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Stratégies de placement : diversification en marche, cadre à consolider

Longtemps centrée sur l’immobilier et les dépôts bancaires, la gestion patrimoniale évolue au gré des mutations fiscales, de l’essor des fintechs et d’une diversification encore hésitante. Pour l’heure, l’attractivité du marché se heurte à la nécessité de préserver les équilibres budgétaires. La montée en gamme des stratégies patrimoniales suffira-t-elle à structurer un marché encore façonné par des schémas préétablis ?

L’univers de la gestion de patrimoine au Maroc se façonne au gré des mutations économiques et financières. Entre incitations fiscales, réformes réglementaires et adaptation aux nouvelles dynamiques d’investissement, le pays tente de conjuguer attractivité et maîtrise budgétaire.

L’évolution récente de la fiscalité, notamment à travers les dispositifs liés à Casablanca finance city (CFC), la montée en puissance de l’épargne financière et le rôle croissant des fintechs, témoignent d’une refonte progressive du cadre patrimonial. Mais derrière ces avancées, les défis restent entiers : élargissement de l’assiette fiscale, lutte contre l’informalité et démocratisation de l’investissement productif.

L’essor de CFC, initié pour renforcer l’attractivité du pays, constitue un des piliers de cette transformation. Son statut confère aux entreprises qui y sont domiciliées des avantages fiscaux significatifs, avec une exonération de l’impôt sur les sociétés pendant cinq ans suivie d’un taux réduit de 15%.

Cet écosystème, conçu pour positionner Casablanca comme une porte d’entrée vers l’Afrique, a su capter l’attention des grands groupes internationaux. BNP Paribas, AIG et le Boston consulting group figurent parmi les entreprises qui y ont installé leurs quartiers régionaux. Mais si le modèle CFC s’inscrit dans une logique de compétitivité fiscale, il soulève également la question de l’équité face aux régimes classiques.

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) insiste sur la nécessité d’un système fiscal plus inclusif, capable d’élargir la base contributive pour assurer des recettes pérennes.

Contrainte budgétaire
Si les incitations fiscales ont contribué à structurer un environnement favorable aux investissements, elles s’accompagnent d’un impératif budgétaire. Le Maroc doit composer avec des dépenses publiques croissantes, tandis que certaines niches fiscales limitent la capacité de l’État à mobiliser des ressources.

Selon les dernières données de Bank Al-Maghrib (BAM), le déficit budgétaire hors produit de cession des participations de l’État devrait s’établir à 3,9% du PIB en 2025 et à 3,6% en 2026 . Ces chiffres traduisent une contrainte budgétaire persistante qui impose une réflexion sur la soutenabilité des exonérations fiscales accordées.

Parallèlement, l’économie informelle continue de représenter une part substantielle du PIB. La progression de la monnaie fiduciaire en circulation, observée par la Banque centrale, illustre la persistance des transactions en dehors du circuit bancaire formel.

Or, cette situation freine la mobilisation des ressources fiscales et limite la portée des mécanismes de financement de l’État. L’intégration progressive de cette économie reste un levier essentiel pour élargir la base contributive et structurer un marché financier plus robuste. Dans ce paysage en mutation, les choix d’investissement des ménages et des entreprises évoluent. Longtemps dominée par l’immobilier et les dépôts bancaires, la gestion de patrimoine s’ouvre progressivement à de nouvelles classes d’actifs.

La Bourse de Casablanca, malgré une sous-utilisation par les investisseurs individuels, affiche une dynamique positive. En 2024, l’indice MASI a enregistré une hausse de 22,2%, traduisant un regain d’intérêt pour les actions cotées. Toutefois, la démocratisation de l’investissement financier reste un défi. Le marché boursier souffre d’un manque de profondeur et d’une faible diversification des titres disponibles.

Pour pallier cette situation, plusieurs initiatives ont été lancées afin d’élargir l’accès aux produits d’investissement, notamment via des plateformes digitales et des solutions de gestion automatisée. L’essor des fintechs, porté par une réglementation plus favorable, ouvre la voie à une épargne plus dynamique et accessible. La montée en puissance des robo-advisors et des plateformes de trading en ligne permet d’offrir des solutions adaptées aux profils de risque variés.

Gestion plus structurée
Au-delà de l’attrait pour de nouvelles solutions financières, le cadre réglementaire évolue pour accompagner ces transformations. Le développement des assurances-vie, en particulier, illustre cette transition vers une gestion patrimoniale plus structurée. Longtemps marginale dans le portefeuille des ménages marocains, l’assurance-vie gagne en importance grâce à une fiscalité incitative et à la diversification des supports d’investissement.

L’enjeu est de taille : assurer une répartition plus équilibrée de l’épargne et stimuler l’investissement productif. BAM souligne que le rythme du crédit au secteur non financier devrait connaître une forte accélération, passant de 2,6% en 2024 à 5,9% en 2025, puis à 6% en 2026.

Cette dynamique traduit une confiance accrue dans le financement de l’économie et un appétit pour des placements plus diversifiés. Malgré ces avancées, plusieurs défis demeurent. La structuration de l’épargne et l’optimisation fiscale nécessitent une approche plus équilibrée, conjuguant attractivité et équité. Si le Maroc a su renforcer sa position en tant que hub financier africain, la gestion patrimoniale reste marquée par des disparités.

L’accès aux outils d’investissement reste inégal, et la formalisation de l’économie informelle apparaît comme un prérequis pour garantir une redistribution plus efficace des richesses. À cela s’ajoute le déficit d’accompagnement et d’expertise à destination des investisseurs individuels. C’est ce qui explique d’ailleurs que les banques peinent encore à démocratiser leurs services au-delà d’une clientèle fortunée.

De leur côté, les conseillers en gestion de patrimoine indépendants restent peu nombreux, limitant l’accès à un conseil sur mesure. Ce manque d’intermédiation freine l’optimisation des stratégies patrimoniales et accentue la concentration des placements sur des actifs traditionnels. La montée en puissance des plateformes digitales, couplée à une meilleure régulation du conseil financier, pourrait jouer un rôle clé dans la structuration du marché, en élargissant les solutions d’investissement à une clientèle plus large et en assurant une allocation plus efficiente de l’épargne.

Dans cette équation, la montée en gamme de la place financière casablancaise et l’évolution du cadre fiscal constituent des leviers essentiels. L’objectif est double, capter les flux de capitaux internationaux tout en consolidant la base de l’investissement domestique. Les experts s’accordent à dire que seule une mise en balance entre incitation fiscale et discipline budgétaire garantira une meilleure visibilité pour les investisseurs, institutionnels et épargnants.

OPCVM : les performances toujours au rendez-vous

L’appétit des investisseurs pour les Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ne se dément pas, porté par un marché en expansion et des rendements attractifs. Au quatrième trimestre 2024, les souscriptions aux titres des OPCVM ont bondi de 30% pour atteindre 369,2 milliards de dirhams (MMDH), tandis que les rachats ont progressé de 35%, atteignant 360,8 milliards.

La collecte nette s’établit ainsi à 8,4 MMDH, traduisant une confiance renouvelée dans ces instruments financiers. Le début de l’année 2025 confirme cette tendance haussière. L’actif net des OPCVM a enregistré une augmentation mensuelle de 6,3% en janvier, culminant à 694,6 milliards.

Dans le détail, les OPCVM obligataires à court terme se démarquent avec une hausse de 20,8%, suivis par les fonds en actions (+17,1%), les diversifiés (+9,1%) et les obligataires à moyen et long terme (+3,3%). À l’inverse, les OPCVM contractuels subissent un recul de 13,8%, tandis que les monétaires affichent une baisse plus contenue de 0,3%.

Les performances sont toujours au rendez-vous, avec une progression trimestrielle des indices des OPCVM, variant de +0,8% pour les fonds monétaires à +1,7% pour les diversifiés. Une dynamique qui illustre l’évolution du marché local vers une diversification accrue des placements.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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