est également le premier exportateur de la sardine, la «vedette» des poissons pélagiques. Quant à la valorisation et la transformation des produits de la pêche, elles ne revêtent pas moins d’importance. Cette valorisation se fait sous forme de conserves, de produits congelés, de poissons frais, de farine et d’huile de poisson.

À noter que l’industrie de transformation des produits de la pêche occupe une place centrale dans l’économie nationale. Elle traite, en effet, près de 70% des captures issues de la pêche côtière, et exporte 85% de sa production vers les cinq continents. Et elle a tendance à se développer davantage, comme en atteste la position qu’elle occupe en matière d’exportation de produits valorisés.

En effet, le Royaume est le premier pays exportateur mondial de conserves de sardines et de poulpes, et le 2e pour la semi-conserve d’anchois. Son chiffre d’affaires à l’export s’élève à 21 MMDH. Le secteur de la pêche participe pour plus de 10% dans les exportations totales du pays et représente environ 50% de ses exportations alimentaires. Quant à la contribution au PIB, elle est estimée à 2,3% en moyenne durant les 10 dernières années. Le secteur compte 170.000 emplois directs et 490.000 emplois indirects.

Un manque à gagner
Nonobstant ce rang, il y a indubitablement un manque à gagner considérable, notamment en termes de valeur ajoutée, au niveau national, et de création d’emplois, à en croire les professionnels du secteur. Pour eux, la filière reste en quête de valorisation, pour la hisser au niveau de celle des pays développés dont elle est l’apanage. Monter en puissance s’impose donc plus que jamais, sachant que les habitudes de consommation des Marocains vont de pair avec l’évolution du secteur.

«Au moment où la consommation locale des produits de la mer au Maroc reste majoritairement tirée par les produits frais, la demande de produits transformés connaît une croissance honorable soutenue par le changement des habitudes de consommation. Pour répondre à la demande locale, nos produits – dont les conserves de poissons, les marinades et les semi-conserves d’anchois – sont disponibles sur les étals de la grande distribution et des détaillants. Les produits aquacoles gagnent en notoriété à l’échelle nationale et répondent de plus en plus aux besoins des ménages», estime Lamia Znagui, directrice de la Fédération nationale des industries de transformation des produits de la pêche (FENIP).

Un constat corroboré par l’institut économique international Euromonitor. Selon ses données pour l’année 2020, la consommation des produits de la mer transformés a connu une augmentation soutenue durant les dernières années et présente un potentiel de croissance intéressant. Dans le même sillage, Hassan Sentissi, qui porte la «double casquette «de président de l’Association marocaine des exportateurs (ASMEX) et de la FENIP, affirme que le Maroc a fait de la diversification et de la valorisation, un must. De ce fait, les opérateurs investissent de plus en plus dans l’innovation afin d’élargir la gamme de produits disponibles sur le marché national et de mieux répondre aux attentes des consommateurs.

À quand un contrat-programme ?
Cela dit, il y a lieu de doter le secteur de la transformation et de la valorisation des produits de la pêche des capacités nécessaires afin de monter en gamme et de produire localement des produits à plus haute valeur ajoutée, notamment à base de poissons pélagiques. Ces derniers constituent plus de 86% des débarquements de la pêche côtière et artisanale, selon la Fédération professionnelle. Il faut également mener les actions de communication nécessaires pour promouvoir la consommation des produits transformés à base de poisson pélagiques, surtout à base de sardines. Une démarche qui demeure peu répandue. Ainsi, pour parvenir à le mettre à niveau, il est impératif de doter le secteur, dont l’importance est vitale pour le pays, d’un contrat-programme, et ce, dans les meilleurs délais. La FENIP n’a, d’ailleurs, cessé de solliciter le ministère de tutelle dans ce sens. Silence radio du côté du département de l’Agriculture et de la pêche qui n’aurait pas daigné y répondre, même après le changement de gouvernement.

«Il est nécessaire de faire profiter les industriels du secteur d’incitations et d’appuis, au même titre que le secteur agricole», insiste Lamia Znagui.

Côté potentiel, en dépit de la baisse de production de 13% des petits pélagiques en 2021, principalement due à la forte dégradation de la disponibilité de la ressource, le manque à gagner demeure important. Il suffit de se pencher sur les importations de ces produits pour se rendre à l’évidence que le développement peut être local. En effet, le volume des importations a connu une forte croissance durant ces dernières années pour atteindre 20.000 tonnes.

«Il serait regrettable que les producteurs nationaux abandonnent ce marché aux produits importés alors que le potentiel est réel, surtout que la commercialisation nationale permettrait de conserver la valeur ajoutée au Maroc. Certains opérateurs ont des projets de développement de commercialisation de poissons surgelés, de poisson frais élaboré en barquettes, de pâtés de sardine ou encore de produits innovants pour répondre aux besoins croissant de la population. Le soutien des pouvoirs publics à ce type d’initiative s’impose pour le développement d’une filière nationale performante», insiste la directrice de la FENIP.

Et d’ajouter que «l’aquaculture, qui est aussi appelée à répondre au développement de la demande locale en produits de la mer, reste jusqu’à présent très peu développée. Un important effort, tant de production que d’organisation des circuits de distribution, de communication et de marketing, devrait être consenti pour faire connaître les produits aquacoles au grand public».

À noter que l’industrie de la transformation compte à son actif 406 unités qui couvrent six branches d’activité réparties de façon homogène sur le territoire national.

Maryam Ouazani / Les Inspirations ÉCO



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