Éco-Business

Oussama Ouassini : «Pour que la dette soit soutenable, il faut viser un taux de croissance d’au moins 8%»

Oussama Ouassini
Expert en analyse financière

Pour compenser une croissance atone et un déficit chronique, l’endettement s’est imposé au fil des années comme un moteur discret de l’économie, au prix d’une fragilité budgétaire croissante.

 Comment évaluez-vous la soutenabilité de la dette publique marocaine à court et moyen terme ?
À court et moyen terme, la situation n’est pas soutenable. Pour qu’elle le devienne, le Maroc doit enregistrer un taux de croissance annuel d’au moins 8%. Actuellement, la dette grignote près de 4% de la croissance économique.

En d’autres termes, le simple remboursement de la dette exige déjà un taux de croissance équivalent à ces 4%. Si l’on ajoute à cela la hausse des taux d’intérêt, la charge devient encore plus lourde. Par exemple, un point supplémentaire sur des taux d’intérêt, passant de 2 à 3%, se traduit par un surcoût de près de 10 milliards de dirhams, et ce, compte tenu de l’ampleur des montants en jeu.

Comment le Maroc peut-il équilibrer le financement de grands projets structurants avec le maintien d’un ratio dette/PIB viable ?
L’État doit impérativement recentrer ses investissements sur des projets rentables. Les dépenses engagées dans des initiatives à faible rendement ne sont plus soutenables. L’Exécutif ne peut plus se permettre le luxe de recourir à l’endettement pour financer des politiques purement sociales, aussi nécessaires soient-elles. Sans ce recentrage, nous risquons de creuser davantage le fossé de l’endettement.

Dans quelle mesure les réformes fiscales et la rationalisation des dépenses publiques peuvent-elles réduire la pression exercée par la dette ?
Le budget de fonctionnement représente environ 100 milliards de dirhams en salaires, tandis que les dépenses globales de gestion atteignent 321 milliards. Une partie significative de ces salaires concerne des fonctionnaires appartenant à des échelles inférieures à 9, dont beaucoup partiront à la retraite dans les cinq à sept prochaines années en raison de la pyramide des âges. Si l’on optimise ce processus en limitant les nouvelles embauches aux fonctions stratégiques et à forte valeur ajoutée, cela pourrait réduire considérablement les dépenses salariales.

Par ailleurs, la digitalisation peut jouer un rôle clé dans cette rationalisation. Enfin, pour alléger la pression sur le budget public, il est essentiel de renforcer la participation du secteur privé dans l’effort d’investissement, conformément à la nouvelle Charte de l’investissement. Celle-ci prévoit un ratio de deux tiers pour le privé et un tiers pour le public, une répartition qui pourrait apporter une meilleure efficacité dans la gestion des ressources.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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