Éco-Business

Prix des carburants. Le plafonnement des marges réactivé

La flambée des cours de l’or noir réactive l’option du plafonnement des marges. Les ministères des Finances et de l’Énergie assureront le rôle d’experts et d’arbitres dans cette nouvelle phase.

Les prix de l’or noir pourraient flamber en cas d’embrasement de la situation dans le Golfe et de perturbations dans le détroit d’Ormuz après les récentes attaques d’infrastructures saoudiennes. Dans ce contexte géopolitique tendu, le gouvernement marocain comme les consommateurs retiennent leur souffle. La flambée des cours mondiaux de l’or noir laisse craindre une hausse des prix des carburants et de facto un renchérissement des coûts de production et des transports. Dans ce contexte, l’option du plafonnement est à nouveau sur la table.

Le gouvernement ira en solo
«Bien sûr que nous surveillons les cours du baril de pétrole. La situation actuelle nous inquiète », souligne une source gouvernementale. Ce ministre nous confie qu’il est accroché à son smartphone toute la journée pour vérifier l’évolution des prix sur le marché mondial. Dans le contexte de libéralisation des prix, le gouvernement demeure privé de tout instrument d’intervention. «Un recours à la subvention une nouvelle fois est exclu pour le moment», avance notre source. La solution d’un plafonnement des marges bénéficiaires des carburants liquides est à nouveau sur la table. Selon notre source, «le gouvernement espère accélérer l’adoption du plafonnement des marges avant la fin de l’année». Après le refus du Groupement des pétroliers du Maroc (GPM), l’Exécutif compte y aller seul mais cette décision doit passer le cap d’un débat interministériel qui s’annonce animé. Aujourd’hui, ce processus est en phase de consultation au sein du gouvernement. Le dossier a été transmis aux départements de l’Économie et des finances et de l’Énergie. Une réunion s’est tenue le 16 mai pour faire le point sur ce dossier et étudier l’applicabilité de cette mesure. «Maintenant, l’introduction de cette mesure temporaire n’est qu’une étape pour améliorer la maîtrise des prix. Il ne faut pas oublier que nous sommes tenus aussi par l’avis du Conseil de la concurrence».

L’avis de Guerraoui
Rappelons que l’instance dirigée par Driss Guerraoui avait recommandé en février dernier, à la place du plafonnement des marges, d’agir «sur quatre leviers essentiels portant sur l’amont et l’aval de la structure de ce marché pour le rendre plus concurrentiel et en phase avec les objectifs stratégiques de sécurisation de l’approvisionnement, d’efficacité économique et de justice sociale». Les problèmes du marché des hydrocarbures sont principalement dus à une libéralisation mal préparée. C’est l’un des constats du président du Conseil de la concurrence qui estime que ce secteur a besoin «d’une refonte globale». Le Conseil a considéré «que la dynamisation de la concurrence sur le marché des hydrocarbures ne pourra pas se réaliser en agissant uniquement sur le segment aval du marché à travers la réglementation des prix de détail et des marges». Il recommande d’agir sur les autres niveaux de la chaîne de valeur pour avoir un processus concurrentiel intégré englobant aussi l’amont du secteur. Dans ce cadre, il estime qu’une réappropriation nationale de l’activité du raffinage revêt un réel intérêt. Outre le fait qu’elle contribue à rétablir les équilibres concurrentiels, elle permet aux structures en charge du raffinage de jouer le rôle de contre-pouvoir vis-à-vis des opérateurs dominants dans les segments d’importation, du stockage et de la distribution en gros, explique-t-il, ajoutant que c’est pour cette raison qu’il recommande au gouvernement de mettre en place un dispositif spécifique d’encouragement de l’investissement dans l’industrie de raffinage privé et/ou dans le cadre d’un partenariat public-privé. En outre, la réglementation actuelle exige que l’importation et la distribution des carburants soit corrélée au stockage. Or, la construction de capacités de stockage et la gestion des stocks induit des coûts financiers et logistiques importants qui peuvent être rédhibitoires à l’accès de nouveaux opérateurs sur le marché tout en favorisant les grands opérateurs. Selon le Conseil de la concurrence, cet objectif peut être atteint par d’autres moyens plus concurrentiels en développant le métier de «stockiste» indépendant. L’idée est d’encourager les investissements dans des capacités de stockage par des tiers indépendants dont le métier principal est le stockage des produits pétroliers.



Adil Ziady.
Président du Groupement des pétroliers du Maroc (GPM)

“Le plafonnement n’a pas de base juridique”

Comment vos membres gèrent-ils cette phase d’envolée des prix du pétrole au niveau mondial ?
Chaque entreprise fixe ses propres prix. Notre rôle, en collaboration, avec le ministère des Affaires générales est l’observation des prix à l’international et l’évolution du taux de change du dollar. Ce que nous constatons depuis deux mois, c’est qu’il y a une pression sur les deux facteurs.

Allez-vous répercuter ces hausses sur les prix à la pompe ?
C’est une évidence. Les prix sont liés au marché international.

Le Conseil de la concurrence recommande d’améliorer le stockage pour freiner les hausses des prix ?
La question du stockage ne rentre pas en jeu et n’a pas d’impact sur les prix. Nos achats se font selon une méthode de revolving. Les achats se font sur 15 jours au fur et à mesure des besoins du marché. En plus, nous maintenons un niveau de stock minimum de 30 jours.

Allez-vous contracter des assurances pour vous prémunir contre les hausses des prix à l’international ?
Ce type d’assurances se base sur un mécanisme diffi cile. Même l’État avait essayé de contracter ces instruments financiers, non sans diffi cultés. Pour être franc, il faut préciser que ces assurances coûtent cher. Les sociétés de distribution ne souhaitent pas répercuter le coût de ces assurances sur le consommateur. Nous espérons que la tendance des prix à l’international ira vers la stabilisation des prix.

Le plafonnement des marges est-il une option possible pour vous ?
Je précise que le GPM n’a pas refusé le plafonnement. D’autant plus que ce plafonnement n’a pas de base juridique. En réalité, ce que propose le gouvernement, c’est un retour à la situation de l’avant libéralisation marquée par l’intervention de l’État. Cette décision devait s’accompagner à moyen terme par un retour à de la subvention. Nous pensons qu’il faut clarifi er nos choix : soit nous sommes dans un marché libéralisé, soit nous devons retourner à la situation de l’avant-2015.

Un retour à la subvention des prix des carburants serait-il possible ?
Ce n’est pas exclu. C’est au gouvernement de décider et d’assumer le poids énorme de ce retour à la subvention sur le budget de l’État.



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