Optique. Nouâmane Cherkaoui : “L’urgence est à la régulation de la profession”
Nouâmane Cherkaoui
Secrétaire général du Syndicat national professionnel des opticiens au Maroc (SPNOM)
Entre falsification de diplômes et prolifération de lunettes vendues en ligne, le secteur de l’optique sombre dans l’anarchie. Un marché au potentiel immense, miné par des dérives qui compromettent la santé visuelle des citoyens et soulèvent des questions sur l’inaction des autorités.
Quels sont, selon vous, les mécanismes qui favorisent la délivrance de diplômes d’opticien non accrédités et quelles mesures pourraient enrayer ce phénomène ?
La situation actuelle repose sur plusieurs lacunes réglementaires et structurelles. La loi 13-00, qui régit la formation professionnelle, impose une accréditation après trois ans de fonctionnement uniquement pour les écoles qui en font la demande.
Or, le ministère ne dispose ni des moyens ni de la volonté pour contrôler les établissements non-accrédités. Cette absence de surveillance est d’autant plus problématique dans les métiers paramédicaux comme l’optique, où la compétence technique est essentielle. À cela s’ajoutent des lacunes administratives.
Le manque de personnel dédié au contrôle, l’exclusion des professionnels de santé paramédicale des comités nationaux et régionaux, et l’absence de carte de formation professionnelle prenant en compte l’offre et la demande.
Cette anarchie a conduit à l’émergence incontrôlée d’instituts de formation. Nous plaidons donc en faveur d’une filière d’optique non tributaire de la formation professionnelle, car le cadre actuel n’est pas adapté à une profession aussi technique.
Comment garantir que les caravanes médicales restent bénéfiques pour les populations locales sans dérives lucratives ?
Les caravanes médicales, lorsqu’elles sont bien encadrées, jouent un rôle crucial dans les régions reculées. Toutefois, certaines associations détournent ces initiatives en prétendant offrir des actions sociales alors qu’il s’agit d’un exercice illégal de la médecine et de la profession d’opticien. Nous avons déposé plusieurs plaintes et saisi différentes administrations, notamment le Secrétariat général du gouvernement, le ministère de l’Intérieur et celui de la Santé. Pour éviter ces abus, une caravane médicale doit être gratuite sur tous les plans, sans exception. Nous appelons à une coordination renforcée avec les autorités pour contrôler, voire sanctionner ces dérives.
Quelles actions votre syndicat pourrait-il entreprendre pour contrer la vente en ligne de dispositifs médicaux non conformes ?
Il ne va pas sans dire que la vente de lunettes en ligne constitue l’un des dangers majeurs pour la santé visuelle des citoyens. Chaque jour, des publicités illégales pullulent sur les réseaux sociaux. Nous avons alerté les autorités et réalisé plusieurs reportages télévisés pour sensibiliser l’opinion publique. Nous attendons impatiemment le projet de loi annoncé par le ministre de l’Industrie et du Commerce, qui vise à réguler ces pratiques. Il est également nécessaire de renforcer les contrôles sur les plateformes et de lancer des campagnes ciblées pour informer les consommateurs des risques liés à ces produits non conformes.
Quelles avancées sur la création de l’Ordre des professionnels prévu par la loi 45-13 et son impact potentiel ?
L’établissement de cet Ordre est indispensable pour structurer le secteur. La loi 45-13 prévoit que les décrets d’application soient publiés dans les deux années suivant son adoption en 2019. Malheureusement, aucune avancée significative n’a été enregistrée depuis. Notre syndicat a multiplié les actions pour faire avancer ce dossier, mais sans réponses concrètes. Un Ordre professionnel disposerait des outils nécessaires pour réguler efficacement la profession, standardiser les pratiques et prévenir les abus. Nous appelons à une volonté politique forte pour concrétiser ce projet crucial pour l’avenir du secteur.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO