Réserves de change. BAM optimiste, le HCP pessimiste

Selon une source interne à la Banque centrale, les prévisions tablent sur des hausses des réserves change de 2 MMDH d’ici fin 2020 et de 5,5 MMDH à fin 2021. L’amnistie des avoirs à l’étranger serait-elle à même de booster les réserves pour donner davantage confiance aux investisseurs ?
Bien que cela ne soit pas évident de prime abord, il existe un lien direct entre les avoirs à l’étranger et le rythme de développement d’un pays. Les réserves en devises permettent aux pouvoirs publics d’avoir de la visibilité sur la capacité d’approvisionnement en biens et en matériels nécessaires à l’achèvement des grands projets. Mais lorsque la balance commerciale est structurellement déficitaire (on importe bien plus que l’on exporte), il y a risque de voir ces réserves en monnaies étrangères fondre comme neige au soleil.
Dans son Budget économique prévisionnel 2020, le HCP livre un trend peu rassurant des réserves en mois d’importations qui passeraient de 6,6 mois en 2017 à 4,7 mois en 2020. Cette évaluation intervient après une chute à 4,8 mois en 2018 et une petite embellie à 5 mois en 2019. Il faut toutefois replacer ces estimations dans un contexte marqué par la dernière sortie à l’international susceptible d’améliorer un tantinet le coussin des réserves de change.
Il n’en demeure pas moins que l’économie du pays a besoin d’un vrai coup de fouet. Un état de fait qui a été mis en lumière, en juillet 2019, lors de la présentation faite par le wali de Bank Al-Maghrib devant le souverain à Tétouan. Abdellatif Jouahri avait alors mis en exergue le tassement de la croissance à 3% avec des prévisions encore plus pessimistes pour cette année, un déficit budgétaire à 3,7% et des réserves de change couvrant un peu plus de 5 mois d’importations. Entre-temps, dans le Budget 2020, le ministre des Finances a pu annoncer un déficit à 3,5% grâce notamment à des instruments de financement dits innovants.
BAM rassure
Mais grosso modo, l’exposé de Jouahri est sans appel: le rendement de l’économie nationale reste en-deçà des exigences sociales, incapable d’absorber les inégalités économiques et spatiales auxquels il faut ajouter une capacité de moins en moins importante à financer les grands projets. Selon une source interne à BAM, il y a lieu de nuancer ces propos. Selon cette même source, il n’y a pas de baisse prévue des réserves internationales nettes. «Nous avons terminé l’année à 245,6 MMDH et nos prévisions tablent sur des hausses de près de 2 MMDH d’ici fin 2020 et de 5,5 MMDH à fin 2021.
Ces prévisions sont basées sur les données disponibles début décembre 2019, mais nous ne nous attendons pas à un changement significatif, et nous devrions rester autour d’un montant qui assure la couverture de 5 mois d’importations de biens et services», explique la même source. El Mehdi Fakir, économiste, estime que le Maroc dispose de réserves relativement confortables. Ceci dit, ajoute-il, le fait qu’il y ait une baisse devrait impacter la confiance dans un premier temps ainsi que les capacités financières de l’État qui serait amené à s’endetter.
«Mais est-ce que cette perspective de baisse des avoirs tiendrait compte de l’amnistie des avoirs à l’étranger qui est actuellement en cours?», s’est-il interrogé. En effet, il s’agit d’un élément à prendre en compte, bien qu’il soit aujourd’hui prématuré d’en inclure l’apport dans le calcul des réserves en devises. Ceci dit, si la baisse est soutenable et maîtrisable, il n’y aurait pas péril en la demeure. À plus forte raison si l’amnistie susmentionnée était prise en compte dans le calcul des avoirs. Mais toute chose étant par ailleurs égale, même en l’absence d’une amnistie, le stock des avoirs resterait soutenable du moins à moyen terme.
Sur un autre registre, l’emprunt extérieur a permis de consolider le stock des réserves internationales du pays à 244 MMDH au 10 janvier. Mais il faut aussi savoir que le déficit commercial a atteint, pour les 10 premiers mois de l’année 2019, 174 MMDH. Durant la même période, les investissements directs étrangers reçus par le Maroc ont plongé de 51% (soit une baisse de 15 MMDH). S’y ajoute une baisse des transferts des MRE, compensée toutefois par les recettes touristiques.
Quel rapport avec la monnaie ?
Par ailleurs, du point de vue de la liquidité, il n’a pas été facile de satisfaire les besoins croissants. En effet, le marché monétaire a été marqué, en 2019, par la persistance du besoin en liquidité bancaire à 65 MMDH, en baisse toutefois par rapport à son niveau historique de 69 MMDH en 2018. Enfin, l’importance de réserves de changes solides et soutenables se trouve aussi dans la capacité de la Banque centrale à y recourir pour soutenir, momentanément, la valeur de la monnaie dans un contexte marqué par la flexibilité du dirham. Cela n’empêche pas une dévaluation quand le marché l’impose. De ce fait, les pays qui disposent d’une monnaie forte (les États-Unis et l’UE) n’ont pas besoin de réserves importantes pour soutenir leur monnaie. Ce n’est pas le cas de la Chine qui dispose aujourd’hui du plus grand stock d’avoirs à l’international, soit plus de 3.000 milliards de dollars. Mais ce score n’est pas en soi un signe de force dans la mesure où la Chine est un pays structurellement exportateur. Pour un pays comme le Maroc, améliorer ses avoirs à l’étranger revient d’abord à baisser ses importations sachant que ses exportations évoluent très lentement. Toutefois, limiter les importations n’est pas forcément une bonne stratégie car les projets structurants ont toujours
besoin d’approvisionnements à l’étranger.
L’impact de la sortie à l’international sur les réserves
Selon la métrique du FMI, les réserves restent à un niveau adéquat. Pour avoir une idée de l’impact de la sortie du Trésor à l’international, il faudrait se rappeler que le Maroc importe en moyenne l’équivalent de 1,4 MMDH par jour. Ce qui signifie que 11 MMDH (montant du tirage) équivalent à moins de 8 jours d’importations, sachant que le stock disponible actuellement couvre autour de 5 mois. Un autre élément important à rappeler est que le Maroc est lié au FMI par un accord au titre de la ligne de précaution et de liquidité pour un montant de près de 3 milliards de dollars. Le Maroc n’a jamais «tiré» sur cette ligne, mais c’est une assurance disponible en cas de choc extérieur qui renforce la confiance des investisseurs dans l’économie du pays.