Éco-Business

Tabac : Une restructuration du marché en vue

La polémique autour de la classification de certaines marques de cigarettes en tabac brun est en train de connaître sa fin. Le projet de loi de Finances 2017 y apporte une solution qui risque de chambouler tout le secteur. Explications.

Jusqu’à l’adoption du projet de loi de Finances 2017, Hiram Murillo, DG de British American Tobacco Maroc (BAT Maroc), et ses équipes retiennent leur souffle. Et pour cause: le document contient une disposition qui devrait chambouler tout le secteur. Dans son article 5 relatif à la taxe intérieure de consommation (TIC), il stipule que, à partir de janvier 2017, «sont considérées comme cigarettes fabriquées avec du tabac brun, les cigarettes contenant au moins 80% de tabac brun». Si cette disposition passe, les cartes seront rebattues dans le secteur du tabac manufacturé qui connaît une concurrence sans merci entre les géants mondiaux qui opèrent au Maroc et BAT, qui a beaucoup souffert du flou qui entoure la classification des produits (brun/blond), pourrait revenir dans la course. «La définition de tabac brun a été une zone d’ombre dans la loi actuelle qui, depuis 2015, a eu un impact majeur sur le marché du tabac, générant ainsi un handicap de taille pour les opérateurs sans marques listées dans ce segment. Par conséquent, une définition claire est, selon nous, extrêmement bénéfique pour le secteur», explique Hiram Murillo.

Zones d’ombre
Pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette histoire, il faut remonter à mai 2015. La commission d’homologation donne le feu vert à Philip Morris pour commercialiser sa nouvelle marque, Next. Seulement, la nouvelle marque homologuée comme étant à base de tabac brun et vendue à 15 DH est, en fait, fabriquée avec du tabac blond. La différence est de taille. Le Maroc applique en effet une fiscalité réduite sur le tabac noir. «À titre d’illustration, pour le paquet de 12 DH du tabac brun, les taxes oscillent entre 7 et 8 DH. Tandis que pour le tabac blond, le paquet qui coûte 20 DH est taxé à hauteur de 14 à 15 DH». Or, Fox, étant catégorisée tabac noir, ne paye que 8 DH de taxes, ce qui laisse pour Philip Morris des marges confortables au détriment des caisses de l’État (le manque à gagner est estimé à 500 MDH). Mieux encore, quelque semaines après son lancement, la marque a connu une ascension fulgurante en s’adjugeant plus de 8% de parts de marché. Dans la foulée, la Société marocaine de tabac a emboîté le pas à Philip Morris en usant du même subterfuge pour lancer Fox dans la catégorie tabac brun à 12 DH.

La nouvelle marque a aussitôt fait des ravages en accaparant près de 11,2% de part de marché. La commission s’est rattrapée en reclassant Next en tabac blond et dont le prix a été revu à la hausse pour s’aligner sur celui de Marquise (20,50 DH). Depuis lors, elle dégringole au profit des autres marques, notamment Fox, dont le prix n’a pas changé. «Ce qui est spectaculaire, c’est que la part de marché du tabac brun est passé de 6 à 18% en une année. Du jamais vu. Certaines entreprises ont profité du manque de clarté dans ce segment pour lancer des marques à bas coût qui n’étaient pas conformes à ce qui était annoncé», déplore pour sa part Amine Essnoussi, directeur commercial de BAT Maroc. «Le hic, c’est que lorsqu’on a voulu introduire des marques de la même gamme pour être compétitif, la Commission d’homologation a répondu qu’elle souhaitait temporiser pour y voir plus clair. En attendant, des pratiques anticoncurrentielles règnent toujours», renchérit le patron de BAT Maroc.

Redistribution des cartes
Le numéro 2 mondial attend donc avec impatience l’adoption du projet de loi de Finances 2017. Son avenir en dépend. «Depuis juin 2015, date de l’homologation de Next, nos parts de marché ont chuté de la moitié», signale Hiram Murillo, qui balaie d’un revers de main les rumeurs qui ont circulé récemment sur l’intention de BAT de fermer sa filiale au Maroc et se contenter d’un bureau de représentation. «Notre engagement au Maroc a toujours été fort et immuable, et continuera à l’être. Nous avons connu des situations similaires dans d’autres pays et nous les avons affrontées.

Pour nous, le Maroc est l’un des marchés les plus prometteurs de la région. Il est aussi le plus compétitif, d’où la présence des géants mondiaux», poursuit-il. Ce qu’il y a, c’est que BAT a dû réviser sa stratégie de vente pour une utilisation optimale de ses ressources. «Elle permettra de renforcer notre partenariat avec notre prestataire logistique local (Comunivers) par l’utilisation de leur expertise et leurs moyens de couverture, permettant ainsi la disponibilité de nos marques à travers le territoire marocain», développe Amine Essnoussi. Le projet de loi de Finances, qui réglemente le segment du tabac noir, devrait donner un nouvel élan à BAT Maroc.

Maintenant, la bataille se joue au niveau du Parlement, et tout est question de lobbying. La bataille s’annonce rude. Mais si elle passe, le marché connaîtra une nouvelle configuration. Plusieurs marques seront reclassées et, par ricochet, leurs prix revus à la hausse. Fox, qui cartonne en ce moment (elle devrait terminer l’année avec 13% de parts de marché), devrait y laisser des plumes. «Elle risque de connaître le même sort que Next. On a vu que les consommateurs de ces dernières se sont tournés vers Marquise, principalement, et d’autres marques», prédit le DG de BAT Maroc, qui estime que le marché sera plus stable et concurrentiel. Sinon, «la situation se compliquera davantage et le marché sera plongé dans le chaos», conclut-il.


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