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Mutualisation des infrastructures télécoms : des pistes à explorer à l’heure du régime sec

Certains pays, notamment en Asie, ont fait du partage des infrastructures l’un des critères de la délivrance de licences pour l’utilisation des fréquences par les services mobiles 3G, 4G ou 5G. Pourquoi pas le Maroc ? Youssef Diop, expert TIC et télécoms, émet des recommandations.

À l’heure où les différentes dépenses publiques sont mises au régime sec pour faire face aux répercussions négatives de la crise pandémique du Covid-19 et de l’impact de la guerre en Ukraine, les questions de mutualisation et de partage d’infrastructures sont d’actualité chez les opérateurs et les régulateurs dans tous les pays, y compris au Maroc, même si des freins persistent.

Avec le développement des réseaux fixes très haut débit, comme ceux offrant la FTTH (Fiber to the home ou fibre jusqu’à l’abonné), et des réseaux mobiles comme la 5G, «le partage pourrait réduire les coûts d’infrastructure pour les opérateurs de près de 40% et favoriser une large et rapide couverture des zones difficiles», de quoi consolider les efforts continus de maîtrise des coûts réalisés par les opérateurs.

Au sein du groupe Orange, détenteur de Medi Telecom à hauteur de 49%,  la réduction des coûts a franchi en 2021 une nouvelle étape dans la réalisation d’un milliard d’euros d’économies nettes en 2023 à l’échelle mondiale, dont plus de 300 millions d’euros d’économies réalisées en 2021, environ 600 millions d’euros d’économies nettes cette année et 1 milliard d’euros d’économies nettes en 2023.

Ceci, à travers l’instauration de nouveaux modes de fonctionnement, la densification et rationalisation du parc immobilier et l’optimisation systématique des dépenses externes. Chez Maroc Telecom, les efforts de maîtrise des coûts permettent au groupe de maintenir ses marges, dans un contexte où les chantiers de transformation digitale et d’innovation restent une priorité pour accompagner l’expansion de la base clients et l’essor de la data, notamment dans les filiales. Il faut dire que les enjeux sont nombreux.

A commencer par une réduction des frais d’exploitation comme la location des sites, les frais de maintenance ou la consommation d’énergie, ou encore contribuer à l’esthétique de nos villes et mettre plus rapidement en service de nouveaux sites.

L’un des arguments de taille, dans ce contexte de crise des coûts de production, est directement lié à la balance commerciale, dans la mesure où des économies importantes de devises pourraient être réalisées en termes d’investissement. En effet, la plupart des équipements, objet de partage, sont importés de l’étranger.

Hausse des investissements dans les infrastructures  réseaux Fixe et Mobile

Selon l’Office des changes, au titre du premier mois de l’année 2022, les importations ont augmenté de 39,5% ou +14,425 MMDH, se situant à 50,905 MMDH. Ce niveau reflète la reprise post-Covid-19 enregistrée au 2e semestre de l’année 2021.

En effet, ces importations ont affiché une moyenne de 45,514 MMDH/mois durant cette période. Ainsi, le déficit commercial augmente de 75,2%, pour un taux de couverture qui s’établit, quant à lui, à 60,2%. Même si la part du secteur télécoms n’est pas indiquée, l’office souligne que «la hausse des importations de biens touche l’ensemble des groupes de produits».

Chez Maroc Telecom, par exemple, les investissements hors fréquences et licences sont en forte hausse pour accompagner une volonté de renforcement des infrastructures réseaux Fixe et Mobile. Au 31 décembre 2021, ceux-ci représentaient 15,3% du chiffre d’affaires, en ligne avec l’objectif annoncé sur l’année.

Mutualisation des infrastructures passives
Le partage entre opérateurs mobiles correspond à la mise en commun entre ces opérateurs d’une partie des équipements constituant leurs réseaux mobiles. Les régulateurs encouragent ces derniers à mutualiser l’infrastructure afin, d’une part, de réduire les coûts et de faciliter le déploiement facile des services télécoms, et, d’autre part, de viser un meilleur paysage visuel en ce qui concerne les sites radios.

Pour Youssef Diop, expert TIC et télécoms, il y a «partage» ou «mise en commun» de sites, lorsque des opérateurs concluent des accords pour installer leurs différents équipements sur une même structure, qu’il s’agisse d’un pylône ou d’un toit. Plusieurs éléments de l’infrastructure passive peuvent être partagés, de même que, par exemple, l’alimentation électrique ou la climatisation. Les antennes et les équipements de transmission peuvent également être mutualisés, en tant qu’infrastructures actives (ou de transmission).

«La plupart des pays encouragent le levier du partage des infrastructures, eu égard à son impact sur le déploiement du réseau et l’amélioration de la qualité de service. Certains d’entre eux, notamment en Asie, ont fait du partage des infrastructures l’un des critères de la délivrance de licences pour l’utilisation des fréquences par les services mobiles 3G, 4G ou 5G», explique Diop.

Pourquoi pas le Maroc? Concrètement, plusieurs types de solutions pour le partage passif existent dont celle dite «donnant-donnant» ou «échanges de sites» à travers laquelle un opérateur permet à un autre de s’installer sur un de ses sites.

En échange, l’opérateur bénéficiaire du partage permet au premier de s’installer sur l’un des siens. Même si l’une des solutions les plus utilisées et les plus faciles à concrétiser, par exemple l’échange de sites, n’est pas encouragée par les opérateurs qui détiennent plus de parts de marché dans une zone donnée.

Cas de partage encore plus poussé
L’une des solutions à mettre en relief est celle employée dans les grands centres commerciaux à Rabat et à Casablanca, où les trois opérateurs partagent des bornes à l’intérieur d’une zone ou d’un immeuble de plusieurs étages. Le partage d’installations actives entre opérateurs est une forme encore plus poussée de partage.

En plus de la mise en commun des infrastructures passives dans certains pays, on réalise la mutualisation d’éléments actifs : liens de transmissions associés ou des éléments actifs du réseau. Un exemple de partage actif opérationnel au Maroc, depuis début 2020, est le roaming national tel que rendu opérationnel en France depuis longtemps.

Quelques recommandations pour encourager le partage  de l’infrastructure des sites radio

Pour Youssef Diop, les régulateurs des pays en voie de développement doivent penser à ouvrir le chantier du partage actif, étant donné sa contribution à l’optimisation en termes d’investissements, notamment dans les réseaux 5G. Généralement, le processus de partage connaît des blocages non tarifaires principalement dus à des procédures floues en ce qui concerne la commande ou les commandes.

Toutes les parties prenantes doivent veiller à tenir compte de cet aspect du problème. Il faudrait publier périodiquement, par exemple tous les deux ans, le classement des opérateurs télécoms en matière de partage. Envisager éventuellement une distinction avec une prime importante pour l’opérateur ayant contribué au partage et à l’instauration de l’esthétique de nos paysages environnementaux.

Il y a lieu de lier aussi les encouragements fiscaux accordés par les pouvoirs publics en faveur des opérateurs télécoms aux efforts de partage d’infrastructures, étant donné que le partage contribue à une économie de devises non négligeable.

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO


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